1816
DICTIONNAIRE
DE
SPIRITUALITÉ
ASCÉTIQUE ET MYSTIQUE DOCTRINE ET HISTOIRE
FONDÉ PAR M. VILLER, F. CAVALLERA, J. DE GUIBERT, S. J. CONTINUÉ PAR ANDRÉ RAYEZ
ET CHARLES BAUMGARTNER, S. J. ASSISTÉS. DE MICHEL OLPHE — GALLIARD, S. J. AVEC LE CONCOURS D'UN GRAND NOMBRE D E C O LL A B O R À T E U RS
TOME VI
Gabriel - Guzman
BEAUCHESNE PARIS 1967
ExPrtMr POTEST Ambiani, die {7 Septembris 1967 Fr. LacourT, S. J.
Lutetiæ Parisiorum, die 14 Octobris 1967 EE. BERRAR, vic. épisc.
Tous droits ds reproduction, d'adaptation et de traduction réservés pour lous pays. Copyright 1965, 1966 et 1967, by BEAUCHESNE.
G
1. GABRIEL (saint), archange. Voir:art. ANGES, DS, t. 1, col. 580-625, passim, surtout col. 613-614.
2. GABRIEL DE L'ADDOLORATA (saint), passioniste, 1838-1862. — Francesco Possenti naquit à Assise le 1er mars 1838; il était le onzième des treize enfants de Sante Possenti, le gouverneur de la ville, et d’Agnès Frisciotti. À quatre ans, il perdit sa mère; sa famille s'installa à Spolète; il y fut élève des frères des Écoles chrétiennes, puis (1850-1856) des jésuites. Après des études qui furent brillantes, il répondit à des invitations intérieures réitérées et à un appel spécial de la Vierge (22 août 1856); il entra chez les passionistes à Morrovalle, où il prononça ses vœux le 22 sep- tembre 1857. A la fin de ses études de théologie à Isola del Gran Sasso, n'étant encore que minoré, il mourut de phtisie le 27 février 1862, réconforté en ses derniers moments par une vision de la Vierge. Béatifié par Pie x en 1908, il fut canonisé par Benoît xv en 1920.
Malgré la vivacité de son caractère et les légèretés de son âge, il traversa l’adolescence .dans l’innocence et avec une piété profonde. Aussi, aidé par l’ambiance familiale et scolaire, atteignait-il déjà un haut état de vie chrétienne lorsqu'il entra en religion.
Pour se purifier intérieurement, il fit une longue halte à la Santa Casa de Lorette, les 8-9 septembre 1856. Il en sortit comme né à une nouvelle vie. Dès le noviciat, il fut favorisé d'’illuminations intérieures et de dons élevés d’oraison, jusqu’à la contemplation infuse et à l’union transformante pendant sa dernière année. Le sous-maître des novices, Norbert de Sainte-Marie, qui fut le directeur spirituel de Gabriel depuis sa sortie du noviciat jusqu’à sa mort, déclarait que ce qui était remarquable en Gabriel c'était de faire toutes choses avec des dispositions intérieures véritablement extra- ordinaires.
L'originalité de cette sainteté c’est son caractère marial. L’union à la Vierge, spécialement à ? Addolo- rata, fut la voie magistrale par laquelle Gabriel attei- gnit les sommets de la perfection, depuis la dure nuit de l'esprit jusqu’à l’intimité de l’union transformante. Pour nourrir et sceller sa dévotion mariale il s’était composé un Simbolo mariano, qu’il aurait voulu écrire de son sang (texte dans Seritti, p. 328-356). Après le Christ, la Vierge Marie était, pour lui, « l’unica scala per salire alla felice eternità » (lettre). Sa doctrine et sa dévotion mariales furent tributaires de celles des saints Bernard, Bonaventure et d’autres, et, plus direc- tement, d’Alphonse de Liguori, dont il savait presque par cœur Le glorie di Maria. Norbert de Sainte-Marie (1829-1911) a laissé manuscrite une importante Maria- logia qui témoigne du climat marial dans lequel vécut Gabriel de l’Addolorata. De par sa spiritualité, le jeune saint s'apparente à la lignée de ses maîtres chez qui dévotion et mystique mariales sont intimement liées : les purifications actives et passives, la contemplation
DICTIONNAIRE DE SPIRITUALITÉ. — T. VI.
et la transformation de l’âme jusqu’à l’union transfor- mante sont vécues « en présence » de Marie et par son intermédiaire. Tout en vivant parfaitement la dévotion mariale montfortaine, il semble certain que Gabriel n’a pas connu le Traité de la vraie dévotion de Grignion de Montfort. Chez Gabriel, — ceci lui est propre —, tout se réalise par l’Addolorata : « Perdolens Virgo quasi tota ei vitae ratio fuit, adeptaeque ab eo sanctitatis magistra » ( bréviaire, matines, 5° leçon). Voir art. Notre-Dame des Sept-DouLeurs, DS, t. 3, col. 1689.
Les autres traits saillants de sa spiritualité à signaler sont : un profond mépris de la vanité du monde, uni aux larmes pour ses légèretés passées (Scritti, p. 185, 223-224, 255, 262 svv, 270, etc); un incroyable amour des pénitences extérieures et intérieures, de tonalité expiatrice aux premières phases de sa vie intérieure et configurant ensuite au Crucifié et à lAddolorata (Processo Spoletino, f. 73-76; Serittt, p. 189, 192-193, 199-200, etc); un très haut degré de pureté, qui avait parfaitement soumis le corps à l’esprit; enfin, une joie permanente, qui était comme une anticipation de la vie éternelle (Seritti, p. 185, 191, 205-206, 218, 232, etc); elle le rendaït aimable à tous et lui mérita le nom de « saint du sourire ». « Sanctus Gabriel non erat natura tristi, sed omni tempore laetus atque festivus » (Jean xxunr, lettre du 27 février 1962). :
4. Écrits. — Le « journal » dans lequel Gabriel consignait les grâces reçues fut trop hâtivement détruit par le P. Norbert lorsque le saint allait mourir. Ainsi est-il resté fort peu d’écrits originaux. Les plus notables demeurent une quarantaine de lettres à sa famille et son Simbolo mariano. Utilisés par les bio- graphes, ils furent édités séparément par Germano di S. Sta- nislao, Lettere ed altri scritii spirituali, Milan, 1896, et traduits en français par Bernard, passioniste, Lettres, Paris, 1898. B. Ceci les a réédités critiquement en les complétant de quel- ques textes mineurs, Scritti di San Gabriele dell Addolorata, Teramo, 1963.
2. Sources. — Processi ordinari-apostolici, 9 vol., Archives secrètes du Vatican, Fonds des Rites, n. 3700- -3708. Les plus importants : n. 3700, Processo ordinario Spoletino; n. 3706, Processo apostolico Aprutino. — Norberto di Santa Maria, Memorie sulla vita e virtù di conf. Gabriele della Vergine Addolo- rata, ms publié pour la première fois dans les Fonti storico-bio- grafiche di San Gabriele dell Addolorata, éd. N. Cavatassi et F. Giorgini, Teramo, 4965. — Benoît xv, AAS, t. 12, 1920, p. 223-225. — Jean xx1rt, AAS, t. 54, 1962, p. 160-164.
8. Biographies. — Paolo Bonaccia, Memorie storiche sopra la vita e.le virtù del giovane Francesco. Possenti, tra.i .Passio- nisti confratel Gabriele dell’ Addolorata, Turin, 1868; rééd. par Germano en 1893. — Germano di S. Stanislao, Vita del Ven. servo di Dio Gabriele dell’ Addolorata.., Rome, 1897; dernière édition, 1956; œuvre fondamentale. — Bernard, Vie du véné- rable Gabriel de Notre-Dame des : Sept-Douleurs, Bordeaux, 4903; 8e éd., Arras-Paris, 1924. — S. Battistelh (Stanislao : dello Spirito” Santo), San Gabriele dell’ Addolorata, chierico passionista, Teramo, 1925; 8e éd., 1965. — Pietro Gorla, San Gabriele dell Addolorata, passionista, Milan, 1928; 3e éd. Turin, 14951. — B. Latzarus, Sairt Gabriel, passioniste, Paris-
1.
3 S. GABRIEL DE L'ADDOLORATA 4
Arras, 1933. — E. Burke, Happy was my youth. À study of saint Gabriel of our Lady of Sorrows, Dublin, 1962.
4. Études. — Joseph Perrin, Saint Gabriel de l’Addolorata, coll. Cahiers de la Vierge 18, Juvisy, 1936. — C. Lorenzetti, La vita contemplativa in San Gabriele dell’ Addolorata, dans La oita contemplativa nella Congregazione della Passione, Teramo, 1958, p. 195-256. — N. Cavatassi, Il maestro e il discepolo. Studio storica-teologico sul P. Norberto di Santa Maria e San Gabriele dell’ Addolorata, Teramo, 1958, et dans Giovenitù Passionisia, t. 2, Teramo, 1958, p. 1-48. — S. Ragazzini, Maria vita dell’ anima. ltinerario mariano alla SS.ma Trinità, Rome, 1960, p. 157-161, 214, 300-301, 337-338, 417, 435, 495-476. — Atti del 1x e x convegno di spiritualità passionista : S. Gabriele e la sua spiritualità, Teramo, 1965.
Natale CAVATASSI.
3. GABRIEL D’ANVERS, capucin, t 1656. Voir DS, t. 5, col. 1384-1385.
4. GABRIEL DAL BAMBASO, frère mineur, 16e siècle. — Franciscain observant de Reggio en Émilie, Gabriel n’est connu que par un opuscule rédigé pour les clarisses du monastère del Corpo di Christo de Crémone dont il était le confesseur : Scala del Paradiso pictoriosa, édité à Milan le 28 mars 1521. L’auteur y annexa, d’après les bibliographes, un Alphabetum maius et minus libri vitae, un commentaire des sept paroles du Christ en croix et un autre commentaire de l’oraison dominicale.
La même.année 1521, le chapitre provincial de Carpi déci- dait de faire brûler tous les écrits de Gabriel de Reggio et ordonnait aux religieux et aux moniales qui en possédaient des exemplaires de les remettre au ministre provincial (G. Picconi da Cantalupo, Ati Capitolari della Minoritica Provincia di Bologna, t. 1, Parme, 1901, p. 153). Mais il n’est pas certain qu’il s’agisse du même personnage, lequel intervient aussi en 1512 comme confesseur et en 1522 comme prédicateur (ibidem, p. 130, 158).
Jean de Saint-Antoine, Bibliotheca universa franciscana, t.2, Madrid, 1732, p. 4-2. — G. Tiraboschi, Biblioteca Modenese, t. 1, Modène, 1781, p. 154. — H. Sbaralea, Supplementum.. ad scriptores, t. 1, Rome, 1908, p. 311.
Clément SCHMITT.
. 5. GABRIEL BARLETTA, dominicain, 15esiècle. — On ignore à peu près tout de ce prédicateur italien, les dates et lieux de sa naissance (Barletta, près de Naples, ou Aquin?) et de sa mort; il fut dominicain, peut-être disciple de saint Antonin de Florence; cer- tains bibliographes le disent maître en théologie et versé en droit civil. Il est probable que le Gabriel de Brunis de Barletta, étudiant à Sienne et Pérouse, puis docteur en théologie à l’université de Parme le 25 juin 1472, soit notre prédicateur. I1 prêcha dans les principales villes d’Italie, avec un succès qui fit passer en dicton populaire ce mauvaïs calembour : « nescit praedicare qui nescit barlettare ». Il mourut, semble-t-il, après 1480.
La première édition, posthume, des sermons de Gabriel Barletta parut à Brescia en 1497-1498, en deux volumes : Sermones quadragesimales et de sanctis; la seconde, pense-t-on, intitulée Opus quadragesimalium et de sanctis.… (s 1, vers 1500), est mise sous le nom de saint Antonin de Florence (cf Gesamtkatalog der Wiegen- drucke, n. 2182-2183).
On compte au total plus de vingt éditions, parmi lesquelles : Lyon, 1504, 1536, 1594; Rouen, 1515; Paris, 1512, 1518. Les plus abordables sont celles de Venise : 1571, 1573, 1577. Cer- tains ont mis en doute la paternité de Barletta, Léandre Alberti
en particulier (De viris illustribus ordinis praedicatorum, Bologne, 1517, f. 145); Quétif-Échard ne se prononce pas nette- ment; il est en tout cas fort probable que l’éditeur a retouché les textes ou les notes de Barletta, quand il a préparé son édi- tion.
Telle qu’elle est imprimée, l’œuvre groupe cinquante-deux sermons pour le carême et le temps de la Passion, vingt-huit sur des saints, quatre sur l’avent, trois « extravagants »; cer- taines éditions contiennent une ou deux séries de « sermones additi ».
Le style en est à la fois populaire et pédant, ou du moins surchargé d’innombrables autorités; chaque sermon est divisé et subdivisé, sous la forme de distinc- tions rationnelles à la mode scolastique; ainsi, le sermon sur la foi pour le second dimanche du carême offre quatorze subdivisions. Les fautes de goût et les bizar- reries ne manquent pas (voir J.-P. Nicéron, Mémoires pour servir à l’histoire des hommes illustres, t. 3, Paris, 4729, p. 1-6). Le genre est nettement moralisant; l'auteur traite le plus souvent des vices et des vertus, à l’aide d’exempla tirés de ses observations personnelles ou de la tradition : histoire, littérature classique; parmi les autorités chrétiennes, outre la Bible, Gabriel Bar- letta utilise par exemple Eusèbe, les Vitae Patrum, les Dialogues de saint Grégoire, les chroniques domini- caines, saint Thomas, etc. Si l’auteur consacre sa prédi- cation de chaque samedi de carême à la Vierge Marie, il parle fort peu de la personne du Christ et n’aborde que rarement les questions de la vie spirituelle.
Hain-Coppinger, n. 1241, 2459-2460. — Gesamtkatalog der Wiegendrucke, n. 3400. — N. Toppi, Bibliotheca napoletana, Naples, 1678, p. 102. — Quétif-Échard, t. 1, p. 844; t. 2, p. 828. — U. Chevalier, Bio-bibliographie, t. 1, Paris, 1905, col. 1631. — R. Bonanni, Uomini illustri di Aquino… per santità, dotirina e valore, Alatri, 1923, p. 124-125. — J.-Th. Welter, L’erem- plum dans la littérature religieuse et didactique au moyen âge, Paris-Toulouse, 1927, p. 415-416, 451. — S. Orlandi, Biblio- graphia antoniniana, Vatican, 1961, p. 330. — C. Piana, Ricerche sulle università di Bologna e di Parma nel secolo xv, Quaracchi, 1963, p. 437-438. :
DHGE, t. 6, 1932, col. 841-842. — Dizionario biografico degli italiani, t. 6, Rome, 1964, p. 399-400.
André DERVILLE,
6. GABRIEL BREBBIA (ou Bregia), bénédictin, 15e siècle. — Originaire de Milan, Gabriel Brebbia : devint profès du monastère bénédictin Saint-Pierre « in Gessate » (Milan), de la congrégation de Sainte- Justine de Padoue, le 28 mars 1479. Humaniste renommé pour son érudition, il laissa un Breve commentarium in psalmos (Milan, 1477 et 1490); le commentaire de chaque psaume se termine par une courte invocation. Dans une longue préface, Brebbia présente les milanais les plus illustres de son temps. Cet ouvrage mérite d’être signalé dans l’histoire de la spiritualité italienne de la Renaissance.
Hurter (t. 2, 1906, col. 4032) lui attribue l’édition italienne corrigée de la Sumula.. de pacifica conscientia de Pacifique de Novare (Milan, 1479); il semble qu’il y ait confusion avec le nom de l’imprimeur.
Hain, n. 3766. — Copinger, n. 12259. — J.-C. Brunet, Manuel
du libraire, t. 4, Paris, 1863, col. 934-935; Supplément, t. 2, 1880, col. 126.
M. Armellini, Bibliotheca benedictino-casinensis sive scripto- rum casinensis congregationis alias S. Justinae Patavinae, t. 1, Assise, 1731, p. 178. — J. François, Bibliothèque générale des écrivains de l'ordre de Saint-Benoît, t. 1, Bouillon, 1777 (éd. anastatique, Louvain, 1961), p. 149.
Réginald GRÉGOIRE.
5 GABRIEL DE GAROFOLIS 6
7. GABRIEL DE GAROFOLIS (ou DE Spo- LèTe), ermite de Saint-Augustin et évêque, + 1433. — D'une famille patricienne de Spolète, Gabriel de Garofolis appartenait à la province des ermites de Saint-Augus- tin, dite de Spolète, où, maître en théologie de l’univer- sité de Bologne (1405), il se distingua comme pro- fesseur et prédicateur. Préfet des études à Bologne, il participa en 1409 au concile de Pise. Son expérience le fit nommer provincial et vicaire général de sa pro- vince (1410), puis vicaire général de celle de Venise (1420). En 1423, avec quatre vénitiens entraînés par son exemple, il fonda les chanoines du Saint-Esprit, qui seront approuvés par Martin v en 1424; pour en assumer la direction, il semble avoir alors quitté les ermites de Saint-Augustin, chez qui il serait cependant revenu en 1426. Il fut ensuite nommé évêque de Nocera dei Pagani en Campanie (8 juin 1429) et il mourut à Spolète le 16 juillet 1433.
Gabriel a laissé des sermons (7n evangelia quae in feriis quadragesimae, dominicis et festis leguntur; De diebus festis B. Mariae Virginis) et plusieurs traités
inédits « adversus pestiferam sectam fraticellorum », ‘ qu’il poursuivit sans relâche. De même, la jugeant équivoque, s’opposa-t-il à la dévotion au Nom de Jésus propagée par saint Bernardin de Sienne. Gabriel doit surtout être retenu pour son apport à l'établissement des nouvelles constitutions (1426), inspirées de la règle de saint Augustin, des clercs apostoliques de Saint- Jérôme (souvent appelés jésuates) de Jean Colombini (É. Baluze, Miscellanea, éd. Mansi, t. 4, Lucques, 1764, p. 566-582).
D.-A. Gandolfo, Dissertatio historica de ducentis celeberrimis augustinianis scriptoribus, Rome, 1704, p. 124-126. — G. Pen- notto, Generalis totius sacrt ordinis clericorum canonicorum historia tripartita, Rome, 1724, p. 482-483. — J.-F. Ossinger, Bibliotheca augustiniana, Ingolstadt, 1768, p. 384-386 et 989. — J. Lanteri, Jllustriores viri augustinenses, t. 1, Tolentino, 4858, p. 277-280. — D.-A. Perini, Bibliographia augustiniana, t. 8, Florence, 1935, p. 208-209. — É. Longpré, S. Bernardin de Sienne et le Nom de Jésus, dans Archivum franciscanum histo- ricum, t. 28, 1935, p. 453. — Sanctus Augustinus vitae spiri- tualis magister, t. 2, Rome, 1959, p. 869.
Paul Baïrzzy.
. 8. GABRIEL DE JÉSUS, carme déchaussé, 1862- 1949. — Né à Jaraicejo (Caceres, Espagne) le 20 mai 1862, Bernardo Roman Izquierdo poursuivait ses études au séminaire de Palencia, lorsque la lecture de sainte Thérèse d’Avila lui fit connaître sa vocation au Carmel. 11 fit sa profession religieuse le 24 octobre 1880 et fut ordonné prêtre le 18 juin 1886. Il fut plusieurs fois supérieur, à Madrid, Tolède et Médina del Campo; il mourut à Alba de Tormes le 7 mai 1949.
. Gabriel de Jésus n’est pas un auteur spirituel origi- nal; écrivain très fécond, il consacre de nombreux écrits de vulgarisation à sainte Thérèse (vg sa Biblio- teca popular carmelitano-teresiana), et des livres de dévotion à l’Enfant-Jésus de Prague, à la Vierge du Car- mel, etc, publiés à Madrid, entre 1918 et 1928.
Intéressent plus directement la spiritualité ses deux retraites : Æjercicios espirituales de San Ignacio y Santa Teresa para religiosas (Madrid, 1912, 1926) et Ejerci- cios espirituales dados con textos de Santa Teresa (Madrid, 1923). La première de ces retraites suit fidèlement le plan des Exercices spirituels ignatiens, autant qu’il est possible de le faire dans une retraite de huit jours, et commente le texte à l’aide de sainte Thérèse; d’où
un curieux amalgame. Gabriel de Jésus édita encore une sorte d’introduction à la vocation carmélitaine : Didlogos de Santa Teresa de Jesûs. Introducciôn general. Yo quiero ser hija de S. Teresa, o la vocaciôn al Carmelo teresiano (Madrid, 1932); Didlogos con Santa T'eresa de Jesus, t. 4 La novicia (Madrid, 1933).
Son ouvrage le plus vaste, La Santa de la Raza. Vida gräfica de Santa Teresa de Jesus (4 vol., Madrid, 1929-1935), est resté inachevé; le cinquième volume, prêt pour l'impression, fut arrêté par la guerre civile espagnole. Il s’achève sur la descrip- tion de la vie spirituelle telle qu’elle existait au couvent de Saint-Joseph d’Avila; cette masse de renseignements sur les lieux et les coutumes qu’a pu traverser et connaître la sainte est un recueil utile.
Dans le genre oratoire, Gabriel de Jésus édita : Santa Teresa predicada o Novenario de sermones y panegirico, Madrid, 1918; La Virgen de los Dolores, o sea sermones de dolor, Madrid, 1919; dans La elocuencia a los pies de Santa Teresa, Madrid, 1922, il a recueilli divers panégyriques inédits, dont deux lui appartiennent.
Damaso de la Presentacién, Catélogo bibliogräfico de autores carmelitas descalzos… (1943, inédit). — Analecta ordinis carme- litarum discalceatorum, t. 22, 1950, p. 373-377. — Silverio de Santa Teresa, Historia del Carmen Descalzo, t. 15, Burgos, 1952, p. 779-780. l
ADOLFO DE LA MADRE DE Dios.
9. GABRIEL DE SAINT-JEAN-BAPTISTE, carme, 1640-1692. — Né à Bruxelles le 12 novembre 1640, et portant le nom de famille de Gaston, Gabriel de Saint-Jean-Baptiste entra dans l’ordre des carmes et fit ses vœux à Malines le 11 avril 4660. Il fut désigné le 29 juin 1663 pour enseigner les lettres à Boxmeer, poste qu’il occupa jusqu’en mai 1669; il avait reçu la prêtrise le 19 avril 1665. On le retrouve, de mai 1676 à mai 1681, préfet des études et professeur de lettres à Geldern, et il se donne comme sous-prieur de Geldern en 1685, 1686 et 1691; il remplit aussi les fonctions d’aumônier militaire. Il mourut à Geldern le 24 fé- vrier 1692.
On lui doit cinq ouvrages spirituels qu’il écrivit à
: la demande du chanoine régulier Jean van der Heyden
(le témoignage de Jean est inséré dans Het Gheeste- lyck Houwelyck).
1) Den Christelycken Apelles, het bedrogh, de ydelheydt en sottigheydt van de wereldt levendigh af-malende (Bru- xelles, 1685; « L’Apelle chrétien peignant d’une manière vivante la tromperie, la vanité et la folie du monde ») traite des péchés capitaux. — 2) Den Gheestelycken Juvwelier voorsien van kostelycke ghesteenten van ryck- leerende lessen… (Gand, 1686; « Le joyau spirituel présentant. des leçons très profitables prises du trésor des sept sages de la Grèce ») offre une sagesse pratique de vie. .
8) De Ongemaskerde Pulcheria, oft spieghel van de waere schoonheyt, vertoonende aen de hedendaeghsche maeghden wat hun wel en qualyck staet (Anvers, 1686; « Pulchérie sans masque, ou le miroir de la vraie beauté montrant aux jeunes filles ce qui est bien et mal ») présente, sous une forme allégorique, ce que doit être au sens spirituel la beauté de la taille, du visage, des cheveux, etc, d’une fiancée du Christ. — 4} De Bruydt Christi Christina ghekleedt naer de Mode van Parys en Paradys, betoonende aen alle Maeghden… (Anvers, 1690; « La fiancée du Christ, Christina, habillée selon la mode de Paris et du Paradis, montrant aux vierges comment s’orner l’âme et le corps ») est une allégorie portant sur les vêtements féminins. — 5) Het Greestelyck Houwelyck
7 GABRIEL DES.
tusschen Christum en de siele onder den naem van Amadea.… (Anvers, 1691; « Le mariage spirituel entre le Christ et l’âme Amadéa »). — L'auteur n’a pas eu le temps de répondre au désir de van der Heyden, qui voulait un sixième livre décrivant, toujours dans le genre allégo- rique, comment l'épouse du Christ tient sa maison et son ménage de façon à plaire à son Époux.
Ces ouvrages témoignent d’une grande lecture des auteurs classiques et chrétiens; Gabriel en tire de nom- breux exemples moralisants, et aussi des poèmes didac- tiques auxquels il joint les siens. Son originalité est mince, sur le plan spirituel comme sur le plan moral qui prédomine dans ses livres. Le ton est doctoral et exhortatif. Gabriel s'adresse à la jeunesse qu’il veut conduire à une vie chrétienne pieuse; ce qui ne l'empêche pas de faire parfois des mises en garde un peu préma- turées; celle-ci, par exemple : « Si quelqu'un est très contemplatif, il est en grand danger d’être trompé dans sa contemplation s’il s’enorgueillit et prend vaine gloire de sa prière. De fait, on trouve que bien des contemplatifs ont cette sorte d’orgueil, sont entêtés et obstinés dans leurs opinions. » (Het Gheestelyck Houwelyck, p. 134). Le genre allégorique de Gabriel de Saint-Jean-Baptiste a bien vieilli, ses ouvrages sont révélateurs des goûts de son époque, bien qu’ils n’aient pas été des succès de librairie.
Cosme de Villiers, t. 4, col. 534. — I. Rosier, Biographisch en bibliographisch overzicht van de vroomheid in de Nederlandse Carmel, Tielt, 1950, p. 135-136. — Bibliotheca catholica neer- landica impressa, La Haye, 1954, p. 611. |
Rudolf HENDRIKs.
40. GABRIEL DE SAINT-JOSEPH, carme déchaussé, + 1690. — Gabriel Sanchez Escudero, né à Almonacid de Zorita (Guadalajara, Espagne), prit Phabit du Carmel à quinze ans au noviciat de Pastrana, le 19 mars 1634, et fit profession l’année suivante, le 25 mars. D’abord professeur de théologie au collège d’Alcala, il fut supérieur des couvents d’Ocaña, Pas- trana, Cuenca et Guadalajara, deux fois recteur d’Alcala, deux fois définiteur provincial et provincial de Nou- velle-Castille, et deux fois définiteur général. Ïl mourut à Alcala de Hénarès le 127 novembre 1690.
Pendant quelque trente ans, il fut le directeur de Doña Maria .Orozco y Lujan; dans ses Apuntamientos de cosas muy raras que pasan & un alma (bibliothèque nat. de Madrid, ms 13425), il note à partir de 1672 les faits saillants de la vie spirituelle de celle-ci. Dénoncé à l'inquisition en raison de sa direction, il écrivit pour sa défense un Memorial (ibidem, ms 6995, f. 614r- 650v; ms 6625, f. 448r-466v), dans lequel il justifie sa manière de procéder, traite du discernement de l'authenticité des révélations et donne son jugement sur les états de Doña Maria.
A l’occasion d’un écrit anonyme attaquant la lettre pastorale (20 novembre 1681) de Jaime de Palafox y Mendoza, archevêque de Séville, et lui reprochant d’y enseigner l’oraison de quiétude de Molinos, Gabriel de Saint-Joseph écrivit vers 1689 un Compendio mstico apologético. En que se manifiesta la verdadera contem- placiôn… (ms autographe, bibliothèque nat. de Madrid, 13430), où il prend la défense de la contemplation acquise. Fe
On doit encore à Gabriel un livre étrange, Statera eucharts- tica (Alcala, 1690, 249 p.), où il expose et juge les opinions positives ou négatives au sujet de la permanence de l’eucha- ristie sous des espèces incorruptibles dans le ciel.
JEAN-BAPTISTE 8
J. Catalina Garcia, Biblioteca de escritores de la provincia de Guadalajara, Madrid, 1899, p. 482-483. — Gerardo de San Juan de la Cruz, Bibliografia carmelitana {inédite}. — Silverio de Santa Teresa, Historia del Carmen Descalzo, t. 11, Burgos, 1943, p. 310-313. — Matias del Niño Jesus, Una obra inte- resante de la escuela mistica carmelitana, dans Revista de espi- ritualidad, t. 7, 1948, p. 59-72 (présente le Compendio mistico).
Le carme Gabriel est à distinguer de son homonyme, Gabriel de Saint-Joseph, trinitaire, né et mort à Grenade (1650- 1718), auteur d’une œuvre mariale, Ave Maria SS. mistica armeria del alma, Grenade, 1716. Voir Antonino de la Asun- cién, Diccionario de escritores trinitarios de España, t. 4, Rome, 1898, p. 453-456.
ADOLFO DE LA MADRE DE Dios.
11. GABRIEL DE SAINT-VINCENT, carme déchaussé, 1600-1671. — Né à Lodi en 1600, Gabriel de Saint-Vincent enseigna la philosophie, puis la théo- logie au collège carmélitain des missions à Rome; il fut également un directeur spirituel de renom. II mourut à Rome en 1671, après avoir publié de nombreux ouvrages qui relèvent de son enseignement, en particulier le commentaire de la Somme théologique de saint Thomas (Rome, 1664-1667).
On trouverait, à travers ces exposés et ces discussions d’une scolastique rigide, des questions intéressant la spiritualité : la possibilité de la vision de l’essence de Dieu (1# pars, disp. 12, dub. 28), les dons du Saint-Esprit (pars 2 2e, disp. 13 et 28), le sacerdoce du Christ (3° pars, disp. 22), ou l'important traité de la grâce (Tractatus de gratia.., Rome, 1658).
Ïl y aurait également à glaner dans le curieux De remediis ignorantiae seu quid scire debeat unusquisque secundum suum stalum (Rome, 1671), depuis les devoirs du pape jusqu’à ceux du malade, depuis le commentaire des propositions anti- laxistes d'Alexandre vii jusqu'aux règles du discernement spirituel (p. 461-468), la nature de la contemplation et de
l’extase {p. 506-544). À
Seule l’Anagogia christiana (Rome, 1666) est une œuvre de spiritualité : les vingt-neuf élévations qu’elle contient sur les mystères de la vie du Christ sont abon- damment nourries de la Bible et de la liturgie.
Cosme de Villiers, t. 1, p. 533. — G. Kok$a, Die Lehre der Scholastiker des 16. und 17. Jahrhunderts von der Gnade.…, Rome, 1955, p. 40-43. — Valentino di Santa Maria, L’Immaco- lata Concezione e la Congregazione d'Italia dei carmelitani scal- zi, dans Ephemerides carmeliticae, t. 7, 1956, p. 7-9. — Relatio biographica, aux Archives générales de l’Ordre, Rome, 96 f.2.
Ermanno ANCILEI.
12. GABRIEL DE SAINTE-MARIE, bénédic- tin et archevêque de Reims, + 1629. Voir G1FFoRD (William).
13. GABRIEL DE SAINTE-MARIE-MADE- LEINE, carme déchaussé, 1893-1953. — 1. Vie et personnalité. — 2. Oeuvres. — 3. Doctrine.
4. Vie et personnalité. — Né à Bevere-lez-Aude- narde (Belgique) le 24 janvier 4893, Adrien de Vos entra au noviciat des carmes déchaux de la province flamande à Bruges, le 2 septembre 1910, où il reçut le nom de Gabriel de Saïnte-Marie-Madeleine. Il eut la bonne fortune de rencontrer très tôt deux grands promoteurs du renouveau spirituel : Alphonse de la Mère des Dou- leurs + 1927 (DS, t. 1, col. 392) et Jérôme de la Mère de Dieu + 1954. Le 8 septembre 1914, le jour de sa profession solennelle, il émigra en Irlande. Il dut cepen-
dant interrompre sa formation théologique en septembre
9 GABRIEL DE S. MARIE-MADELEINE 10
4915 pour s'engager dans l’armée belge. Ii continua à s'intéresser à la théologie spirituelle et débuta par de petits essais sur la spiritualité carmélitaine, qu’il publia dans une revue destinée aux soldats carmes. Au terme de ses études théologiques, en avril 1921, il fut nommé professeur de philosophie à Courtrai, ce qui ne l’empêcha pas de poursuivre ses travaux de spiritualité, tout en perfectionnant ses connaïssances philosophiques par des contacts personnels avec luniversité de Louvain et PAngelicum de Rome.
Ses premières publications supposent déjà une connaissance approfondie et laissent prévoir son évolution ultérieure : La contemplation acquise chez les théologiens carmes déchaussés (dans le livre de R. Garrigou-Lagrange, Perfection chrétienne et contemplation, t. 2, Paris, 1923, p. 746-769); Le message de la Petite Thérèse, Courtrai, 1924; L'union de transformation dans la doctrine de saint Jean de la Croix (VSS, t. 11-12, 1924- 1925, p. 127-144). Pendant les mêmes années, il aide l’abbé J. Cardijn à organiser et surtout à instruire la jeunesse ou- vrière chrétienne de la région courtraisienne.
En 1926, il fut appelé à Rome comme vice-recteur et maître des étudiants du collège international carme, nouvellement fondé. Le soin des jeunes théologiens le poussait à étudier encore davantage la doctrine spiri- tuelle de ses maîtres. En 1931 lui fut confiée la chaire de théologie spirituelle, qu’il occupa jusqu’à la fin de sa vie. Il se trouva dès lors dans l’impossibilité de communi- quer le résultat de ses travaux autrement que par ses écrits, des séries de conférences à Rome, ou la parti- cipation à des congrès scientifiques. Mais il amassait des trésors de science, qu’il pourrait distribuer au'moment voulu. A partir de 1939, n’étant plus que préfet d’études de la faculté de théologie, érigée en 1935, et professeur de théologie spirituelle, commence ce que nous pourrions appeler sa vie publique : conférences, retraites, partici- pation aux congrès et même organisation de congrès se succèdent presque sans interruption.
II collaborait déjà à différentes revues : Vita cristiana, Vie spirituelle, Études carmélitaines, etc; il en fonde une nouvelle en 1941, Vita carmelitana, dont il élargit Phorizon : en 1947 elle devint la Rivista di vita spirituale. Il en porta presque tout le poids. Ce qui ne l’empêcha pas de prêter son concours aux Ephemerides carmeliticae (fondées en 1947 au Theresianum), à l'Enciclopedia Cattolica, au Dictionnaire de spiritualité, etc.
Épuisé par une activité débordante, il mourut à la tâche le 15 mars 1953.
En cherchant à fixer à grands traits la figure de Gabriel de Sainte-Marie-Madeleine, voyons l’homme, puis le carme.
Il y avait en lui une aversion des extrêmes, excepté lPextrême de la générosité. II n’aimait pas les controverses où deux opinions s’opposent par un sic et non radical. De tempérament conciliant, il tendait à rapprocher les opposants. À propos de la nature de la théologie mys- tique il déclare par exemple : « Come spesso, anche qui, invece di aut, aut, bisogna ripetere et, et, unire cioë gli elementi, che in apparenza divergono, in una sintesi superiore. Vorremmo che il nostro studio vi avesse contribuito alquanto » (Teologia della mistica, dans Problemi e orientamenti di teologia dommatica, t. 2, Milan, 1957, p. 1045). Une seconde qualité humaine, soutenue d’ailleurs par un esprit surnaturel, était son optimisme inébranlable. Aucune désillusion n’était capable de freiner son ardeur ou d’éteindre l’enthou- siasme, qu’il savait communiquer, même s’il souffrait quelquefois profondément de l'incompréhension ren-
contrée. À côté de ses dons de volonté il possédait des qualités intellectuelles éminentes : capacité d’assimiler, de distinguer l'essentiel de l'accessoire et surtout d’expo- ser avec clarté sa pensée.
Gabriel de Sainte-Marie-Madeleine était épris de l'idéal de son ordre : contemplation et apostolat. Contem- plation d’abord, et c’est ce qui explique sa fidélité aux deux heures d’oraison, prescrites au Carmel thérésien, et sa défense de la vie cloîtrée, en 1950-1951 notamment, avec tout le poids de son autorité. Il se sentait appelé à propager la doctrine de sainte Thérèse et de saint Jean de la Croix. Dans les controverses, c'était chez eux qu’il allait chercher la réponse. Il n'avait aucune pré- tention à l'originalité et voulait montrer qu’on pou\ait trouver chez les réformateurs carmes une solution adéquate au problème posé. Comme il ne voulait pas répéter sans plus une doctrine élaborée dans un contexte historique différent, il participait activement aux congrès de psychologie religieuse, organisés par les Études carmélitaines à Avon; il étudiait avec soin les directives pontificales et il était à l'écoute pour entendre la voix des prêtres, religieux et laïcs, auxquels il voulait donner une nourriture solide. C’est à ce niveau de haute vulga- risation qu’il s’est prodigué davantage, tout en ne. négligeant pas des études plus techniques. Une prédilec- tion spéciale cependant l’attirait vers les carmélites; il entretenait un contact régulier avec une cinquantaine de monastères.
Son champ d’apostolat était surtout l'Italie, où il a contribué pour une large part au progrès du mouvement spirituel. C’est ce qui explique que presque tous ses livres ont été écrits en italien.
2. Oeuvres. — Nous nous limitons aux écrits publiés sous forme de livre ou de brochure, excluant toute publication, même importante, faite dans des revues ou en collaboration.
Le message de la Petite Thérèse, Courtrai, 1924; trad. anglaise, italienne. — La mistica teresiana, Flo- rence, 1935; trad. française (École thérésienne et pro- blèmes mystiques contemporains, Bruxelles, 1936). — Santa Teresa di Gesù, maestra di vita spirituale, Milan, 1935 (2 éditions); trad. anglaise, néerlandaise, polonaise et française (Sainte Thérèse de Jésus, maîtresse de vie spirituelle, Paris et Rochefort [Belgique], 1939, 1947). — S. Giovannt della Croce, dottore dell’amore divino, Flo- rence, 1937 (2 éditions); trad. anglaise, polonaise et française (Saint Jean de la Croix, docteur de l’amour
divin, Paris et Rochefort, 1947). — La contemplazione acquisita, Florence, 1938; trad. française {La contempla- tion « acquise », Paris, 1949). — Visioni e rivelazioni
nella vita spirituale, Florence, 1941; trad. anglaise, française (Visions et vie mystique, Paris et Rochefort, 1955). — S. Giovanni della Croce direttore spirituale, Florence, 1942. — Commentario spirituale delle Costi- tuzioni delle carmelitane scalze, Pro manuscripto, Rome, 1942; trad. anglaise, espagnole, française, néerlandaise.
Piccolo catechismo della vita d’orazione, Florence, 4943, paru d’abord dans Vita carmelitana, 1941-1942; 5 éd. italiennes; trad. allemande, anglaise, chinoise, coréenne, espagnole (en plusieurs nations), hindi, konkani, maltaise, néerlandaise, polonaise, portugaise et française (Petit catéchisme de la vie d’oraison, Bruxelks, 1946; Paris, 1947). — La spiritualità di Santa Teresa Margherita Redi del Cuor di Gesù. « Abscondita cum Christo in Deo », Florence, 1950; il édite alors La bio- grafia di S. Teresa Margherita Redi seritta per il Papa
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Clemente xiv, dans Ephemerides carmeliticae, t. &, 1950 [19538], p. 519-623. — L’unione con Dio secondo San Giovanni della Croce, Florence, 1950 (3 éditions); trad. espagnole, japonaise, néerlandaise (2 éd.), portu- gaise.
Intimià divina. Meditazioni sulla vita interiore per tutti à giorni dell’anno, Rome, 6 vol., 1952-1955. A connu un succès extraordinaire : 8 éd. italiennes (1963); trad. allemande (6 éd.), espagnole (4 éd.}, néerlandaise (2 éd.), polonaise, slovaque, portugaise, anglaise et française (/ntimité divine. Méditations sur la vie inté- rieure pour tous les jours de l’année, 6 vol., Tarascon- Alost, 1953-1956), 3 éd. (2e et 3e en 2 vol.). — Le ricchezze della grazia, Terni, 1953. — La via dell’orazione. Esposi- zione e commento dell’opera « Cammino di perfezione » di S. Teresa di Gesù, Rome, 1955 (2 éd.); trad. allemande, japonaise, portugaise et française (La voie de l’oraison. Commentaire de l’œuvre de sainte Thérèse de Jésus, « Le chemin de la perfection », Alost-Paris, 1958). — Dal S. Cuore alla Trinità. Itinerario spirituale di S. Teresa Margherita del S. Cuore di Gest, Milan, 1961; traduc- tion d’un article des Æphemerides carmeliticae ({t. 3, 1949, p. 227-296 : Du Sacré-Cœur à la Trinité. Itinéraire spirituel de sainte Thérèse-Marguerite du Cœur de Jésus).
Catechismi di vita spirituale, Milan, 1962, comprend : Piccolo catechismo della vita spirituale, publié dans Rioista di vita spirituale, t. 1-7, 1947-1953; Piccolo catechismo della vita d’orazione, déjà mentionné; en appendice : Studio sistematico teologico della vita spiri- tuale, ibidem, t. 7, 1953, p. 254-295. Le recueil a été traduit en espagnol. — Pagine di direzione spirituale, 2 vol., Rome, 1963-1964 : lettres de direction. — Mention- nons encore la traduction italienne du Cantique spirituel de saint Jean de la Croix, publiée avec une introduction, Florence, 1948.
8. Doctrine. — Quoiqu'il ne voulût pas être un novateur ni proposer une doctrine différente de celle qu’il trouvait dans la tradition du Carmel, Gabriel de Sainte-Marie-Madeleine fut obligé de prendre position dans les controverses, d’autant plus que même ses confrères n’interprétaient pas toujours les mystiques du Carmel de la même façon.
1° Nature de la théologie spirituelle. — La controverse, d’abord limitée à la nature de la théologie mystique, prit son origine dans le livre de A. Stolz, Theologie der Mystik (Ratisbonne, 1936), qui présentait le texte de conférences données à la semaine d’études de Salzbourg, en 1935. La nature de la mystique était étudiée à partir des principes théologiques, tels qu’ils appar-:ssent dans l’Écriture et la tradition; l’aspect psychologique avait été confié à A. Mager. Selon A. Stolz, les mystiques espagnols, et en particulier les carmes, avaient trop négligé l'explication théologique des états mystiques. Gabriel de Sainte-Marie-Madeleine se sentit dans l’obli- gation de plaider leur cause. Le débat s’élargit et embrassa non seulement les états mystiques, mais la nature de la théologie spirituelle. Était-elle essentielle- ment dogmatique ou simplement descriptive? Si on semblait d'accord pour exclure le second terme de Valternative, pouvait-on faire abstraction du condi- tionnement psychique du sujet et se contenter d’expli- quer les principes doctrinaux qui soutiennent et guident l'ascension spirituelle de l'âme?
A. Stolz, tout en admettant la nécessité d’unir les deux aspects, tendait pourtant à maintenir l’aspect psychologique en marge de la théologie spirituelle, puisque la grâce, en son
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GABRIEL DE S. MARIE-MADELEINE
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commencement comme en son développement, ne dépendait pas de facteurs psychiques spéciaux. A. Mager, au contraire, avait insisté outre mesure sur le changement radical que 1- connaissance mystique apportait au psychisme humain {Mys- tik als Lehre und Leben, Innsbruck, 1984; Le fondement psycho- logique de la purification passive, dans Études carmélitaines, octobre 1938, p. 240-253). L’accusation lancée contre les mys- tiques espagnols avait suscité des défenseurs : A. Winklhofer (Zeitschrift für Aszese und Mystik, t. 12, 1937, p. 78-82) et M.-T.-L. Penido (Revue thomiste, t. 43, 1937, p. 496-498; t. 44, 1938, p. 838-839).
Le Père Gabriel se rangea aux côtés de Penido et affirma plus fortement encore que le point de vue dogmatique ne peut exclure le psychologique. En fait, pensait-il, il s’agit de reconnaître que ces deux thèses sont complémentaires. Thérèse d’Avila fournit des descriptions psychologiques précieuses, et saint Jean de la Croix leur donne une explication théologique profonde. Ensemble, ils présentent une théologie spiri- tuelle authentique. Celle-ci, en effet, pour guider les âmes vers la perfection, ne peut se limiter à donner des principes théoriques, elle doit encore tenir compte des conditionnements psychiques du sujet. Ce n’est pas verser dans un pur psychologisme, puisque nous nous référons avant tout à l’organisme surnaturel de la grâce et de l’initiative, souverainement libre, de l'Esprit Saint (conférence donnée à l’Académie romaine de Saint-Thomas, Zndole psicologica della teologia spirituale, dans Rivista di flosofia neo-scolastica, t. 32, 1940, p. 31-42). En affirmant que la théologie spirituelle voulait diriger l’âme, il fallait conclure qu’elle se dis- tinguait de la dogmatique. Était-elle également distincte de la théologie morale? Telle était la position de J. Mari- tain (Saint Jean de la Croix, praticien dela contemplation, dans Études carmélitaines, t. 46, avril 1931, p. 62-109; reproduit dans Les degrés du savoir, Paris, 1932, p. 615- 697}, défendue par la suite contre les objections de J. M. Ramirez et de T. Deman, dans Science et sagesse (Paris, 19385, p. 227-246) : la théologie morale est une science « spéculativement pratique », tandis que la théologie spirituelle appartient aux « sciences pratique- ment pratiques ». Le Père Gabriel, qui ne parle pas de théologie morale, mais de théologie commune, — sans doute pour souligner l’unité de la théologie —, ne s’est pas rallié à cette distinction. Pour lui, la théologie spirituelle n’est qu’une fonction spéciale de la théologie commune.
Ces conclusions ont suscité quelques réactions, notamment de I. Colosio (Vita cristiana, t. 12, 1940, p. 91-97; réponse, p. 400-406; conférence du P. Gabriel et réponse au P. Colosio publiées à nouveau dans Acta Pontificiae Academiae Romanae S. Thomae Aguinatis et religionis catholicae, t. 6, 1940, p. 59- 75, 76-79). À. Stolz, lui aussi, faisait valoir son point de vue (Vita cristiana, t. 12, 1940, p. 407-417; Acta Pontificiae Acade- miae.., t. 6, 1940, p. 80-86); la controverse continua jusqu’à la mort de A. Stolz en 1942.
Résumant une dernière fois sa pensée {Problemi e orienta- menti di teologia dommatica, t. 2, Milan, 1957, p. 1017-1054), le Père Gabriel se séparait encore de J. Maritain, mais admet- tait une manière « caractéristique », propre à la théologie spi- rituelle : « Per noi morale e teologia spirituale sono due scienze distinte, data l’indole speculativa della prima e quella psico- logica della seconda » (le texte n’a pas été retouché, ainsi que le déclarent expressément les éditeurs, p. 1052). Y avait-il là contradiction ou rétractation (Vita cristiana, p. 405; Problemi.., p. 1043)? Il semble que le mot « science » est pris en deux accep- tions différentes. Comprenant le terme « science » dans son sens scolastique, tel qu’il l'avait expliqué dans son rapport à l’Aca- démie romaine, l’auteur concluait que la théologie spirituelle
13 GABRIEL DE S. MARIE-MADELEINE 14
est un traité spécial d’une même science; oubliant toutefois cette notion rigide et regardant le mode très caractéristique de procéder de la théologie spirituelle, il disait sans scrupule qu’elle est une science spéciale. Question de mot plutôt que différence de fond. L'histoire de la controverse a été écrite par le Père Gabriel en appendice à son étude des Problemi e orienta- menti, p. 1046-1051.
2° Nature de la perfection chrétienne; le problème mystique. — $e fondant d’une part sur la nature de la grâce et, d’autre part, sur les documents pontificaux récents, Gabriel de Sainte-Marie-Madeleine insistait fortement sur appel de tous à la perfection. Un pro- blème divise ici les théologiens. Puisque la sainteté consiste essentiellement dans la perfection de la charité, les états d’union mystique, tels que les décrivent entre autres Thérèse d’Avila et Jean de la Croix, sont-ils un moyen indispensable pour y arriver, ou sa mani- festation nécessaire? Le Père Gabriel a résumé par deux fois sa pensée : art. Carmes, DS, t. 2, col. 197-206; art. CONTEMPLATION carmélitaine, col. 2064-2066. Nous y renvoyons. Soulignons que sa distinction entre la voie commune et la voie contemplative n’est pas fondée sur une distinction de la charité elle-même et que la voie commune n’est pas une voie de médiocrité : Ja distinction est faite entre la vie mystique et les états de contemplation infuse. La première suppose l'influence dominante de l'Esprit Saint; elle est, par consé- quent, essentielle à la perfection. Un état de contem- plation infuse, au contraire, indique une illumination passivement reçue et habituelle pendant l’oraison. Or, une âme peut être habituellement sous l'influence divine, sans pour autant recevoir d’une manière plus ou moins habituelle ces illuminations. Quel aspect prend alors l’oraison habituelle? Une nouvelle controverse surgit.
30 Contemplation acquise. — Renvoyons encore à ce que le Père Gabriel a écrit au t. 2, col. 181-189 et 2061. -Selon lui, les illuminations passives ne sont pas tout à fait exclues de l’oraison des âmes qui cheminent par la voie commune. Seulement, ces moments seront plus rares et l’oraison sera ordinairement mêlée d’activité et de passivité, après une période initiale de méditation active. L'état dans lequel un regard amoureux tout simple est fixé sur Dieu, mais dans lequel on doit encore exercer l’amour acquis dans la méditation, définit la « contemplation acquise ». Le Père Gabriel admettait une terminologie employée par plusieurs commenta- teurs carmélitains, mais le nom prêtait à équivoque et avait suscité déjà d’ardentes polémiques. Cet état d'oraison est précisément, selon Gabriel de Sainte- Marie-Madeleine, celui qui caractérise l’état d’une âme qui suit la voie commune. Il croit en trouver un exemple chez sainte Thérèse de Lisieux : âme parfai- tement mystique, mais ne jouissant pas habituellement des oraisons sublimes décrites par ses maîtres spirituels, Thérèse d’Avila et Jean de la Croix, ces oraisons étant réservées à ceux qui vont par la voie contemplative. Sur la valeur positive de cette doctrine, voir DS, t. 2, col. 2178-2180.
Cette revue des controverses, dans lesquelles le P. Gabriel était impliqué, ne doït pas donner l’impres- sion qu’il y consacrait la plus grande partie de son temps et de ses efforts. Ceux-ci allaient vers la diffusion de la doctrine du Carmel qu’il cherchait à insérer dans le mouvement contemporain de spiritualité et à pro- poser comme répondant aux aspirations actuelles. Nous
pourrions résumer brièvement ses thèmes préférés de la façon suivante. Tous les chrétiens sont appelés à la sainteté; cette vocation doit être entendue au sens le plus fort; on ne peut la ramener, par exemple, à la vie illuminative et réserver la voie supérieure à un petit nombre de privilégiés. Nous devons proposer à tous les chrétiens, et surtout aux prêtres et aux religieux, un idéal complet de sainteté dans une union intime avec Dieu et une docilité parfaite aux inspirations de l’Es- prit Saint. Cette vocation exige de notre part un engagement total, une générosité sans réserve. Le P. Gabriel aimait à répéter la parole de sainte Thérèse : d’Avila : Dieu ne se donne pas totalement à ceux qui ne se donnent pas totalement à lui. C’est en suscitant le désir d’union d’amour et d'intimité avec le Seigneur qu’il voulait entraîner les âmes à une ardente géné- rosité. Il a exposé ici même ses principes de direction spirituelle, t. 3, col. 1173-1194. La doctrine des maîtres du Carmel, avec leur désir de l’absolu et leur radica- lisme dans l'exécution, l’aidait admirablement à exposer avec autorité cet idéal de sainteté. La dévotion mariale de son ordre, qu’il avait approfondie pendant ses années de vice-recteur, le faisait recourir volontiers à l’exemple de la Vierge, comme modèle de l’âme par- faite; en effet, elle était intérieurement toute donnée à l’action du Saint-Esprit dans une vie apparemment ordinaire,
Benjamin de la Trinité, Il P. Gabriele di S. Maria Madda- lena, carmelitano scalzo. Profilo biografico…, dans Rivista di vita spirituale, t. 7, 1953, p. 113-161 et 254-295; tirage à part; trad. française : Le révérend Père Gabriel de Sainte-Marie- Madeleine, O.C.D. Esquisse biographique, Alost, 1955. C’est jusqu'ici l’étude [a plus complète, avec bibliographie raisonnée. — Un maestro di vita spirituale. Padre Gabriele di S. Maria Maddalena, carmelitano scalzo, Rome, 1959. — Ricordo del P. Gabriele di S. Maria Maddalena, dans Rivista di vita sptri- tuale, t. 17, 1963, p. 54-72. — La direzione spirituale del P. Gabriele di S. M. Maddalena, ibidem, p. 73-99.
Amatus DE SUTTER.
14. GABRIEL DE THESSALONIQUE, métropolite, mort après 1416. — Né à Thessalonique, Gabriel entre dès sa jeunesse au couvent de Néa Moni récemment fondé par Macaire Choumnos; il succède au fondateur comme higoumène; peu après, vers 1388, il quitte la ville assiégée par les turcs. Il devient à Constantinople higoumène de Chora, puis, en 1389, métropolite de Chalcédoïne; en 1397, il est transféré à Thessalonique, dont il occupe le siège au moins jusqu’en 1416. Son épiscopat fut marqué par d’assez longs conflits avec le patriarcat, d’abord à propos des droits de la métropole de Chalcédoïine, puis à l’occasion de difficultés avec les moines du couvent d’Acapniou à Thessalonique. De son activité pastorale il reste un monument en grande partie inédit, la collection de ses homélies contenue dans le manuscrit grec de Halki École théol. 58, déposé au Phanar; soïxante-six d’entre elles concernent les principales fêtes de l’année litur- gique. Les seules éditées se rapportent à saint Démé- trius, patron de la ville de Thessalonique. Si ces prédi- cations n’ont rien de bien original, elles témoignent du moins, comme celles de ses prédécesseurs, Grégoire Palamas et Isidore Glabas, de son souci de prêcher la parole de Dieu.
H.-G. Beck, p. 777-778. — Notice dans Opnoxeunx ai Hu ‘Eyxwdonmuôelæ, t. 4, Athènes, 1964, p. 112-113. — B. Laourdas, ‘O Taëpiñ Geooxovixnc. Broypæpwxé, dans *AGnva, t. 56, 1952, p. 194-214; T'abpÀ Oecocovixnc Eulai,
15 GABRIEL DE THESSALONIQUE 16
t. 57, 1953, p. 141-178 (les sept homélies sur S. Démétrius). — V. Laurent, Le métropolite de Thessalonique Gabriel et le couvent de la Néa Movh, dans “EAnwxé, t. 13, 1954, p. 241- 255. — A. Ehrhard, Ueberlieferung und Bestand der hagiogra- phischen und homiletischen Literatur.… (TU 52, 1), Leipzig, 1939, p. 714-717 : description du ms Halki 58. — BHG, n. 129f, &lab-414d, 547t-547z, 1086t, 1146g, 1394k-1394n, 1898b, 18988, 1906, 1907g, 1932e, 1945t, 1958t, 1998g, 2351b.
M. Jugie, La mort et l’assomption de la Sainte Vierge, coll. Studi e Testi 114, Cité du Vatican, 1944, p. 334-335; L’Imma- culée Conception dans l’Écriture sainte et dans la tradition orien- tale, Rome, 1952, p. 281-284.
Jean DARRoUzÈS.
45. GABRIEL DE TORO, frère mineur, mort avant 1586. — 1. Vie. — 2. Oeuvres.
- 4. Vie. — Né à Toro, en Espagne (province de Zamo- ra), Gabriel appartint à la province franciscaine de Santiago. En 1538, il était provincial (J. de Castro, Arbol chronolôgico…, cité infra, t. 1, p. 87) et tenait consulte au couvent de Saint-François de Villalon; il envoya en 1539 un groupe de six religieux aux mis- sions du Guatémala (Castro, p. 65); au chapitre général de Pordre qui se tint à Mantoue en 1541, Gabriel tenta en vain de faire rentrer dans la province de Santiago les couvents d’Estramadure qui en avaient été détachés en 1520 au profit de la province de Saint-Gabriel (Cas- tro, p. 47-58).
Après son provincialat (1541), Gabriel de Toro demeura de longues années au couvent de Salamanque; on trouve dans son Tesoro des références aux grands événements de la cité, comme le mariage de Philippe 11 et de l’infante Doña Maria {14 novembre 1543; Tesoro, Salamanque, 1597, p. 442) et les obsèques de cette princesse, morte le 42 juillet 1545 (Tesoro, p. 422).
L’'épitre dédicatoire de ce livre, adressée à Philippe 11, per- met de préciser qu'entre 1545 et 1550, années de l’épiscopat d'Antonio de Fonseca à Pampelune, Gabriel de Toro participa avec ce prélat à une réunion d’évêques, de religieux et de let- trés sur les secours à apporter aux nécessiteux. En 1547, il devait être déjà dans la force de l’âge, puisque, cette année-là, son confrère Alfonso de Castro lui souhaite encore de longues années dans sa carta gratulatoria (reproduite dans les éditions du Tesoro).
Le 17 juillet 1548, Gabriel fut élu pour la seconde fois pro- vincial au chapitre réuni à Benavente sous la présidence du ministre général de l’ordre, Andrés Alvarez da Insua; il resta en charge jusqu’en 1552. La province de Santiago fut alors ampu- tée de seize couvents au profit de la nouvelle province de Saint- Michel (bref de Paul 111, Cum sicut accepimus, 8 novembre 1547; Annales minorum. Regestum Pontificium, ad annum 1547, n. 76; J. de Castro, Arbol.., t. 1, p. 69; José de Santa Cruz, Chrénica de la santa provincia de San Miguel, Madrid, 4671, p. 4-6).
En 1548, Gabriel de Toro vit partir pour le nouveau monde vingt-quatre missionnaires de sa province; nous connaissons les noms des douze qui étaient destinés au Guatémala ({L. Gomez Ganedo, À group of Documents concerning the francis- can Missions in Peru, dans The Americas, t. 9, 1952, p. 353- 355; J. Castro Seoane, Aviamiento y catélogo de los misioneros que en el s. XVI pasaron de España a Indias y Filipinas segûn los libros de la Contrataciôn, dans Missionalia Hispanica, t. 14, 1957, p. 406-409). Le 26 août 1549, Gabriel présida le chapitre provincial de Castille, à Escalona (Pedro de Salazar, Chrônica. de la provineia de Castilla, Madrid, 1612, p. 87).
Invité par les souverains, Gabriel de Toro fit plusieurs voyages au Portugal; les biographes disent qu’il fut leur confes- seur et prédicateur. Charles Quint le nomma visiteur du célèbre monastère de las Huelgas de Burgos et du conseil royal de Castille {la lettre de nomination à cette dernière charge se
trouvait dans les papiers de Gabriel lors de sa mort). Nous.
ignorons la date exacte de son décès; il était certainement
mort en 1586, puisque le 26 novembre de cette année une licence royale concédait au gardien du couvent de Salamanque, Juan de Arganza, la faculté de rééditer le Tesoro.
2. Oeuvres. — 19 Tesoro de misericordia divina y humana, sobre el cuidado que tuvieron los antiguos, gentiles, hebreos y christianos, de los necesitados (Sala- manque, 1536, 1548, 1597; Saragosse, 1548; Valence, 1575; Cuenca, 1599). — 20 Obsequias de nuestra Señora, sermon sur la mort de la Vierge Marie; Nicolas Antonio l’intitule Teulugia mystica, uniôn del alma con Dios, mais ce n’est pas le titre donné par l’auteur à ce sermon prononcé en la cathédrale de Salamanque en août 4545; il sera inséré à la fin des éditions du Tesoro à par- tir de 1548. — 30 De la pureza de la Virgen : ce sermon, dans lesprit de l’auteur, faisait partie des Obsequias qu’il divisa en deux parties à cause de l'importance de la matière; il prêcha la seconde partie dans l’église de Santa Clara à Salamanque le 16 août 1545. Gabriel de Toro pensait développer son sermon et le faire imprimer, mais nous ignorons s’il le fit (cf Obsequias, éd. du T'esoro, Salamanque, 1597, p. 445).
La principale préoccupation de Gabriel, dont nous est témoin son Tesoro, fut les pauvres; cet ouvrage a connu plusieurs éditions au 16€ siècle et a exercé une influence certaine. Il recueille ce qui se fit et s’écrivit en faveur des pauvres dans les siècles antérieurs; cette sorte d’enquête historique sur la charité bienfaisante témoigne d’une énorme érudition, pas toujours assez critique d’ailleurs; mais Pouvrage est la première his- toire de la charité et de l’assistance publique. Au-delà de l’enquête historique, l’auteur veut susciter un grand effort évangélique en faveur des déshérités, renouveler en son temps les pratiques de la pauvreté chrétienne et la justice sociale de la primitive Église. A la claire vision des obstacles que lui opposaient les structures : ecclésiastiques contemporaines, il joint une pointe de prophétisme qui lui fait entrevoir le moment où l’Église sera déchargée de ses biens temporels, conséquence providentielle et sanction en même temps du mauvais usage que font de ces biens les hommes d’Église, Il a des accents vigoureux à l’endroit des ecclésiastiques qui usent pour eux-mêmes des biens à eux confiés.
Ce livre, bien écrit, est dans la droite ligne du francis- canisme en matière de pauvreté; on y trouve des aper- çus intéressants sur le rôle social de l’Église, sur la doc- trine des péchés « sociaux »; il renouvelle la conception patristique et médiévale du pauvre, représentant per- sonnel de Dieu sur la terre et pour cela revêtu d’une sainteté spéciale.
Wadding-Sbaralea, Scriptores.…, p. 97; Supplementum, t. 1, p. 314. — Jean de’Saint-Antoine, Bibliotheca universa francis- cana, t. 2, Madrid, 1732, p. 5. — N. Antonio, Bibliotheca kispa- na nova, t. 1, Madrid, 1783, p. 510.
Jacques de Castro, Arbol chronolôgico de la provincia de Santiago, t. 1, Salamanque, 1722, p. 65, 87, 119. — J.M. San- chez, Bibliografia aragonesa del siglo xvi, t. 1, Madrid, 1913, p. 358-359. — M. de Rivadeneiïra, Historia de las islas del archipiélago filipino y reinos de la gran China, coll. España Misionera, Madrid, 1947, p. 43. — Doctrinas de los tratadistas españoles de los siglos XV1 y XVIX sobre el comunismo, coll. Biblioteca de clâsicos sociales españoles, t. 1, 1945. — M. Jimé- nez Salas, Historia de la asistencia social en España en la edad moderna, Madrid, 1958, p. 10-61, passim. — M. Rodriguez Pazos, Provinciales compostelanos, dans Archivo Ibero Ameri- cano, t. 23, 1963, p. 378-384, 389-390.
Des extraits du Tesoro ont été publiés dans la Revista inter- nacional de sociologia, Madrid, t. 9, 1954, et £. 10, 1952.
Manuel de CasrTro.
17 GABRIEL DE URACH — GABRIEL-MARIA 18
16. GABRIEL DE URACH. On désigne parfois sous ce nom Gabriel Brez + 1495. Voir DS, t. 4, col. 1607, et DHGE, t. 8, 1935, col. 1429-1435.
17. GABRIEL DE VENISE (Biancmi), camal- dule, 11764. Voir DS, t. 2, col. 59.
GABRIEL-MARIA (Gilbert Nicoras; francis- cain, législateur de l’Annonciade, vers 1462-1532. — 1. Vie. — 2. Écrits. — 3. Spiritualité.
4. Vie. — Gilbert Nicolas, plus connu sous le nom de Gabriel-Maria que lui donna Léon x en 1517, naquit vers 1462 aux environs de Riom, en Auvergne. Un ser- mon d’un prédicateur franciscain sur la Conception Immaculée de Marie le détermina, vers dix-sept ou dix- huit ans, à rompre toute attache terrestre et à entrer dans l’ordre des frères mineurs.
Reçu au couvent de Notre-Dame de la Fons, près de La Rochelle, qui relevait de la province de l’Observance de Tou- raine-Pictavienne, il y fit un noviciat fervent; son maître des novices dut contenir son zèle dans les bornes de la prudence et de la sagesse. Après sa profession, il fut envoyé au couvent d’Amboise pour y achever ses études; il apprit même l’hébreu. On ignore la date de son ordination sacerdotale. Il enseigna la théologie « l’espace de dix-neuf ou vingt-deux ans », dit la Chronique (éd. citée infra, p. 323). Léon x l’aurait admis « doc- teur en cour de Rome », titre que par humilité il aurait refusé de prendre. Déjà, dans une bulle du 12 février 1502, il est qua- lifié « docteur en théologie », et sa Questio super Regulam, publiée à Bâle en 1516 /17, le dit « sacrae paginae doctor ».
Gardien du couvent d’Amboise, Gabriel-Maria devient confesseur de Jeanne de France ou de Valois (1464-1505), qui est fille de Louis x1, sœur de Charles vu et femme du duc Louis d'Orléans. Ce dernier, devenu roi sous le nom de Louis x11, demanda et obtint la reconnaissance en nullité d’un mariage auquel l’avait contraint la volonté de Louis xr. Gabriel-Maria fut le conseiller de Jeanne durant cette douloureuse procédure. I1 fut chargé de lui notifier la sentence du tribunal ecclésiastique (1498) et l’accompagna à Bourges (1499), où elle établit sa résidence habituelle, ayant reçu en apanage le duché de Berry. Il fait partie du conseil privé de Jeanne et, après l’avoir éprouvée par un long refus, il devient son guide et son collaborateur dans la fondation de l’Annonciade. Après la mort de la prin- cesse (4 février 1505), il achève et affermit son œuvre (1505 à 1532), avec l'appui d'Anne de France, sœur de Jeanne, des cardinaux Georges + 1510 et Louis d’Am- boise + 1510.
L'ordre franciscain reconnut en Gabriel-Maria un administrateur remarquable, et des charges importantes lui sont confiées : dès 1488, définiteur provincial (cha- pitre de Varennes), puis, successivement, vicaire pro- vincial d'Aquitaine (1502-1505) et de Bourgogne (1508- 4511), à nouveau gardien d’Amboise (1505-1508), vicaire général cismontain (1514-1515, 1516-1517), vicaire provincial de France (1514-1516), commissaire général cismontain (1517-1521), définiteur général de Touraine et inquisiteur contre l’hérésie luthérienne dans les couvents de l’ordre (1523), ministre provincial de
Provence (1524-1526), commissaire général du grand |
couvent de Paris (1526), définiteur général cismon- tain (1529).
A ces divers titres, il parcourt presque toute l’Europe : Pays-Bas, Espagne, où il érige la custodie d’Estrama- dure en province sous le vocable de Saint-Gabriel,
Angleterre, Irlande, Écosse, Saxe et Thuringe. Il fait sept voyages à Rome, aïde la bienheureuse Marguerite de Lorraine + 1521 à fonder le monastère des clarisses d’Argentan, écrit et fait approuver la Règle des sœurs de Château-Gontier, tandis que Léon x lui confie, en 1517, Porganisation d’une nouvelle croisade pour laquelle, muni de pouvoirs particuliers, il élabore en 14523 un vaste plan de mobilisation (Documents. t. 11, 1928, p. 460-468). Les dernières années de sa vie sont parti- culièrement consacrées à l’Annonciade. Il meurt au monastère de Rodez, le 27 août 1532.
2. Écrits. — Les écrits de Gabriel-Maria ont été en grande partie publiés par F. Delorme dans ses Docu- ments, cités à la bibliographie. Ils ont, en outre, été recensés par J.-F. Bonnefoy, d’abord dans un article (RAM, 1936) et, de façon beaucoup plus complète, dans sa Bibliographie de l’Annonciade. Ces écrits concernent la défense de l’Observance, la législation et l'esprit de l’'Annonciade.
Pour apprécier Ja portée et la valeur des écrits de Gabriel- Maria, comme aussi ses faits et gestes, une étude approfon- die du climat religieux dans lequel il a évolué s’imposerait. Avant de juger de façon péremptoire et définitive, comme on l’a tenté parfois, telle démarche, telle attitude, tel écrit de Gabriel-Maria, de longues recherches, faites avec discernement, sur les mœurs du temps, sur la situation de la cour romaine, sur l'affrontement des diverses familles franciscaines, sur les premiers temps de l’Annonciade, seraient indispensables.
Dans l’état actuel de nos connaissances et avec les documents dont nous disposons déjà, nous pouvons présenter, en toute objectivité, croyons-nous, les points suivants.
40 DÉFENSE DE L'OBsERvANCE. — Depuis le concile de Constance (1415) et la bulle Ut sacra ordinis mino- rum d’'Eugène 1v (11 janvier 1446), observants et conventuels formaient, dans l’ordre franciscain, deux branches pratiquement autonomes; deux vicaires géné- raux dirigeaient l’un les observants cismontains l’autre les ultramontains. Les ministres généraux de l’ordre essayaient bien, avec plus ou moins d’habileté, de ne pas laisser définitivement se distendre les liens ou même travaillaient à une union effective, mais sans grand succès.
Au temps de Gabriel-Maria, la situation est à l’état de conflit. Les tentatives d’union de Gilles Delfini, ministre général (1500-1506), et de Boniface de Ceva + 1517, son bras droit et ministre provincial de France, paraissent suspectes. On se dispute les couvents. Les délibérations des assemblées et des chapitres généraux, ou même les documents pontificaux, semblent souvent tendancieux. :
Les documents qui concernent ces événements ont été pré- sentés par F.-M. Delorme : Les Actes de l'assemblée d'Amboise (1504) des observants cismontains, dans La France francis- caine, t. 3, 1914, p. 90-113, et Documents pour l’histoire de Gabriel-Maria, t. 11, 1928, p. 113-136, 231-263, 457-468; cf M. Bihl, De editionibus statutorum alexandrinorum [Alexandre vil anni 1500, dans Archieum franciscanum historicum, t. 17, 1924, p. 118-144. Sur l’observance, voir DS, t. 5, col. 1307- 1309; sur la situation en France, au temps de Gabriel-Maria, voir notice de Bonirace DE CEA, t. 4, col. 1857-1859. Boni- face a rassemblé les documents en sa faveur et en faveur de ses partisans dans le recueil Firmamenta trium ordinum beatissimi patris nostri Francisci, Paris, 1512.
C’est dans ce climat que Gabriel-Maria, plusieurs fois vicaire provincial et deux fois vicaire général cis- montain, lutta âprement pour défendre l'existence de l'Observance, jusqu’à la séparation de 1517 (bulle de
19 GABRIEL-MARIA 20
Léon x, Îte et vos, 29 mai 1517; cf DS, €. 5, col. 1309 svv).
En voici quelques épisodes. Lors de son voyage à Rome en 1501-1502, Gabriel-Maria obtint l’approbation de la première Règle des annonciades, mais aussi la promulgation de la bulle Cum sicut accepimus (Alexandre vi, 13 janvier 1502), qui interdisait au ministre général de s’immiscer dans l’administration de l’Observance. L’année suivante, il présentait au parlement de Tou- louse une Declaratio super securitate status observanti- norum (éd. F.-M. Delorme, Documents, t. 11, 1928, p. 130-136, et t. 42, 1929, p. 245-256). Plus tard, à la suite de son prédécesseur Jean Sauvage, il s’en prend directement à Boniface de Ceva; et il obtient, en partie, gain de cause auprès du parlement de Paris (procès du 21-24 juillet 1514; thidem, p. 300-302; cf A. Renaudet, Préréforme et humanisme à Paris (1494-1517), Paris, 1916, p. 556-558, 570-572). Les Actes de Fassemblée de Bruxelles en janvier 1517 s’en prendront encore à Boni- face (Documents, p. 457-459); cette fois, Gabriel-Maria, vicaire de la province de France, Ludolphe de Goninghe, vicaire de la province de Cologne, et Jean Glapion, gardien de Bruges, en appellent à Charles Quint! Voir la notice de GLAPION, col. 419-421.
Sur ces entrefaites, Gabriel-Maria, défenseur intrépide de « la lettre » et de « l'âme » de la Règle comme de la pauvreté franciscaine, avait fait publier à Nuremberg en 1513 sa Questio cuiusdam doctoris theologiae super Regulam sancti Francisci ad litteram (devenue dans la seconde édition, Bâle, 1516 /17, Questio super Regulam sancti Francisci ad litteram celeberrimi religiosi viri Gilberti Nicolai). Les Acta ordinis fratrum mino- rum en ont publié des extraits (t. 4, 1885, p. 153-157, 173-174, 184-192. Cf L. Oliger, De editione principe Questionis super Regulam.., dans Antonianum, t. 12, 1937, p. 37-50).
Cette défense est reprise, avec les mêmes arguments et contre les mêmes adversaires, dans le Tractatus in Regulam S. Fran- cisci ad litteram (éd. de 1516, Leipzig, sous le titre Tractatus dictus Veritas omnia vincit) et le Novus tractatus de decem plagis paupertatis fratrum minorum, vel... Bonus Pastor (Rouen, 1514 / 16; Leipzig, 1516), réédités par Nicolas Oranus à Luxembourg, en 1626.
La Questio super Regulam mentionne deux traités de Gabriel- Maria, qui semblent perdus : Lucerna Mariae Virginis et Tota pulchra es.
20 ÉGRITS CONCERNANT L'ANNONCIADE. — (Gabriel- Maria peut être considéré comme le véritable législateur de l’Annonciade et son co-fondateur. Dans lesprit de Jeanne de France, il lui donna sa Règle, ses Statuts, et les textes de sa spiritualité franciscaine et mariale.
1) Règles de l’Annonciade. — Les trois rédactions successives, dites « les trois Règles », sont fondées sur les chapitres de l'Évangile qui parlent de la Vierge Marie (Mt. 1, 2, 12; Marc 3; Luc 1, 2, 8, 11; Jean 2, 19) et sur le chapitre 1er des Actes des Apôtres. Les mss ori- ginaux sont à Bourges (Arch. dép. du Cher, Fonds Annonciades, tit. 1, ch. 12-13; éd. F. Delorme, Docu- ments. t. 9 et 10). Elles présentent, dans un ordre variable, dix vertus ou « plaisirs » (virtutes et beneplacita) de la Vierge, couronnées par la persévérance.
a) La première Règle, écrite sous Pinspiration directe de Jeanne de France (Alexandre vi, bulle Ea que, 12 février 1502), prévoit des « frères annonciades » à la façon de l’ordre mixte de Fontevrault, bien que celui-ci ne soit pas nommé; ces vocations s’avéreront sans doute éphémères ou inexistantes.
L'exemple de Gabriel-Maria est peut-être resté unique : après la profession de sainte Jeanne à la Pentecôte 1504, « sem- blablement le dit Révérend Père promist et voua entre les
.commune.
mains de Madame, à Dieu, à la Vierge Marie et à elle que toute sa vie il garderoït et observeroit la reigle de la Vierge Marie et que toute sa vie il aymeroït sa religion et à icelle jamais ne desfaudroit et qu’en tous les lieux pour elle laboureroit » (Chronique, p. 190).
Bulle et Règle, dans Documents, t. 9, 1926, p. 241-249; trad. française de la Règle dans J. Grente, La bienheureuse Jeanne de Valois, Paris, 1902, p. 167-196.
b) Deutième Règle, 1515. — Léon x confia à Gabriel- Maria (bref Dignum censemus, 31 mars 1514; Docu- ments. t. 9, p. 376-378) le soin de procéder à la fusion des conceptionistes espagnoles de Béatrice de Silva + 1499, récemment approuvées par Jules 11 (octobre 1511), avec les annonciades, et de rédiger une Règle Le cardinal Ximénès et Gabriel-Maria s'étaient mis d’accord sur ce point. Ce dernier la composa et la communiqua lui-même au chapitre géné- ral des observants (Anvers, juin 1514), qu’il présidait. Le chapitre la transmit aux intéressées et Léon x Papprouva (bulle Ad ea que, 22 mai 4515, en tête de la Règle; bulle et Règle dans Documents. t. 9, p. 383-395). C’est une refonte de la première Règle, d’où ont disparu la mention des « frères annonciades » et le titre des « plai- sirs » donné aux vertus. On sait que la fusion n’aboutit pas, malgré les instances du pape (bulle Cum in honorem du 6 juillet 1517 adressé à Gabriel-Maria; Documents, t. 40, 1927, p. 98-99).
c) La troisième Règle, approuvée également par Léon x (bulle Regulam profitentibus, 25 juillet 1517; bulle et Règle dans Documents, t. 10, 1927, p. 100-110),
l est demeurée la Règle définitive (approbation renouvelée
en 1932 par la congrégation des Religieux). Les titres et l’ordre des dix vertus diffèrent quelque peu de ceux de 1502 : castitas, prudentia, humilitas, fides, devotio sise oratio, obedientia, paupertas, patientia, pietas sive caritas, dolor sive compassio.
L’Annonciade est définitivement placée sous l’obé- dience des observants. Gabriel-Maria eut quelque mérite à le faire accepter.
Lettre du cardinal légat, Georges d’Amboise, 21 octobre 4506; démarches de Gabriel-Maria auprès de Jules 11, et bulle du 8 janvier 1507 qui rend les annonciades participantes des privilèges et biens spirituels des frères mineurs; enfin, accep- tation formelle au chapitre général d'Anvers, 1514 : « Ordinat capitulum generale Sedi apostolice quod sorores Beate Marie de Annuntiatione et Conceptione erunt sub perpetua obedientia et regimine nostre familie ». Voir tous ces textes dans Documents, t. 9, p. 258-269. .
Gabriel-Maria compléta la Règle et Pexplicita par des « Addi- tions » (£bidem, t. 10, p. 132-133) et une « Déclaration », qu’ac- compagnaient deux lettres du ministre général Paul dé Parme (1528-1529). Gabriel-Maria traduisit et publia la troisième Règle (S’ensuit la Règle des sœurs religieuses et filles de la Vierge Marie, Toulouse, vers 1530). De nombreuses éditions en furent faites, par exemple, par N. Gazet, en 1607; la dernière, à Thiais (Seine), en 1934, Règle et Statuts des moniales de l’ordre de la bienheureuse Vierge Marie dit de l’Annonciade..
Les annonciades ont conservé une sorte de « commentaire spirituel » de la première Règle dans deux séries de reportations de sermons de leur co-fondateur : S’ensuivent les dix Marie qui sont les dix plaisirs de la Vierge Marie, préchés par notre R.P. Gabriel-Maria, et S’ensuit les dix plaisirs héroïques. Seule une édition flamande du premier texte existait (Gand, 1666); J.-F. Bonnefoy publia un ancien texte français des deux séries (RAM, t. 17, 1936, p. 275-290).
2) Statuts généraux. — En 1529, le chapitre général des frères mineurs, réuni à Parme, avait approuvé pour les ann onciades des statuts généraux, dits Séatuta Marie,
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choisis parmi beaucoup d’autres « non solum quia rationabiliora, sed quia a vestra sancte memorie Fun- datrice Dna Johanna de Francia emanarunt » (pro- logue; éd. F.-M. Delorme, Statuts édiciés au chapitre général de Parme pour les sœurs de l’Annonciade (1529), dans Archivum franciscanum historicum, t. 26, 1933, p. 165-182). Gabriel-Maria en donna un commentaire bien plus qu’une traduction (cf J.-F. Bonnefoy, RAM, t. 17, 1936, p. 263-264) : Les Statutz generaulx des seurs de la Vierge Marie translatés de latin en françois par le beat Pere Reverend Gabriel Maria (Toulouse, vers 1530), et les fit suivre de diverses prescriptions cérémonielles, qu'il avait composées à la demande de la sainte (cf éd. N. Gazet).
3) Textes liturgiques. — Léon x (bref Ea que, 29 août 4517) attribue formellement à Gabriel-Maria la composi- tion de cinq messes en l’honneur de la Vierge : De decem virtutibus et beneplacitis Marie Virginis (déjà approuvée par bref du 23 août 1513, éd. Delorme, Documents, t. 9, 1926, p. 371-373), De Presentacione, De desponsatione beate Marie, De inventione amantis- simi Filii sui in templo, De martirio sive spasmo aut doloribus seu compassione (sur la festum Spasmi, cf DS, t. 3, col. 1693-1694). Notons que le légat Georges d’Amboise (15 avril 1509; Documents, t. 9, 1926, p. 272- 278) avait confié à Gabriel-Maria la révision de toutes les ordonnances liturgiques de l’Annonciade (ibidem, t. 10, 1927, p. 110-114).
30 ÉCRITS CONCERNANT LES CONFRÉRIES OU ORDRES DE LA VIERGE, « confraternitates sive ordines ». — À par- tir d’un dizain en l’honneur des dix vertus de la Vierge, conçu par Jeanne de France et enrichi d’indulgences par les papes, Gabriel-Maria élabore et organise deux confréries. Léon x (bref Cum in honorem, 14 juillet 1517), les distinguant de l’ordre des annonciades, les appelle « seconde et troisième confrérie ou ordre de la Vierge Marie » (éd. Delorme, ibidem, t. 10, p. 98-99).
On peut suivre l’évolution de la pensée de Gabriel-Maria en analysant les documents pontificaux et ses propres écrits.
1) Tractatus de Confraternitate de decem Ave Maria (Nurem- berg, 1513), reproduit par Adrien Hubert, Regula ordinis beatae Mariae Virginis Annunciatae., Anvers, 1645, p. 186- 287; 2) Tractatulus de tribus coronis Virginis Mariae et de tribus ordinibus (Bibi. nat. Paris, ms latin 18327; éd. A. Hubert, Regula.., p. 238-263, et F. Delorme, Documents, t. 40, 1927, p. 556-561), vraisemblablement composé entre 1513-1517; 3) Opuscule sur le Tertius ordo Beate Marie Virginis (1° éd., vers 1516; avec dédicace au cardinal Ximénès et réponse de celui-ci; rééd. Delorme, ibidem, p. 549-556).
40 Écrits Divers. — 1) Lettre relative à des indul- gences, adressée à la confrérie de l’Immaculée-Concep- tion d'Anvers, 14 juin 1514 (version flamande, ms 43/9 de la bibl. des frères mineurs d'Anvers), et 2) divers autres documents ayant trait aux indulgences (J.-F. Bonnefoy, État des indulgences obtenues du Saint-Siège par le B. Gabriel-Maria, dans Collectanea franciscana, t. 13, 1943, p. 192-194). 8) Règle du tiers-ordre de saint François des sœurs de Château-Gontier, approuvée en 1517 (Bourges, ms 215), Angers, 1553; Bordeaux, 1622; rééditée et commentée par Ubald d’Alençon, dans Études franciscaines, t. 6, 1901, p. 393-411; La Flèche, 1644. 4) Lunetae confessorum, traité à l’usage des confes- seurs, alias bursa Marie (Toulouse, Bibl. mun. ms 257).
3. Spiritualité. — 10 SPIRITUALITÉ FRANCISCAINE. — La spiritualité de Gabriel-Maria est dans la ligne traditionnelle de sa famille religieuse. En son âme
GABRIEL-MARIA
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réformateur, l’esprit de pauvreté est fort et profond. Sa doctrine et sa vie s'inscrivent dans la ligne des « spirituels » franciscains médiévaux. Il rêve de repro- duire la Règle du Poverello. Cependant, pour parler de la spiritualité de Gabriel-Maria, les documents sont maigres. [1 a voulu consacrer sa vie à la louange et à la contemplation, par la Vierge Marie.
Si ses pénitences étaient austères, c'était pour se conformer à la passion du Christ; si ses exercices de dévotion étaient multipliés, c'était pour en faire autant d’« offrandes à Dieu » en un « exercice de louange » continuel. II voulait «en tous lieux donner gloire à Dieu et inciter tous à donner louange à sa grandeur et avoir repos et paix en Dieu » (Chronique, p. 319). Ses dévo- tions, — à l’eucharistie, à la Passion, à la Vierge — traditionnelles dans l’ordre franciscain et particu- lièrement vivantes au 15e siècle, prennent ainsi tout leur relief.
Comme ses devanciers, il s’attachait à la contempla- tion des mystères du Christ et de la Vierge, sous forme de « pèlerinages » spirituels. Chaque contemplation ou pèlerinage comportait la « méditation » du mystère, le « remerciement du bénéfice reçu », enfin « la prière et oraison pour avoir grâce de se conformer ou de parti- ciper aux mérites que Jésus et Marie avaient acquis pour nous » (Chronique, p. 318).
20 SPIRITUALITÉ MARIALE. — Le trait original de la spiritualité de Gabriel-Maria c’est son accent marial. Saint François portait à la Mère du Christ un amour de prédilection, « parce qu’elle nous a donné pour frère le Seigneur de toute majesté ». Et il saluait les « saintes vertus » déposées dans les âmes par lEsprit Saint, Époux de Marie. C’est en scrutant le rôle et les gran- deurs de la Vierge dans le mystère de l’incarnation que Duns Scot justifie le privilège de l’Immaculée Concep- tion. Au 15€ siècle, saints et prédicateurs franciscains, à la suite de Bernardin de Sienne, de Jean de Capistran, de Jacques de la Marche, défendent avec vigueur le privilège initial de Marie et fondent des instituts en son honneur. Le bienheureux Bernardin de Bustis + 1500 recueille, propage et codifie leurs enseignements (Mariale, Milan, 1494; Thesaurus spiritualis, 1500; divers officia). On peut trouver dans ce mouvement marial, antérieur aux fondateurs de l’Annonciade, toutes les dévotions qui leur sont chères : noms de Jésus et de Marie, plaies et passion du Sauveur, larmes et douleurs de sa Mère, parole de Dieu et eucharistie. Cette influence s’accrut de celle de deux contemporains, liés d'amitié avec Gabriel-Maria : Olivier Maillard + 1502, fougueux partisan de l’Immaculée Conception et disciple résolu de saint Bonaventure, et le cardinal François Ximénès de Cisneros + 1517 qui propage avec les franciscains d'Avignon la fête de la Présentation. et sauve du désastre les conceptionistes en les affiliant aux frères mineurs, après la mort de leur fondatrice. Des rencontres de Ximénès avec Gabriel-Maria, on l’a vu, naquit le projet de fusion des conceptionistes et des annonciades. Ces dernières garderont, entre autres choses, de cette tentative l’appellation d’« ordre de la bienheureuse Vierge Marie » remplaçant celle de « Religion des Dix Vertus et Plaisirs de Notre-Dame ». Le surnom populaire du monastère de Bourges, « Annon- ciade », passa à l’ordre tant entier.
4) Imitation de Marie. — Gabriel-Maria est préparé sa piété mariale et sa formation doctrinale à guider France dans les voies de la perfection et dans
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son œuvre de fondatrice. Son originalité est de faire de Pimitation mariale une règle de vie proposée à toute la collectivité, dans une contemplation vivante et efñ- ciente de la Vierge. « Sit Virgo exemplar vestrum.…., sit regula et nullum aliud studium habeatis, nisi ut Virgi- nem imitando perfecte Sponso vestro placeatis : hec est enim... vocatio, religio et finis, ut Deo sincere per Virginem placeatis » (prologue de la 3° Règle). « La pra- tique même austère de la vertu n’apparaît plus comme le moyen d'arriver à la récompense mais comme ‘une occasion de plaire à Dieu. C’est le « théocentrisme » installé en plein cœur de la vie religieuse » (J.-F. Bon- nefoy, Le Br Gabriel-Maria, p. 27). Les vertus de Marie doivent être imitées « corde, ore et opere », c’est-à-dire informer la vie tout entière.
2) Voies de l’union. — Gabriel-Maria propose à l'Annonciade l’union parfaite au Christ en suivant la Vierge jusqu’au sommet du Calvaire. Le chemin qu’il lui fait suivre, de vertu en vertu, recouvre les «4 trois voies » bonaventuriennes. L’éloignement du péché, qui constitue la voie purgative, s'opère dans.la pureté parfaite, la prudence surnaturelle et l’humilité évan- gélique (Règle, ch. 1 à 3). La voie illuminative consiste dans limitation du Christ à laquelle concourent la foi, la dévotion, l’obéissance, la pauvreté évangélique dont le travail est partie intégrante, enfin la patience (ch. 4 à 8). Ainsi préparée, l’âme peut entrer dans la voie unitive par l'exercice de la charité. Charité envers le prochain, corollaire indispensable de l’amour de Dieu, par « les œuvres de miséricorde corporelles et spiri- tuelles », principalement en faveur de la concorde fra- ternelle (ch. 9). Amour suprême pour le Christ dans la compassion qui.unit la moniale à son œuvre rédemp- trice (ch. 10).
Cest bien une spiritualité franciscaine, à la fois mystique et pratique, qui s’épanouit dans la charité. En même temps, l’imitation de la Vierge, essence même de la Règle, imprime à FAnnonciade un cachet original et authentiquement marial.
8) Rayonnement. — L’influence de cette spiritualité a été considérable grâce à l’Annonciade qui comptait, avant la Révolution, plus de cinquante monastères en France, dans les Flandres et en Allemagne. Un institut masculin, celui des Mariens de l’Immaculée- Conception, fondé en Pologne par Stanislas de Jésus- Marie Papezynski, a vécu pendant deux siècles (1699- 1910) de la Règle mariale, adaptée pour les hommes (Constitutiones Marianorum, Rome, 1930).
Ce rayonnement n’est pas moindre de nos jours. Les monas- tères de France (Villeneuve-sur-Lot et Thiais), de Belgique et d’Angleterre vivent de la doctrine des fondateurs. Son champ d'influence s’est élargi par le renouveau des deuxième et troisième ordres de la Vierge Marie. Le second ordre, fondé sur limitation des dix vertus, a été restauré sous la forme moderne d’agrégation, avec des vœux de chasteté, d’obéissance et de pauvreté. Quant au troisième ordre, dit aussi ordre de la Paix à cause de ses trois articles fonda- mentaux : charité des pensées, des paroles et des actes, il possède jusqu’en Amérique, particulièrement au Canada, des groupes florissants : la doctrine spirituelle de sainte Jeanne de France et du bienheureux Gabriel-Maria est de tous les temps.
L'influence de Gabriel-Maria a cependant débordé de beaucoup le cadre de lFAnnonciade. Son œuvre réformatrice a été grande en France et en Europe, dans l’ordre franciscain et au dehors. Appui. et.eon-
seiller de plusieurs papes, ceux-ci l’ont toujours soutenu et lui ont confié des missions importantes.
L'activité et la vie spirituelle de Gabriel-Maria attendent leur historien.
Tout ce qui concerne Gabriel-Maria, Jeanne de France et l’Annonciade a été recensé par Jean-François Bonnefoy, Bibliographie de l’Annonciade, dans Collectanea franciscana, t. 13, 1943, et tirage à part, Rome, 1943.
4. Sources. — Documents pour l’histoire du bienheureux Gabriel-Maria, éd. Ferdinand-M. Delorme, dans La France franciscaine, t. 9-11, 1926-1928, et tirage à part. — Fran- çoise Guyard, Chronique de l’Annonciade. Vies de la bienheu- reuse Jeanne de France (1556) et du bienheureux Gabriel-Maria, rédaction longue (1561), éd. critique par J.-F. Bonnefoy, dans La France franciscaine, t. 19-21, 1936-1938, et tirage à part, Paris, 1937; 2e éd., avec introduction critique et notes, Villeneuve-sur-Lot, 1950.
Chronique des observants de France, Namur, Musée archéo- logique, ms 166. — N. Glassberger, Chronica (composée vers 1508), éd. dans Analecta franciscana, t. 2, Quaracchi, 1887, p. 522-541, passim. — Marc de Lisbonne, Chroniques des Frères Mineurs, k° partie, trad. J. Blancone, Paris, 1627, p. 110-112. — Wadding, Annales minorum, ad annum 1500, n. 13-16; 1503, n. 4-9; 1504, n. 30; 1505, n. 47-49; 1506, n. 3-5, et liste des couvents de l’observance: 1541, n. 9; 1516, n. 47; 1517, n. 26-28, n. 36-38, bulles d’approbation des coniraternités et de l’office des couronnes; 1532, n. 28-29; 3e éd., t. 15-16, Quaracchi, 1933. — H. Holzapfel, Manuale historiae ordinis fratrum minorum, Fribourg-en-Brisgau, 1909.
Le cordelier Nicolas Gazet (cf DS, t. 6, col. 173), dans sa Chronique ou institution première de la Religion des Annon- ciades fondées à l'honneur de la V. Marie, Arras, 1607, raconte la vie des fondateurs et donne de nombreux textes fran- çais de Gabriel-Maria.
Christophe Numas, cardinal de Forli, et François Lychet, ministre général, attestent, le 29 juillet 1518, le changement de nom de Gilbert Nicolas en celui de Gabriel-Maria par Léon x (Archives du Cher, Fonds Annonciades, tit. 1, ch. 12-13) comme un fait remontant à 1517.
2. Biographies. — 1° Les biographies de Jeanne de France présentent toutes Gabriel-Maria; beaucoup lui consacrent un chapitre particulier ou même une notice spéciale.
L. Dony d’Attichy, Histoire de la B. Reyne Jeanne de France, Paris, 1644, Avec un abrégé de la vie du B.P. Gabriel-Moria son confesseur et second Instituteur du mesme Ordre, p. 395-450, qui est une rédaction longue de la vie insérée dans la Chronique de l’Annonciade. — C.-Ch. Pierquin de Gembloux, Histoire de Jeanne de Valois, Paris, 1840, p. 243-262. — V. Hébrard, Sainte Jeanne de Valois, Paris, 1878, p: 173-178; Histoire de sainte Jeanne de France, Paris, 1890, p. 238-239,
20 Vies indépendantes. — J. Blancone, La vie admirable et exemplaire du vénérable Père Gabriel-Maria.…., Toulouse, 4627. — Honorat Nicquet, La vie du R.P. Gabriel-Maria.., Paris, 1655. — Paulin Du Gast, Les triomphes de la piété dans. la vie du bienheureux Père Gabriel-Maria…, Poitiers, 4669. — Othon de Pavie (Ransan), Le bienheureux Gabriel- Maria O.F.M. et l’ordre de l’Annonciade, Bourges, 1913. Cette biographie fut le point de départ de recherches acti- vement poussées pour obtenir la confirmation du culte immé- morial dont jouit le bienheureux.
30 De courtes notices sont données ailleurs. — L. Wadding, Annales minorum, t. 16, Quaracchi, 1933, ad an. 1517, p. 69-72; ad an. 1532, p. 385-386.
Théastre remonstrant en xxX1V scènes la vie, vertus et miracles du Rme P. Gabriel-Maria, s 1, 1642 : comporte un portrait du bienheureux et 24 planches gravées en taille-douce par J.-B. Barbé d’après les dessins d'Abraham de Diepenbeke. — G. Remans, Le bienheureux Gabriel-Maria Nicolaï, dans La France franciscaine, t. 14, 1931, p. 193-204. — J.-F. Bon- nefoy, Un serviteur de Marie, le Bx Gabriel-Maria, dané Les Voies franciscaines, t. 47, Toulouse, août 1941. — Alphonse Da- vid, Avec sainte Jeanne de France, le Bienheureux Gabriel-
” Maria, co-fondateur de l'Annonciade, dans Revue du Rosaire,
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Saint-Maximin, juin 4950. — Catholicisme, t. 4, 1956, col.1690- 1691.
3. Culte. — Décrets de la congrégation des Rites, en parti- culier : Approbatio scriptorum in causa confirmationis cultus B. Gabrielis Marice.., 13 décembre 1916, dans Acta Ordinis Minorum, t. 36, 1917, p. 71-72. — F.-M. Delorme, Enquête épiscopale de Rodez sur les miracles attribués au B, Gabriel- Maria (10 avril 1642-21 juillet 1645), dans Archieum fran- ciscanum historicum, t. 10, 1917, p. 387-412. — Aginnensis confirmationis cultus ab immemorabili tempore praestiti servo Dei Gabrieli Mariae…., Bordeaux, 1924.
4. Études. — Ch.-P. Sagot du Vauroux, L'ordre de l'Annon- ciade. Ses origines, son esprit, son opportunité providentielle, dans La France franciscaine, t. 12, 1929, p. 489-510; en appen- dice : La doctrine mariale de la bienheureuse Jeanne de France et du bienheureux Gabriel-Maria comparée à la doctrine des maîtres du xvue siècle, p. 511-527. — J.-F. Bonnefoy, Le bienheureux Gabriel-Maria et ses sermons sur la Règle de l’Annonciade, RAM, t. 17, 1936, p. 252-290, et tirage à part. — Marie de l’Incarnation, La vie mariale de sainte Jehanne de France, Aurillac, 1950. — Mère Gabriel-Maria, La spiritua- lité mariale de sainte Jeanne de France, dans Maria, t. 4, Paris, 1956, p. 137-199. — R. Deffrennes, Conférences sur la Règle de l’Annonciade, ms aux archives du monastère de Thiais (Seine). — J.-G. Bougerol, Entretiens sur la _Règle de l’Annonciade, ms, Thiais.
Mère Gagriez-Manrta.
GABRIEL-MARIE DE SAINT-DOMINI- QUE, augustin déchaux, 18e siècle. — Membre de la congrégation italo-allemande des ermites déchaussés de Saint-Augustin, Gabriel-Marie était en octobre 1743 définiteur provincial de Milan. Ïl a publié Gi esercizj spirituali di S. Tgnazio esposti agli inesperti ed aridi nel’ orazione (Milan, 174%, & vol.). Cette retraite de huit jours offre chaque jour au retraitant : trois médi- tations amplement développées après avoir été esquis- sées en trois points, suivies d’aspirations et de résolu- tions; deux amples lectures abondamment fournies de références scripturaires et patristiques, qui forment comme un complément des méditations; la matière d’un examen de conscience portant successivement sur le défaut dominant; la confession, la communion, la vie spirituelle en général, le choix d’un état de vie, les divertissements, le travail et la préparation à Péternité. Des notes préliminaires attirent l’attention sur les annotations et additions des Exercices spirituels dont la progression, bien ‘que limitée à une semaine, est cependant fidèlement suivie.
Sur les augustins déchaux, voir M.-Th. Disdier, DHGE, t. 5, 1931, col. 587-591.
Paul BaïrzLy.
GABRIELLE DE BOURBON, + 1516. — Fille de Louis de Bourbon, comte de Montpensier +1486, Gabrielle de Bourbon naquit vers le milieu du 15° siècle. Elle fut mariée par Anne de Beaujeu à Louisnr de la Trémoille pour lier ce puissant seigneur du Poitou à la couronne (9 juillet 1485); elle habita dès lors au château de Thouars, tandis que son mari était fréquem-
ment à la tête des armées royales. Le rhétoriqueur.
Jean Bouchet fut à son service et c’est par lui que nous sommes un peu renseignés sur Gabrielle; elle lui dut encore d’être initiée aux lettres. Son fils unique, Charles, fut tué à Marignan, et Gabrielle de Bourbon mourut de chagrin, l’année suivante, le 30 novembre 4516, au château de Thouars; elle fut enterrée dans Péglise qu’elle avait fait-bâtir près de sa demeure pour remplacer l’ancienne collégiale ruinée.
À la suite de Jean Bouchet, les bibliographes, depuis La Croix du Maine jusqu’au Dictionnaire d'ascétisme de Migne, énumèrent ainsi les ouvrages de Gabrielle : une contemplation sur la nativité et la passion de Notre-Seigneur, Le Château du Saint-Esprit, une Instruction des jeunes filles et un traité intitulé Le via- teur. De son côté, le Chartrier de Thouars (Paris, 1877, p. 45) donne les éncipit et desinit de six livres d’après l'inventaire des meubles de Thouars laissés à la mort de Gabrielle. Le manuscrit 978 de la bibliothèque Mazarine correspond au premier de ces livres, ou, plus proba- blement, à une copie de ce premier livre; les autres semblent perdus.
Ce manuscrit in-folio comprend deux courts traités : Cy commence le voyage espirituel entreprins par l’ame dévote pour parvenir en la cité de bon repoux (f. îr-29v) et Le fort chasteau pour la retraicte de toutes bonnes ames fait par le commandement du glorieux sainct Esperit (£. 31r-45v). Ces deux traités sont des allégories mora- lisantes, d’un genre assez semblable à celui qu’utilise souvent Jean Bouchet; de nombreuses enluminures couvrant généralement la moitié d’un folio illustrent de très près les aventures de l’âme dévote dans son voyage spirituel ou l’organisation du « fort château ». Sans grand intérêt spirituel, ces deux traités ressortissent à un genre alors en faveur et d’aïlleurs ancien (cf DS, t. 1, col. 313). Dans le Voyage spirituel, par exemple, l'âme dévote, précédée par Bon Vouloir et accompagnée par dames Espérance et Sainte Force, pérégrine durant sept jours, au terme desquels tous arrivent auprès de Dieu dans la cité du bon repos. Chaque jour est bâti selon le même schème: ayant logé chez une vertu, l’âme dévote avec sa compagnie se remet en route, rencontre une tentation {vg « Plaisir mondain »}, puis son antidote (Dame Persévérance et sa fille Virginité) chez qui l’on va loger et où l’on peut s’entretenir à loisir de la gloire qui attend la bonne âme auprès de Dieu (f. 16r-18r : 3e jour).
Jean Bouchet, Le Panégyric du chevalier sans reproche, ou mémoires de la Trémoille, Poitiers, 1527; rééd. dans Collec- tion complète des mémoires relatifs à l’histoire de France de Petitot, 1° série, t. 14, Paris, 1820, p. 335-562. — Hilarion de Coste, Les éloges et vies des reines, t. 1, Paris, 1630, p. 302- 305. —— Anselme de Sainte-Marie, Histoire généalogique.
| de la maison royale de France, 3° éd., t. 1, Paris, 1726, p. 314;
t. 4, 1798, p. 168. — J.-F. Dreux-Duradier, Histoire litté- raire du Poitou, t. 1, Niort, 1842, p. 286-289... — H. Imbert, Histoire de Thouars, Niort, 1871, p. 201-206, 214-297. — Chartrier de Thouars, Paris, 1877, p. 43-45- (donne quelque- lettres de Gabrielle). — A. Hamon, Jean Bouchet, Paris, 1901, p. 40-71.
André DERVILLE.
GABRIELLI (Caaries-Marie), oratorien italien, 4667-1745. — Né à Bologne le 16 août 1667, Charles Gabrielli fit ses études au collège des jésuites, où il fut dirigé par Camille Ettori + 1700 (DS, t. 4, col. 1551- 4553), et à l’université. Secrétaire du chanoine Jérôme Sampieri, professeur de droit, il participa aux travaux de l’Académie des sciences qu’il avait aidé Eustache Manfredi à fonder. Orateur et conférencier réputé, il fut aussi, devenu prêtre en 1692, un prédicateur renommé. Il entra à l’Oratoire en 1694. Il enseigna la théologie, devint un directeur spirituel remarqué et fut le conseiller du cardinal Prosper Lambertini (Benoît x1v), archevêque de Bologne. Il resta dix- huit ans supérieur de la communauté, à partir de.1717. 1 mourut à Bologne le 4 octobre 1745.
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Charles Gabrielli laissa une œuvre considérable sur les sujets les plus variés. Il édita l’Ampkhitheatrum sive Bibliotheca legalis amplissima d’Augustin Fontana, podestat de Bologne (5 vol. in-folio, Parme, 1698). Il publia à Bologne notamment : 1° L’interesse della propria salute promosso sotto gli auspicti e su gli esempli di S. Ignazio Lojola in alcune considerazionti cavate dalla oùta del medesimo santo e distribuite per dieci giorni, 1725; 20 Novena in onore e preparazione alla festa di santa Maria Maddalena proposta per esemplare di penitenza e di perfezione cristiana, 1726; 39 Vita della madre Donna Maria Gaetana Scolastica Muratori, religiosa del monastero de’ santi Gervasio e Protasio di Bologna, 1729, qui attira à l’auteur beaucoup de contradictions et d’inimitiés; 4° 5 volumes de Sermoni, 4740-1742; 59 Novene in preparazione ad alcune feste principali dedicate… ad onore di Nostra Signora Maria Santissima, 1743; 69 I riti di santa Chiesa nel ricevere le vergint all’abito della religione e le novizie alla pro- fessione solenne.., 1744; 70 les notices biographiques de César Bianchetti, sénateur de Bologne, en 1731, des oratoriens Philippe Certani, en 1737, Gaspard Linder, Jean Galeazzi, etc.
Parmi les nombreux manuscrits qui nous sont parvenus (poésies, apologétique, dissertations philosophiques et théo- logiques), on peut distinguer des Exercices spirituels pour des novices, des traités sur les doctrines de l’Église orien- tale (messe, présence réelle, images, positions conciliaires, primat, etc) et surtout Il cristiano istruito nella cognizione di Cristo. Il avait entrepris la traduction italienne de la Lettre d'un abbé à un évêque où l’on démontre l'équité de la consti- tution Unigenitus, Paris, 1714, du jésuite Gabriel Daniel.
G.B. Melloni, Breve ragguaglio della vita del servo di Dio Carlo Maria Gabrielli…, Bologne, 1749 {édition corrigée, Venise, 1749). — G. Fantuzzi, Notizie degli scrittori bolo- gnesi, t. 4, Bologne, 1784, p. 3-11. — D. Villarosa, Memorie degli scrittori filippini…, t. 1, Naples, 1837, p. 129-136. — L'Oratorio di Bologna, Bologne, 1895, p. 33-34.
Paul AuvrAy.
GACHET (FraANçoIs-XAvIER), jésuite, 18e siècle. — Né à Ellwangen (Wurtemberg) le 10 février 1710, François-Xavier Gachet entra dans la compagnie de Jésus le 20 septembre 1726. Après avoir enseigné sept ans la rhétorique à Munich et Innsbruck, il fut notamment directeur de la congrégation mariale à Munich (1750-1757) et recteur des collèges de Soleure (1767-1770) et de Feldkirch (1770-1773). Nous ne pou- vons préciser ni la date ni le lieu de sa mort. Son Theatrum asceticum (Munich, 1759) réunit les « médi- tations » représentées durant le carême par la « grande congrégation latine » de Munich les sept années où il en assuma la direction. On sait l'importance alors en Bavière des méditations scéniques. Celles de Gachetse situent chronologiquement entre celles de François Neumayr + 1765 et de Joseph Pemble + 1781; elles invitent à considérer « ces vérités éternelles et d’extrême importance que saint Ignace propose dans ses Exercices » (préface).
4951 : Finis ultimus hominis (lutte entre Satan et la grâce dans l’âme, bon et mauvais usage pour l’homme des moyens mis à sa disposition pour réaliser sa fin, miséricorde de Dieu à son égard). — 1752 : Modi bene eligendi aa finem ultimum consequendum (attitudes contradictoires de l’homme en face de la mort, du jugement, du choix entre le ciel et l’enfer). — 47953 : Poenitentia secunda post naufragium tabula (effi- cacité du sacrement de pénitence : contrition, ferme propos, satisfaction). — 1754 : Praesidia conservandi fructus poeni-
GABRIELLI — GADOLO
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tentiae (présence de Dieu en nous, recours fréquent aux sacre- ments, confiance en Marie). — 1755 : Schola virtutum a Deo Homine omnibus hominibus aperta (charité envers le pro- chain, pauvreté, patience, amour des ennemis, doctrine du Christ). — 1756 : Passio D.N. Jesu Christi (causes de la Passion, résolutions à tirer de la considération de la Passion : haine du péché, amour de la croix). — 1757 : Amor divinus incitamentum amoris humant (amour de Dieu dans sa recherche du pécheur, son humanité tout aimante, amour de Dieu dans le sacrement de l’eucharistie, sa providence et sa libéralité).
La présentation s’inspire du théâtre grec. Au chœur exprimant les sentiments de l’assistance, succèdent les personnages, tantôt empruntés à l’histoire biblique ou profane, tantôt imaginaires ou symboliques : de leurs dialogues où se heurtent les positions contra- dictoires, comme de leurs monologues où s’exté- riorise l’intime de l’âme, l’auteur veut faire naître chez l’auditeur de saines résolutions. Le procédé n’était pas nouveau; à Munich même, Gachet suivait une tradi- tion remontant au moins à un demi-siècle. Quelles qu’en puissent être les imperfections, sa réalisation mérite d’être retenue : l’ensemble présente des thèmes majeurs de la doctrine chrétienne qui importent à la vie spiri- tuelle.
Sommervogel, t. 3, col. 1080-1082. — F.-J. Lipowsky, Geschichte der Jesuiten in Baiern, t.2, Munich, 1816, p. 286-310. — M.-V. Sattler, Geschichte der marianischen Congrega- tionen in Bayern, Munich, 1864, p. 279. — B. Duhr, Ge- schichte der Jesuiten in den Ländern deutscher Zunge, t.4, 2°p., Munich-Ratisbonne, 1928, p. 278-279. — J. de Guibert, La spiritualité de la Compagnie de Jésus, Rome, 1953, p. 420- 421. — DS, t. 4, col. 1550-1551. |
H. Gumbel, Franz Neumayr. Ein Beitrag zur Geschichte des lateinischen Dramas im 18. Jahrhundert, Bad Godes-
berg, 1938. Paul Barry.
GADOLO (BErNarpin), camaldule, 1463-1499, — Né à Pontevico (Brescia) le 22 février 1463, Bernardino Gadolo fréquenta l’université de Padoue et y fut reçu docteur en droit canon à seize ans. Deux ans plus tard, il entra chez les camaldules de l’abbaye de San Michele di Murano, à Venise, et émit ses vœux le 28 juin 1482. Gadolo avait gardé de son séjour à Padoue un goût très prononcé pour les classiques grecs et latins. Mais Pietro Delfino + 1525, alors abbé de San Michele, illustre humaniste et théologien, l’orienta vers l’étude de l’Écriture et des Pères. Après avoir traité plusieurs affaires de son abbaye à Rome, Gädolo fut nommé prieur de l’abbaye florentine de Santa Maria degli Angeli en 1498, mais il mourut l’année suivante, le 22 avril.
On doit à Gadolo deux éditions incunables de valeur; celle qu’il donna de la Bible (4 vol, Venise, 1495; Hain, n. 3174; Gesamtkatalog der Wiegendrucke, t. 4, Leipzig, 1930, n. 4283) était pour l’époque une édition critique; il avait collationné toutes les éditions précédentes et quelques bons manuscrits, mais ses corrections du texte reçu restent très circonspectes. Gadolo joignit aux livres saints la Glossa ordinaria et le commentaire de Nicolas de Lyre. Le second travail de Bernardino fut une édition des commentaires de saint Jérôme sur la Genèse et les prophètes (Venise, 1497; Haïn, n. 8581). j
Le reste des ouvrages de Gadolo, qui était conservé manus- crit à San Michele di Murano, semble perdu depuis la dis- persion des camaldules sous l'occupation napoléonienne. Les bibliographes mentionnent parmi ces œuvres un De origine et successu ordinis cemaldulensis, dont. Guido Grandi
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s’est servi (Dissertationes camaldulenses, Lucques, 1707, dissert. 1. p. 5; dissert. 3, p. 58, etc), un Tractatus de modo servando pro fugiendo saeculum et sacram religionem amplec- tendo, un livre Contra superbiam et ambitionem, et des lettres. L'œuvre proprement spirituelle de Gadolo est actuellement perdue.
À laide de ces précisions, on corrigera ce qui est dit ci- dessus : DS, t. 14, col. 1516; t. 2, col. 59; t. 5, col. 1601.
Petri Delphini (Pietro Delfino), Æpistolarum volumen, Venise, 1524, livre 4, p. 84; voir la notice de Dezrino, DS, t. 8, col. 127-128. —— M. Ziegelbaur, Centifolium camaldulense, Venise, 1750, p. 17-18, 95, 96. — J.B. Mittarelli et A. Costa- doni, Annales camaldulenses, t. 7, Venise, 1762, p. 354-357, 366-368, et appendice, col. 248-249. — V. Meneghin, San Michele in Isola di Venezia, t. 1, Venise, 1962, p. 168-178.
Giuseppe M. CaccraMANI.
GADUEL (Jean-Pierre), prêtre, 1811-1888. — Jean-Pierre-Laurent Gaduel, né à Marseille le 10 août 1811, aborda la pratique du droit avant de commencer, en 1835, les études ecclésiastiques à Saint-Sulpice d’Issy et de Paris. Prêtre en 1839, sulpicien en 1840, il fut professeur de morale à Reims, où il semble avoir été peu favorable au probabilisme liguorien prôné par le cardinal Thomas Gousset. En 1844, il tenta d’établir à Paris une œuvre de la jeunesse, sur le modèle de celle fondée à Marseille par J.-J. Allemand (DS, t. 4, col. 314; Gaduel publiera la Vie d’Allemand, Paris-Lyon, 1867; Paris, 1934); l'essai ayant échoué, Gaduel obtint à nouveau, en 1846, son admission dans la compa- gnie de Saint-Sulpice et professa au séminaire de Cou- tances; mais en 1849 il se sépara définitivement des sulpiciens pour être libre de répandre par ses publica- tions et prédications ses vues sur le ministère pastoral. Félix Dupanloup, nommé évêque d'Orléans, le prit aussitôt comme vicaire général : chanoine titulaire d'Orléans en 1857, il fut curé doyen et archidiacre de Montargis en 1859; de nouveau chanoine titulaire en 1860, et à partir de 1868 théologal et président des études théologiques du diocèse. Homme de confiance de l’évêque, il l’appuya dans la controverse avec Louis Veuillot (1853), dans ses démêlés avec le chanoine Victor Pelletier, contribua aux écrits de Dupanlioup relatifs au clergé, puis à ses travaux théologiques pour le premier concile du Vatican. 11 mourut à Orléans le 27 septembre 1888.
Sur l’éducation et la vie ecclésiastiques, J.-P. Gaduel a donné de nombreux articles dans L’ami de la religion, de 1850 à 1854, et quelques opuscules, en particulier: Conseils à un séminariste pour le temps des vacances, Orléans, 1853; De la vocation ecclésiastique chez les enfants et de leur première éducation dans les presbytères, Orléans-Paris, 1854; Anniversaires des grandes époques de la vie du prêtre, Paris, 1855; Retraites pastorales : avis et examen de conscience, Orléans, 1868 (9e éd., Paris, 1894); Le livre du séminariste, Paris, 1888. On lui doit aussi un Manuel de la dévotion aux âmes du Purgatoire (Orléans, 1852; Paris, 1865), et l'adaptation d’une compilation de Pierre Dagonel s j (Paris, 1627) sous le titre Saint François de Sales aux gens du monde {Lyon-Paris, 1856).
Mais Gaduel a surtout été l’apôtre des associations sacerdotales et de la vie commune dans le clergé, à l’école de Barthélemy Holzhauser + 1658 dont il écrivit la Vie (Orléans-Paris, 1861), réédita les Opuscula ecclesiastica (ibidem, 1861), et dont il étudia les cons- titutions (De la vie commune dans le clergé paroissial, Orléans, 1853).
GADOLO — S. GAËTAN DE THIENE
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Sur les associations sacerdotales, voir DS, t. 2, col. 1165-1167 {rétablir le véritable prénom : Jean-Pierre, et non Victor); 4. 8, col. 1824.
L. Bertrand, Bibliothèque sulpicienne, t. 2, Paris, 1900, P. 462-463; t. 3, p. 359-365. — P. Broutin, L'œuvre pastorale et spirituelle de B. Holzhauser, NRT, t. 80, 1958, p. 521-525. — C. Marcilhacy, Le diocèse d'Orléans sous l’épiscopat de Mgr Dupanloup, 1849-1878, Paris, 1962, p. 58-59, et passim.
Irénée Noye.
GAETA (Benoit), franciscain des Riformati de Sicile, + 1630. — Né en 1559 ou 1560 à Francofonte, diocèse de Syracuse, Benoît Gaeta, prêtre séculier, vécut dix ans dans l’ermitage de Rossomano dépendant des religieux observants, puis entra dans l’ordre de saint François en 1589 et fit profession, le 27 novembre, au couvent Saint-Nicolas d’Agrigente. Maître des novices pendant trente-huit ans, il eut parmi ses dis- ciples Bénigne de Gênes, futur ministre général de ordre (Annales minorum, t. 30, Quaracchi, 1951, p. 20), et assuma les fonctions de gardien de divers couvents desa province. D’une humilité et d’une piété exemplaires, il s’adonnait volontiers aux travaux manuels, passait de longues heures en oraïson, de jour et de nuit, et se dévouait dans le ministère des confessions et la direc- tion spirituelle. Les clarisses du monastère royal de Naples l’eurent comme confesseur pendant trois ans. 11 mourut en odeur de sainteté à Palerme, le 15 mars 1630. Ses œuvres, toutes d’ordre spirituel, sont restées inédites, que l’on sache. L’une, les Dodeci punti di humiltà, est mise au compte d’un prêtre séculier. Les autres sont intitulées : Æpistola exulis hominis ad Christum Regem et responsio Jesu Christi homini exulanti; Trattato della perfectione christiana; Le tre ote purgativa, illuminativa e unitiva.
P. Tognoletto da Palermo, Paradiso serafico del fertilissimo Regno di Sicilia, t. 1, Palerme, 1667, p. 569, 591; t. 2, p.257.— A. Mongitore, Bibliotheca Sicula, t. 1, Palerme, 1708, p. 102a.— Wadding-Sbaralea, Supplementum, t. 1, p. 129a. — B. Mazzara, Leggendario francescano, t. 3, Venise, 1721, p. 293-295. — Sigis- mondo da Venezia, Biografia serafica degli uomini ülustri che fiorirono nel francescano Istituto, Venise, 1846, p. 573.
Clément ScHmirr.
GAÉTAN DE THIENE (saint), fondateur des clercs réguliers théatins, 1480-1547. — 1. Vie et fondation. — 2. Écrits et spiritualité de Gaétan. —3. Carac- téristiques de l’ordre et Règle. — k. Activité et diffusion. — 5. Spiritualité des théatins. — 6. Auteurs spirituels.
1. Vie et fondation. — 1° Préparation. — Gaétan de Thiene naquit à Vicence en octobre 1480; il était le second fils du comte Gaspard et de Maria Porto ÿ 1520. À deux ans il perdit son père; il fut élevé par sa mère, tertiaire dominicaine et fille spirituelle d’André da Son- cino, du couvent dominicain de la $. Corona de Vicence. Il fit ses études d’humanités dans sa ville natale; en 1500, il se rendit à l’université de Padoue et obtint le doctorat in utroque le 17 juillet 1504. Cette même année, Pierre Dandolo, évêque de Vicence, lui imposa la tonsure. Une épitaphe du 10 juillet 1505 lui décerne, ainsi qu’à son frère aîné Jean-Baptiste + 1510, le
‘titre de fondateur de l’église de S. Maria Maddalena in
Rampazzo à Vicence.
En 1508, il est à la curie romaine scrittore des lettres aposto- liques, avec le titre et la dignité de protonotaire apostolique. Jules x lui conféra les bénéfices de $S. Maria di Malo et de S.
31 S. GAÉTAN DE THIENE 32
Maria di Bressanvido (16 octobre et 20 novembre 1508) au diocèse de Vicence. Après la défaite d’Agnadello {14 mai 1509), infligée par la ligue de Cambrai, Gaétan intervint dans la récon- ciliation de la république de Venise avec le pape.
Les années 1508-1518 sont, pour Gaëtan toujours à la cour romaine, des années de silence, d'observation et d'expérience. Sous les pontificats de Jules 11 1513 et de Léon x ? 1521, dans toute la splendeur de la Renaissance, se trouvant en contact avec les divers courants de la pensée de l’humanisme, il consta- tait le bien-fondé des appels à la réforme ecclésiastique qui se faisaient jour un peu partout, mais qui n’éveillaient guère d’écho au 5° concile du Latran (1512-1517). Le futur réforma- teur éprouvait un dégoût très vif pour le genre de vie de beau- coup de hauts prélats et d’ecclésiastiques à la cour papale. Dans une lettre du 31 juillet 1517 il demandait à Laura Mignani de prier pour Rome , «Vi raccomando questa, altre volte Città santa, ora Babilonia, nella quale ci sono tante reliquie » {Lettere, éd. citée énfra, p. 13).
C’est dans ce climat humaniste, tout à la fois éclatant de lumières et chargé d’ombres, que mürit la vocation au sacerdoce de Gaétan; François Berthelay, chanoine d'Évreux et évêque titulaire de Milopotamos (Crète), lui conféra la prêtrise à Rome, le 30 septembre 1516, en présence de deux clercs, André Butin du diocèse d'Angers, et Jean Bosseau du diocèse de Poitiers. Il célébra sa première messe en la fête de l’Épiphanie, le 6 janvier 1517, à l’autel du Presepio à Sainte-Marie Majeure, où la Mère de Dieu, en la Noël suivante, lui remettra son enfant divin entre les bras, comme il le rapporta lui-même à Laura Mignani dans une lettre du 28 janvier 1518 (éd. citée infra, p. 16).
C’est en 1516-1517, dans l’église des saints Sylvestre- et-Dorothée au quartier du Transtévère, que Gaétan commence son activité au sein de l’Oratorio ou compa- gaie du divin amour; s’il ne fut peut-être pas le fonda- teur de cet oratoire, comme l'ont affirmé quelques biographes, il en fut certainement l’un des premiers membres, et des plus actifs. Pour écarter tout respect humain comme toute vaine ostentation, la compagnie travaillait dans le secret. Elle se proposait la sancti- fication de ses membres, et promouvait une solide piété, principalement par la communion fréquente, l’oraison faite en commun à des jours déterminés, l'exercice généreux et désintéressé de la charité envers le prochain. Gaétan fit siens ce programme et cet idéal.
Le 30 avril 1518, il quitta Rome et, passant par Lorette, s’en retourna à Vicence, où il entra dans la compagnie de Saïint-Jérôme (9 janvier 1519), autre forme d’Oratorio, fondée à la suite des prédications du
bienheureux Bernardin de Feltre + 1494; il en fut,
affirme le Diario, « lume e splendore, sustegno e bene- fattore » (RD, t. 2, 1946, p. 67). À Vérone, il s’inscrivit dans la compagnie du Très-Saint-Sacrement (10 juillet 1519), associée à la précédente; il en réforma les statuts, d’après l’expérience et l’esprit de l’Oratoire de Rome, et il communiqua à ses membres un nouvel élan de vie spirituelle, recommandant la communion fréquente et la fondation d’un hôpital d’incurables. A la fin de 4519, sur le conseil de son directeur spirituel, Jean- Baptiste Carioni da Crema + 1534 (cf DS, art. CarroNt, t. 2, col. 153-156; t. 3, col. 1108-1110), dominicain de la S. Corona, il partit pour Venise, où, en 1522, il fondait le nouvel hôpital des incurables.
29 Les « clercs réguliers ». — Retourné à Rome en 4523, et dans l’ambiance de l’Oratoire du divin amour, il mûrit son projet de réformer le clergé et le peuple chrétien en fondant une compagnie de clercs réguliers. Gaétan trouva ses premiers compagnons dans l’Oratoire :
Boniface dei Colli + 1558, prêtre d'Alexandrie au nord de l’Italie, Jean-Pierre Carafa (1476-1559), napolitain, le futur Paul rv, et Paul Consiglieri (ou Ghislieri), prêtre romain {f 1557).
Gaétan et ses compagnons présentèrent à Clément var, le 3 mai 1524, les lignes générales de leur programme. La curie et la cour romaine élevèrent des difficultés. On s’opposait au nouveau genre de vie, notamment sur le chapitre de la pauvreté et à propos de la renonciation que Carafa voulait faire de son évêché de Chieti et de son archevêché de Brindisi. Jean-Matthieu Giberti, alors évêque de Vérone, s’entremit, avec d’autres, auprès du pape. Le 24 juin, le pape adressait à Carafa le bref Æxponi nobis, par lequel il approuvait la nouvelle famille religieuse sous le nom de « clercs réguliers ». Le document pontifical entérinait la renonciation faite par Carafa, lui maintenant cependant le titre d’ « episco- copus theatinus » avec tous les privilèges des évêques. Le bref concédait l’émission des trois vœux tradi- tionnels, la vie en commun sous l’habit clérical, le nom de « clercs réguliers » et la protection immédiate du Saint-Siège; un supérieur serait choisi chaque année et rééligible pendant trois ans; on pouvait admettre quiconque, de quelque dignité et profession qu’il soit, aurait accompli un noviciat d’un an. Le pape concédait enfin la participation aux privilèges des chanoiïnes réguliers du Latran (bref reproduit dans P. Paschini, S. Gaetano Thiene.., p. 155-157). |
Après avoir renoncé à leurs biens, à leurs charges et bénéfices, le fondateur et ses trois premiers compagnons firent profession solennelle le 14 septembre 1524 à Saint-Pierre, en présence de Jean-Baptiste Bonciano, évêque de Caserte et délégué du pape à cet effet. Aussitôt après, Carafa fut élu supérieur de la CORTE: gation.
La communauté s’établit Via Leonina, dans une maison offerte par Boniface dei Colli. Ils exercèrent leur ministère sacerdotal en l’église S. Nicolas dei Prefetti au champ de Mars; is assistaient les incurables de Phôpital Saint-Jacques in Augusta, ets ’employaient aux cérémonies, à la prédication, à la prière et à l’étude des sciences sacrées.
Le premier novice, Bernardin Scotiti, fut admis le 25 avril 4525; c'était un jeune prêtre, qui devait devenir évêque de Plaisance et cardinal de Trani (f 1568). D’autres suivirent, et bientôt l’on fut douze, la plupart venaient de l’Oratoire du divin amour. À la fin de l’année, les « théatins », comme on les appe- lait communément, se transportèrent sur le Pincio, dans une maison que leur donnait Jean-Matthieu Giberti. Pendant toute cette « année sainte » Gaétan et les siens prodiguèrent aux pèlerins l’assistance matérielle et spirituelle.
80 À Venise. — En mai 1527, au cours du « sac » de Rome, les théatins furent attaqués par les impériaux, faits prisonniers et enfermés dàäns la tour de l’Horloge au Vatican; libérés par un officier espagnol, ils s’enfui- rent à Civitavecchia, puis gagnèrent Venise, où ils arrivèrent le 17 juin. Ils demeurèrent successivement à S. Clemente, S. Eufemia et à S. Gregorio; le 29 novem- bre 1527, ils s’installèrent définitivement à l’église Saint-Nicolas de Tolentino. Le 14 septembre, Gaétan est appelé à remplacer Carafa comme supérieur.
Pendant les six années qu’il passa à Venise (1527- 1533), Gaétan, avec sa communauté, se consacre à l'assistance aux pauvres et aux malades, travaille à la réforme religieuse et s’oppose aux infiltrations hérétiques.
Les théatins se montrent, en effet, d’infatigables apôtres de la charité pendant la disette et la peste qui
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ravagèrent la ville en 1527-1528; l'hôpital des incurables leur était particulièrement cher.
Ces « prêtres réformés », comme on les désigne souvent, sont également toujours prompts à soutenir tout projet de réforme. Ils encouragent ou suscitent les initiatives que prennent, dans l'esprit de l’Oratoire du divin amour, les « compagnies » de Padoue, Vicence et Sal, sur Île lac de Garde; ils en dirigent spirituellement les « fratelli ».
Déjà, en 1526, Carafa s’employait auprès de la cour romaine en faveur de la réforme capucine, et recommandait les premiers compagnons de Matthieu de Bascio, Louis et Raphaël de Fos- sombrone. C'est sous la direction de Gaétan et de Carafa que le futur fondateur des somasques, saint Jérôme Émilien + 1537, commence son œuvre d’assistance en faveur de l’enfance aban- donnée. En 1528, Paul Giustiniani trouve appui auprès des théatins pour la réforme des camaldules. Gaétan aidera parti- culièrement Giberti dans la réforme de son diocèse de Vérone, et il s’y rend en 1531-1532.
C'est d’une manière fort concrète que Gaétan lutte alors contre toute menace hérétique : il favorise la publication äe boss livres. Par une lettre du 15 février 1530, il invite même à Venise le typographe Paganino Paganini pour former dans son art les théatins (Lettere, p. 70).
49 À Naples. — En 1533, à la fin du second triennat de Carafa, neuf ans après la fondation de l’ordre, et l'année où était obtenue la reconnaissance de la per- sonnalité juridique (bref Exponi nobis, 9 mars 1533), Gaétan et le bienheureux Jean Marinoni + 1562 fondent à Naples la première maison de théatins, en dehors de Venise. Ils demeurent d'abord près de S. Maria della Misericordia a Foria; le 24 mars 1534, ils se transportent près de l'hôpital des incurables, qu’avaient fondé Ettore Vernazza + 1524 (DS, t. 2, col. 320-321) et Maria Lorenza Longo + 1542 (DS, t. 5, col. 1418), et le 31 juillet ils passent à S. Maria della Stalletta (appelée ensuite S. Marie de Jérusalem). Au printemps de 1538, le vice- roi Pierre de Tolède leur permet. de s’installer à l’église S. Paolo Maggiore. À Naples, les théatins déploient dès le début uné intense activité apostolique. Sous la direction de Gaétan, la communauté s’accroît rapi- dement et devient le centre de la réforme catholique : on prend soin du décorum et de la splendeur de l’église, une grande impulsion est donnée à la vie liturgique et à la fréquentation des sacrements, la piété refleurit autour du mystère de Noël, le Presepio est restauré.
Peu après son arrivée, Gaétan fut chargé de la direc- tion spirituelle du monastère des dominicaines de la Sapienza, fondé par la sœur de Jean-Pierre Carafa, Maria + 1552. Il eut une grande part dans la fondation du monastère des capucines, faite par Maria Lorenza Longo. Son activité en faveur des monastères de femmes s’étendit au couvent des « Converties », fondé en 1538 par une de ses filles spirituelles, Maria Ayerbo, duchesse de Termoli. Comme à Venise, la communauté se montre assidue à toutes les œuvres de miséricorde, notamment à l'assistance aux incurables. Les biographes s’accordent à attribuer à Gaétan et à Marinoni l'inspiration de la fondation, en 1539, du mont de piété.
On veillait aussi à la pureté de la foi. Les novateurs Jean Valdès + 1541, Pierre-Martyr Vermigli + 1562 et Bernardin Ochino + 1564 trouvèrent dans les théatins de redoutables adversaires.
Défenseur d’une pauvreté absolue, Gaétan refusa énergiquement les généreuses offrandes que des napoli- tains voulaient assurer à la communauté pour qu’elle se constituât des rentes fixes. Sa confiance en la Provi-
DICTIONNAIRE DE SPIRITUALITÉ. — T. VI.
dence demeura proverbiale et ses biographes rapportent des prodiges qui prouveraient des interventions spé- ciales du ciel. Son esprit de pénitence était grand, aussi bien que son détachement du terrestre et son oraison.
11 assista aux chapitres généraux qui se tinrent en 1536 et 1539 à Rome, près de Sainte-Marie de la Minerve, où résidait Carafa, cardinal depuis 1536; et en 1540 à Venise, où Gaétan demeura supérieur jusqu’en 1543. Il retourna cette année-là à Naples. Au printemps 1547, il participa, à Rome, au chapitre général qui traita de l’union des somasques et des théatins; il y fut réélu supérieur de Naples. Il tomba malade et, tandis que la capitale napolitaine était dans de sanglants tumultes, — on rapporte qu’il oîfrit sa vie pour elle —, il mourut le dimanche 7 août 1547, « in cinere et cilicio » au dire de saint André Avel- lin, et comme un homme de grande vertu.
Il fut enterré au cimetière des théatins près de l’église S. Paolo; plus tard, ses restes, avec ceux de Jean Marinoni et d’autres théatins, furent transportés à l’intérieur de l’église, où ils sont actuellement vénérés dans la crypte du Soccorpo. Urbain vint le déclara bienheureux le 8 octobre 1629; Clément x le canonisa le 12 avril 1671. Sa fête, célébrée le 7 août, fut éten- due en 1673 à l’Église universelle.
2. Écrits et spiritualité. — 1° Correspondance. — Gaétan n’a laissé aucun livre, que nous sachions. Les écrits qui nous restent de lui se trouvent tous, sauf quelques documents administratifs et spirituels, dans l'édition publiée par F. Andreu (Le lettere di S. Gaetano da Thiene, Vatican, 1954), qui est le recueil le plus complet, pour ne pas dire intégral, des lettres et des écrits fragmentaires que l’on connaît du saint. Une courte lettre à Maria Carafa fut publiée par la suite par ©. Gregorio (dans Regnum Dei, t. 16, 1960, p. 38- 79). Ce recueil comprend cinquante précieux documents spirituels, surtout des lettres (beaucoup de lettres ont sans doute été perdues).
Au nombre des correspondants figure en première place Laura Mignani + 1525, moniale augustine de S. Croce de Bres- cia; huit lettres lui sont adressées de juillet 1517 à mars 1522. Écrites dans les années qui suivent son sacerdoce, elles sont empreintes de ferveur, et Gaétan révèle à sa « mère spirituélle » les trésors de son âme et son idéal de perfection.
Cinq lettres sont adressées aux frères Jean-Baptiste et Bar- thélemy Scaini, de Sald, au diocèse de Brescia, où se trouvaient les principaux membres d’un Oratoire du divin amour. Le plus grand nombre, vingt letires, sont adressées à Maria Carafa + 1552, dont Gaétan fut longtemps le directeur spirituel.
Les autres sont envoyées : deux au jurisconsulte Sébastien de’ Ricci, une respectivement à sa nièce Élisabeth Porto, à Paul Giustiniani, à ses cousins Ferdinand et Jérôme de Thiene, aux confrères du divin amour de Vicence, à Catherine Carafa + 1594, à François Cappello, aux confrères du divin amour de Salù et une enfin à un inconnu.
Le style de Gaétan est très sobre, les expressions concises, sans manquer pourtant de densité. Souvent des mots latins sont entremêlés aux phrases italiennes; des images et des références bibliques accompagnent les aspirations spirituelles. Le but et l'allure des lettres sont à peu près toujours spirituels et apostoliques; les expres- sions et les idées révèlent la richesse spirituelle de âme.
2 Vie spirituelle. — Gaétan s’est formé dans ce climat italien de la Renaissance et de l’humanisme aux valeurs et aux déficits caractérisés; il sait assimiler les unes et éviter les autres. Fils spirituel du dominicain Jean-Baptiste Carioni, il dut en recevoir les directives et les stimulants d’une intense vie spirituelle. C’est dans la compagnie du divin amour que Gaétan trouve l'ambiance favorable aux étapes décisives de sa vie et de son action; sans doute, fut-il celui qui en assimila
2
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le mieux l'esprit et en réalisa plus parfaitement le programme de sanctification personnelle, de réforme apostolique et d’assistance charitable au prochain.
Le fruit le plus évident de sa spiritualité sacerdotale demeure la fondation du premier ordre de clercs réguliers, dont on verra plus loin l'esprit. -
Ce qui caractérise la spiritualité de Gaétan, c’est sans doute son aspect profondément christocentrique. Il dévoile instinctivement dans sa correspondance son -désir brûlant de connaître le Christ, son sens profond de la conformité au Christ, son besoin d’union au Christ, de ne faire qu’un avec sa volonté. Les expressions abondent pour le prouver. « Que votre doux Époux Jésus, écrit-il à Laura Mignani, le 16 juin 1518, accroisse en votre cœur lumière et feu » (éd. citée, p. 20). C’est dans « le feu de l'amour » et dans une totale humilité
qu’il en appelle à l’union avec Dieu, « senza il qual.
(Iddio}, et la qual unione, non sum nisi nihil », dans le Corps mystique {lettre à Paul Giustiniani, 1er janvier 4523, p. 55). Le Christ est celui qui le transforme, jusqu’à ne plus recevoir de mouvement que de sa volonté, « hoc peto, hoc cupio » (lettre de 1518, p. 27). « Avec Ia mer de son Sang » (la dévotion de Gaétan au ‘Sang, aux Plaies du Crucifié, à « la victoriosa Passione », p. 17, est très vive), « je voudrais que Jésus-Christ .purifie mon cœur, pour qu’il ne soit plus rebelle à sa sainte volonté et ne désire plus que d’être où et comme il lui plaît » (à Laura Mignani, 8 juin 1520, p. 30-31). Son adhésion au Christ est sans condition : « Per l'Egitto et deserto et altri suoi pericoli, alla Croce et alla sepultura ser con Lei » (28 janvier 1518, p. 16). De ce feu et de cette purification intenses, Gaétan a ressenti des effets exceptionnels, comme à la Noël 1517. Gaétan emploie couramment dans sa correspondance e monogramme HS. Vivre et travailler à « la gloire de son Créateur et Seigneur », telle est son ambition spiri- tuelle, ou bien « come fido dispensatore et thesauriero humile al humile Signore ministrare » (28 janvier 1518, p. 15), ou encore, selon la formule du bref Exponi nobis, qu’il dut inspirer, « cum maiori animi quiete Deo servire », formule qu’on retrouve en tête des Constitu- tions, « cupientes cum maiori animi quiete Deo servire et illi magis pro desiderio cohaerere posse » (ch. 1). Que ce soit Jésus que l’on cherche dans le prochain {« che solo vi sia Gesù passionato nel prossimo nostro », à Laura Mignani, 22 novembre 1520, p. 34). Travailler dans et pour l’Église, quelles que soient les « rides » -de ses ministres, c’est travailler toujours pour le Christ (« Vi prego siate legati cum humiltà alla santa Chiesa di Christo in se sine ruga licet in ministris prostituta; habetis Christum, ipsum audite et ipsum sequimini », à Barthélemy Scaini, 26 mars 1529, p. 66). Aussi ne ” cesse-t-il de prier et de faire prier pour « la reformation della santa Chiesa » (à Maria Carafa, 1533, p. 73). 8 À la gloire de son Seigneur et non pour autre chose » {à Paul Giustiniani, 17 janvier 1523, p. 55), Gaétan s'attache à vivre l’abneget de l'Évangile. Son ascétisme se concrétise dans l’obéissance, dans le renoncement (il a vive conscience de son néant, verme e luto, dit-il de lui-même, 28 janvier 1518, p. 15) et dans la ferveur réalisatrice (« In quest’obbedienza e morte di me stesso sta la gloria del mio Creatore, e non in fervore affettuale, ma solo in fervore effettuale si purificano lo anime », 8 juin 1520, p. 31). 11 y a là quelque chose des enseignements de Jean Cassien, l’un des auteurs favoris de Gaétan (à Paul Giustiniani, p. 56). Aux premières années de son sacerdoce, le désir de
ressembler au Christ l’incite à laisser toute préoccupa- tion de choses temporelles et à ne se soucier que de sa sanctification en suivant un programme précis de vie et de combat spirituels. La renonciation à ses biens et charges lui apparaît comme une nécessité personnelle {il en fait part joyeusement à ses proches) et aposto- lique. Ses compagnons seront d'autant plus apôtres qu'ils seront plus pauvres, plus désintéressés, plus abandonnés à la Providence.
Si « la gloire de Dieu » est l’un des thèmes majeurs de la spiritualité de Gaétan, le sens de la Providence revêt chez lui une importance particulière; on l’appelait communément et on l’invoquera sous le nom de «saint » ou de « père de la Providence ».
Pie xx, dans sa lettre du 7 août 1947, pour le quatrième centenaire de la mort du fondateur, soulignera cette carac- téristique :
Divinae Providentiae confidere, eidemque se suaque omnia committere prorsus, ut summam mortalium animis dat requiem et pacem, ita ad ea speranda opportuna auxilia, quibus indi- geant, fortiter eos excitat suaviterque permovet. Id Nos mente recogitamus, dum quartum iam expletur saeculum, ex quo sanctus Caïetanus Thienensis, qui eiusmodi doctrinam, ex Evangelio haustam, tam impense diligenterque in vitae usum traduxit, ad supernorum civium choros pientissimo obitu evolavit (AAS, t. 39, 1947, p. 448).
Pour « marcher dans la sainte nouveauté de la vie chrétienne », comme le recommandait Jean-Pierre Carafa à sa sœur Maria {lettre du 17 février 1534, dans F. Maggio, Vita della Venerabile.. Maria Carafa, Naples, 1670, p. 62-73), selon l’esprit de Gaétan, il importe de vivre intensément des sacrements.
Gaétan fut un apôtre de l’eucharistie et de la commu- nion fréquente. Sa ferveur eucharistique transparaît dans ses lettres; elle éclate dans ses faits et gestes. Le 4er janvier 1523, s’adressant à Paul Giustiniani, il déplore de voir tant de chrétiens rougir de se confesser et de communier, et il affirme son intention de ne pas cesser son apostolat en faveur de la communion fré- quente : « Pater mi, mai sard contento finchè io non veda li cristiani andar dal sacerdote come famelici a cibarsi con gran gloria et non con erubescenza. Sat est » (Lettere, p. 56-57).
Conformité au Christ et service de l’Église, ascèse et ministère apostolique sont compris et réalisés sous le patronage et par la médiation de la Vierge Marie, « Stella, Maestra e Madre » (28 janvier 1518, p. 16). Pour Gaétan, le Christ, et en particulier le Christ eucharistique, «est toujours le Fils de Marie. Sa spiri- tualité est toute imprégnée de dévotion et de culte marials : « Licet non sia la ora, se la Regina vorà Jesü farà el tuto » (à Laura Mignani, p. 26). Voir F. Maggio, San Gaetano ai piedi del’Immacolata Signora, Naples, 4672. ï
4. Sources. — La rareté des renseignements sur Gaétan de Thiene et les premiers temps de l’ordre qu’il fonda tient à la discipline du secret que les théatins héritèrent de l’Oratoire du - divin amour. Les premiers théatins qui réagirent contre cette mentalité furent des hommes tels André Avellin, Antoine GCaracciolo, Jean-Baptiste Castaldo Pescara et Jean-Baptiste Del Tufo. C’est à la fin du 16° siècle et au commencement du 47° que les premiers témoignages furent recueillis, dus en particulier aux soins de J.-B. Castaldo Pescara. |
La relazione del P.D. Giovanni Antonio Prato su S.. Gaetano Thiene, du 29 août 1598, éd. F. Andreu, dans Regnum Dei (= RD), t. 1, 1945, p. 116-132. — La relazione di D. Erasmo Danese su S. Gaefano, du 13 août 1600, chidem, p. 8-17, 60-72. — A. Caracciolo, Cajetani Thienaei vita, publiée avec De vita
37 S. GAÉTAN DE THIENE 38
Pauli 1V Pont. Marx. collectanea historica, Cologne, 1612. — G.B. Castaldo, Vita del B. Gaetano Tiene, fondaiore della reli- gione de” Cherici Regolari, Modène, 1612; Rome, 1616; Vicence, 1627. — Voir les histoires de l’ordre, citées infra, col. 48.
Les Procès et autres écrits qui concernent la béatification, la canonisation et le culte se trouvent : Archivio segreto Vati- cano, Proc. 2584-2593; Archivio della S. Congregazione dei Riti, n. 53, 275, 293, 380, 381; Archivio generale des théatins, Rome, n. 158-175; Bibliotheca naz. de Naples, Fondo S. Mar- tino, n. 565-566, 627-639.
Le lettere di San Gaetano da Thiene, éd. F. Andreu, coll. Studi e testi 177, Vatican, 1954, travail indispensable pour toute étude sur Gaétan, avec une abondante documentation et une bibliographie riche et choisie.
2. Biographies. — Les deux premières biographies écrites par A. Caracciolo et G. B. Castaldo, avant la béatification, demeurent les travaux fondamentaux. La Vita de Caracciolo a été reproduite dans les AS (août, t. 2, Anvers, 1735, p. 240- 324), avec un commentaire de J. Pien.
De nombreuses biographies ont paru par la suite, dont voici les principales :
À. M. Ambiveri, Compendio della vita del B. Gaetano Thiene, Bergame, 1649; Venise, 1651, 1655. — M. Calascibetta, Vida del glorioso... Cayetano Thiene, Madrid, 1653. — N. Auxentio {= Tommaso Caracciolo), Elioclero, cioè il sole del riformato clero… vita del B. Gaetano Thiene, Venise, 1655. — $. Pepe, Vita del B. Gaetano Thiene, Rome, 1656. — N. Charpy de Sainte-Croix, La vie du bienheureux Gaëtan Thiene, fondateur des clercs réguliers, Paris, 1657, 1671 (avec Addition à l’histoire des miracles, 54 p.). — G. Silos, Vita di S. Gaetano Thiene, fondatore della religione de’ Chierici regolari, Rome, 1671. — F. M. Maggio, Sermoni sopra la vita e morte di S. Gaetano, Naples, 1672. — Bernard de Champmolin, La oie de saint Gaétan de Thienne, instituteur de la congrégation des clercs réguliers ou théatins, Paris, 14698. — G.. M. Magenis, Nuova e più copiosa storia dell'ammirabile ed apostolica vita di S. Gaetano Thiene, patriarca dei Cherici Regolari, Venise, 1726, 1733, 1735, 1749; Naples, 1845; trad. allem. par J. Edelweck, Munich, 1754. — G. M. Zinelli, Memorie istoriche della vita diS. Gaetano Thiene…, Venise, 1753, donne le texte des lettres alors connues. — B. Destutt de Tracy, Vies de S. Gaëtan de Thienne, instituteur de la congrégation des clercs réguliers dits théatins, du bienheureux Jean Marinon, de S$. André Avellin et du B. cardinal Paul Burali d’'Arezzo…., Paris, 1774. —B. Hartmann, Vita di S. Gae- tano Thiene, patriarca de’ Cherici regolari, Venise, 1776; Rome, 1845; c’est l’abréviation de G. M. Magenis. — C. Vergara y Azcarate, Vida de S. Cayetano Thiene, Madrid, 1785; Barce- lone, 1921.
F. Dumortier, Saint Gaétan de Thienne, ou le saint de la Providence, Paris, 1882. — W. Luben, Der heilige Cajetan von Tiene, Ratisbonne, 1883. — R. de Maulde la Clavière, Saënt Gaëtan, coll. Les saints, Paris, 1902, 1905; trad. anglaise par G. H. Ely, Londres, 1902; trad. ital. par A. Castaldo, revue, corrigée et augmentée de nouveaux documents par G. Salva- dori, $. Gaetano da Thiene e la riforma cattolica italiana, Rome, 1911. — E. Lucatello, S. Gaetano Thiene e gli inizi della rifor- ma cattolica, Milan, 1944. — P. Chiminelli, S. Gaetano Thiene, cuore della riforma cattolica, Vicence, 1948; p. 1016-1023 biblio- graphie. — A. Veny Ballester, S. Cayetano de Thiene, patriarca de los clérigos regulares, Barcelone, 1950; p. 10-35 importante bibliographie, — P. H. Hallett, Catholic reformer, a life of St. Cajetan of Thiene, Westminster, Maryland, 1959.
8. Études. — Les plus importantes ont paru ces vingt dernières années dans Regnum Dei. Collectanea theatina (= RD), Rome, 1945 svv.
G. B. Barziza, S. Gaetano in Verona, cioë le azioni di S. Gae- tano aggregato, ancor prelato secolare, per confratello nel’ Ora- torio de’ Santi Siro e.Libera di Verona, Mantoue, 1719. — C. Doneda, Wotizie istoriche del monastero di Santa Croce di Bres- cia, Brescia, 1764; Doneda publie les lettres à L. Magnani d’après l'édition faite par les augustines dans Memorie isto- riche del principio del monastero…, Brescia, 1704. — P. Barral de Bessodes, Lettres ascétiques de saint Gaétan de Thienne, précédées de l'éloge du saint fondateur prononcé dans l’église
des théatins en 1780, Paris, 1785; rééd. dans Panégyriques…, du même auteur, 2 vol., Paris, 1789. — G. Ventura, Discorso sulle influenze dello zelo di S. Gaetano Thiene, fondatore de’ Chierici regolari teatini, nell'universale rinnovazione religiosa del sec. xvi, Naples, 1824 — L. Grimes, Esprit des saints illustres, t. 3, Paris, 1853, p. 1-44 avec les « lettres ascétiques » de l'édition Barral. — D. Bortolan, S. Corona. Chiesa e con- vento dei domenicani in Vicenza, Vicence, 1889. — ©. Premoli, S. Gaetano e fra Battista da Crema, Pavie, 1910; S. Gaetano Thiene (1480-1547), Crema, 4910. — P. Paschini, cité col. 48.
F. Andreu, Lettere inedite di S. Gaetano Thiene, RD, t. 2, n. 8, 1946; Nuovi documenti per la vita di S. Gaetano, RD, t. 2, p. 54-69; S. Gaetano e l’ospedale degli incurabili, p. 115-123. — T. Raumer, Lacune ed inesattezze nelle biografie di S. Gaetano, RD, t. 2, p. 104-114. — P. Tacchi Venturi, Un antesignano della restaurazione cattolica. San Gaetano Thiene nel 1V cente- nario della morte, dans La Civiltà cattolica, 1947, t. 3, p. 413-425; RD, £. 4, 1948, p. 101-114. — G. Mantese, Una pagina di vüta religiosa nel Cinquecento vicentino, RD, t. 3, 1947, p. 13-38.— E. Masucci, Vicenza durante la Lega di Cambrai in una lettera di San Gaetano, RD, t. 4, 1948, p. 72-100. — F. Andreu, La spiritualità di S. Gaetano, RD, t. 4, 1948, p. 39-66. — M. Spa- gnolo, Prodromi della riforma ‘a Vicenza nel secolo xvi, RD, t. 5, 1949, p. 3-24, 93-133. — A. Veny Ballester, San Cayetano de Thiene « patriarca de los clérigos regulares », RD, t. 11, 1955, p- 183-141.
&. Iconographie. — P. Chiminelli, S. Gaetano.., p. 1003- 1015. — G. Llompart, La estatua de San Cayetano del Museo de arte de Cataläna.…., RD, t. 7, 1951, p. 89-117; El tema provi- dencialista en la iconografia de S: Cayetano, t. 11, 1955, p. 27-43; La estatua de S. Cayetano de Carlos Monaldi en la basilica Vaticana, t. 8, 1952, p. 153-164.
8. Caractéristiques de l'ordre et Règle. — 19 Caractéristiques. — On trouve dans la compagnie ou oratoire du divin amour (DS, t. 4, col. 531-533) les germes de l’ordre des clercs réguliers. Gaétan et ses premiers compagnons ou co-fondateurs appartenaient au divin amour de Rome, qui groupait les principaux promoteurs de la réforme catholique dans l'Italie du 16€ siècle. Les historiens s’accordent généralement pour reconnaître que le projet et le mérite de la fonda- tion de l’ordre reviennent à Gaétan de Thiene et non à Carafa, encore que la dignité épiscopale et le prestige personnel de ce dernier aient aïdé à la fondation et qu’il ait été le premier supérieur du nouvel institut. Les membres de l’ordo clericorum regularium sont communé- ment appelés « théatins »; ce nom dérive du titre de l’évêque de Chieti, Jean-Pierre Carafa, episcopus theatinus.
L’idée fondamentale de Gaétan était la réforme du clergé et, par là, du peuple chrétien. Dans cette intention, il voulait constituer. une-famille religieuse de clercs, qui vivraient en commun, professant la pauvreté, sous une règle spéciale, d’où leur nom de « clercs régu- liers ». « Clercs », ils s’adonneraient à toute sorte d’apos- tolat, administrant les sacrements, prêchant et assurant le culte. « Réguliers », ils formeraient une société fondée sur le principe de la vie commune, professant les trois vœux de pauvreté, de chasteté et d’obéissance.
C'était un nouveau genre de vie religieuse. Tous les
moyens classiques et traditionnels de la vie des ordres religieux étaient mis au service de la sainteté sacerdotale. La nouvelle famille religieuse n’était pas composée de moines, de frati ou de chanoines; elle était essentielle- ment un institut de prêtres pour qui la vie commune et les vœux religieux étaient le moyen adéquat d’attein- dre à la perfection de leur état. Au regard dela pauvreté, ils voulaient se différencier nettement de tous les ordres antérieurs et embrasser la pauvreté apostolique dans sa forme primitive, sans biens immobiliers, sans rentes
39 S. GAÉTAN DE THIENE 40
fixes, sans bénéfices ecclésiastiques, sans quêtes; ils vivraient des aumônes spontanément offertes par les fidèles au titre de leur service et ministère apostoliques.
L'activité des théatins était consacrée spécialement à la réforme du clergé, et ils se montraient eux-mêmes des modèles de vie sacerdotale. Leur manière de vivre inaugurée à Rome sera la même à Venise, à Naples ou ailleurs, mises à part quelques adaptations imposées par les circonstances. Ils récitent en commun l’office, de jour comme de nuit; ils s’emploient à l’étude de l’Écri- ture, de la liturgie et du droit canon, à la prédication, aux confessions, au service des pauvres et des malades; matin et soir, au signal donné, ils s’agenouillent dans leurs chambres pour faire oraison, dans le silence et le recueille- ment. Une de leurs coutumes est de lire un évangile par semaine; les quatre évangiles sont ainsi lus chaque mois. On fait grande attention à la vie commune; les offices et les charges sont répartis suivant l’âge, l'éducation, la santé de chacun, au jugement et à la prudence du supérieur. Une spéciale austérité et la soli- tude favorisent l'esprit de recueillement et de ferveur, sans gêner mais plutôt en aidant le zèle des âmes. Le ministère sacerdotal, entendu au sens le plus large, constitue l’activité extérieure.
Le genre de vie des clercs réguliers, par sa nouveauté comme par son austérité, fit beaucoup parler, tant à Rome qu’à Venise, et leur réputation s’étendit bientôt dans Italie entière et même au dehors. On appelait « théatin » tout prêtre ou tout laïc qui menait une vie de piété pro- fonde et d’austérité.
29 La Règle. — Saint Gaétan n’a pas laissé, comme l'ont fait beaucoup d’autres fondateurs, une Règle organiquement élaborée. Ce n’est qu’en 1604 que les clercs réguliers firent imprimer leurs Constitutions définitives. Certes, dès le début, existait bien un règle- ment, qu’on observait sans qu’il ait été codifié, et qui servait de norme pour la vie commune et le minis- tère sacerdotal. Ce règlement ou programme de vie, présenté à Clément vir, avait été approuvé par le bref du 24 juin 1524. Les prescriptions sommaires que conte- nait ce document furent ensuite complétées par d’autres brefs (21 janvier 1529, 7-mars 1533, etc).
L'autorisation que le pape avait donnée aux théatins de légiférer et de statuer à leur convenance pour vivre d’une manière « honnête », raisonnable et en conformité avec le droit canon, fut utilisée selon que l’exigeaient les circonstances et l'expérience. Les idées essentielles de la fondation restaient bien claires pour tous. Au milieu de 1527, Boniface dei Colli, au nom du fondateur et de ses compagnons, écrivit à l’évêque de Vérone, Jean-Mat- thieu Giberti, une lettre qui est comme le premier schéma de la Règle théatine. Dans la concision du style, ce docu- ment (publié avec une introduction par F. Andreu, RD, t. 2, 1946, p. 38-53) permet de suivre la vie des pre- miers théatins. Avant tout, puisqu'ils voulaient donner aux prêtres un exemple et une norme de vie, ils étaient particulièrement tenus à lexacte observation des lois ecclésiastiques sur lesquelles ils voulaient fonder leur Règle. Ainsi, leur profession de pauvreté s’inspirait-elle des dispositions canoniques : «non mendicando, quia id canones prohibent, sed ex oblationibus fidelium sponte oblatis ».
Dès le début, on voulut organiser une vie fondée directement sur les enseignements de l'Évangile et des Actes, qui imiterait la vie des apôtres et des clercs de VÉglise primitive, dans l'harmonie de l’action et de la
contemplation. César Baronius écrit des théatins dans ses Annotations au martyrologe romain, le 29 juin : « Pristinam illam apostolicam vivendi formam, ex integro redditam sancte pieque colunt ».
Les clers réguliers n’eurent jamais l’intention de suivre la Règle de saint Augustin, comme on l’a parfois supposé; les sources de leur Règle sont principalement les lois ecclésias- tiques et la « vita apostolica » :
Itaque ad clerum omnem redintegrandum et apostolico spiritu imbuendum noster ordo institutus est, non quidem ut aliqui putarunt, sub Augustini regula; non enim Augustino religiosa promissa facimus, sed Petrum, post Christum, pri- mum nostrum parentem praesidemque agnoscimus, ac proinde Petro ipsi apostolo vota nostra exhibemus, quae divino Numi- ni solemni formula nuncupamus (A. Caracciolo, Synopsis veterum religiosorum rituum.…., 3° éd., Paris, 1661, p. 21).
Aux Constitutions primitives on intégra peu à peu les décisions des chapitres généraux. Ces chapitres formèrent le gouvernement suprême de l’ordre jusqu’en 1588, date à laquelle fut élu le premier supérieur général en la personne de Giambattista Milani, qui devint ensuite évêque de Bergame (+ 1617).
C'est au chapitre de 1595 que furent décidés l’établissement et l'impression des Constitutions; le travail, confié à une com- mission, fut examiné dans les chapitres de 1598 et de 1601; approuvées par un bref de Clément van, le 28 juillet 1608, les Consiilutiones congregationis clericorum regularium furent publiées à Rome la même année. D’autres éditions suivirent (elles sont recensées par A. F. Vezzosi, 1 scrüttori., t. 1, Rome, 1780, p. 276-279); la dernière parut en 1948 (Constitutiones ordinis clericorum regularium), à Rome.
Les Constitutions ont été commentées par Antoine Caracciolo (Constitutiones clericorum regularium et ad eas ab antiquitate firmandas notae, Rome, 1610); l’auteur corrigea et augmenta son commentaire, publié à Paris en 1628, par les soins du car- dinal de Bérulle, sous le titre de Synopsis veterum religiosorum . rituum atque legum...; une troisième édition parut, également à Paris, en 1661. A. Pellegrino en fit aussi un commentaire dans ses Constitutiones clericorum regularium commentariis illustra- tae (Rome, 1628).
4. Activité et diffusion de l'ordre. — 1° Diffu- sion. — À la mort de saint Gaétan, les théatins ne comp- taient que les maisons de Venise, Naples et Vérone. En 1555, Paul 1v (Jean-Pierre Carafa) leur confia la maison et l’église de Saint-Sylvestre du Quirinal, ou Montecavallo, qui sera la maison généralice jusqu’au début du 19° siècle. En revanche, il rendit leur autonomie aux somasques, tandis que son successeur Pie 1rv tenta de fusionner théatins et jésuites, — les deux ordres s'étaient déjà rapprochés dans ce but en 1545.
L'ordre connut ensuite une diffusion rapide en Italie, où il comptait plus de cinquante maisons à la fin du 17° siècle (il n’y avait pas moins de six communautés théatines à Naples et autant d’églises). Hors d'Italie, la diffusion fut beaucoup plus lente : en Espagne, les maisons de Madrid (1622, 1644), d’AI- cala (1630), de Saragosse (1630), de Barcelone (1632), de Sala- manque (1683) et de Palma de Majorque (1721); en France, celle de Paris avec Péglise Sainte-Anne la Royale (1644); puis celles de Lisbonne (1648), Munich (1662), Prague, Lemberg, Varsovie et Salzbourg (1663).
20 Aciivité réformatrice. — En Italie comme dans les autres pays, les théatins poursuivent les ministères les plus divers, selon les besoins de l’Église.
L’impulsion qu’ils contribuèrent à donner à la vie de l'Église, surtout au 16e siècle, fut particulièrement sensible et -efficace, non seulement dans la rénovation de l'esprit sacerdotal du clergé diocésain mais sur l'esprit religieux des communautés, comme sur la vie ecclésiale et spirituelle des fidèles.
41 SPIRITUALITÉ DES THÉATINS 42
Un certain nombre de théatins furent directement intéressés aux débats du concile de Trente; beaucoup d’entre eux travaillèrent à en appliquer les décrets et à en diffuser l'esprit. Depuis leur fondation, les théatins avaient eu un souci particulier du culte et des livres liturgiques : e Vos religionis et divini cultus honore ac fervore succensi v, reconnaissait Clément vii dans un bref du 21 janvier 1529.
C’est dans l'esprit de Paul rv qu’ils assurèrent en bonne part la réforme du bréviaire romain, que promulgua saint Pie v en 1568; y avaient travaillé notamment le cardinal théatin Bernardin Scotti et le théatin anglais Thomas Goldwell Ÿ 1585, lequel, comme évêque de Saint-Asaph, avait eu à traiter au concile des affaires de son pays (RD, t. 4, 1948, p. 224-295), Deux théatins, Antoine Agellio, qui mourut évêque d’Acerna en 1609, et Vincent Massa f 1594 collaborèrent à l'édition grecque de la Septante et à la révision de la Vulgate et du Mar- tyrologe romain (RD, t. 4, 1948, p. 226-227; A.F. Vezzosi, I scrittori…, t. 1, p. 5-24). Dans cet effort de rénovation litur- gique et exégétique le bienheureux Joseph-Marie Tomasi (1649-1713), théatin qui mourut cardinal, se distinguera un siècle plus tard, en poursuivant ses savants travaux, disait-il, « ad orandum Deum flagrantius aeque ac fructuosius » (intro- duction à son Psallerium cum canticis versibus., Rome, 1697).
Parmi les théatins qui s’illustrèrent dans cette action réfor- matrice de l’Église, on peut signaler : le bienheureux Jean Marinoni (1490-1562), Bernardin Scotti f 1568, archevêque de Trani et cardinal, le bienheureux Paul Burali d’Arezzo f 1578, archevêque de Naples et cardinal, Jérôme Ferro + 1592, apôtre de Naples, et particulièrement saint André Avellin + 1608. Champions de la réforme, c’est aussi chez eux qu’on trouve le mieux réalisé l'idéal spirituel de saint Gaétan.
Renouveau liturgique, renouveau sacramentel, renou- |:
veau des œuvres de miséricorde et des « compagnies » de toute sorte, rien n’échappe au zèle des clercs réguliers. Le culte eucharistique et le culte marial font l’objet de leurs prédications et de leurs publications. Francesco Olimpio (1559-1639), par exemple, propage l'esclavage maria]. Le soulagement des âmes du purgatoire est également une exigence souvent rappelée.
La rénovation ou le soutien des congrégations fémi- nines prend chez les théatins un visage particulier. En effet, la congrégation théatine de l’Immaculée Concep- tion et les religieuses de l’Ermitage fondées respec- tivement en 1583 et en 1617 sont placées sous la direction des théatins par la fondatrice Ursule Benincasa (1547- 4618). Voir sa notice, DS, t. 1, col. 1367-1369, et F. Andreu, L’abitino ceruleo dell” Immacolate, RD, t. 10, 1954, p. 97-114.
Sur Jean Marinoni, voir dans Regnum Dei, t. 18, 1962 GC. Linari, I! Beato Giovanni Marinont (Profilo), p. 7-46; — F. Andreu, Lettere e scritti…, p. 47-121; La spiritualità del Beato.., p. 122-141; — B. Mas, Bibliografia del Beato.., p. 210- 236.
B. Mas, El P. Bernardino Scotti y la legaciôn de Paulo ini a Carlos v en 1548, RD, t. 3, 1947, p. 181-203.
F. Molinari, I! card. teatino Paolo Burali e la riforma triden- tina a Piacenza, coll. Analecta gregoriana 87, Rome, 1957; S. Carlo Borromeo e il Beato Card. Paolo Burali d'Arezzo, RD, 4.13, 1957, p. 3-23; Lettere inedite del B. Paolo Burali a S. Carlo Borromeo, p. 155-179, 208-233; Lettere inedite di S. Carlo Borro- meo al B. Paolo, t. 15, 1959, p. 3-18; 11 Beato Paolo Bural, cardinale teatino, e le origini del seminario di Piacenza, t. 16, 1960, p. 144-199.
R. de Maio, Un riformatore teatino nel cinquecento, Girolamo Ferro (1528-1592), RD, t. 16, 1960, p. 3-58.
Voir spécialement dans les Commentarii de S. Andrea Avel- lino, C. R., RD, t. 14, 1958 : B. Mas, La espirituolidad de S. Andrés Avelino, p. 85-159; — F. Androu, Seritti inediti…, p. 160-190; — B. Mas, Bibliografia…., p. 303-361; — F. Moli-
nari, S. Andrea Avellino a Piacenzu, p. 191-214, rapports d'André Avellin, supérieur de la maison des théatins et direc- teur spirituel au séminaire, avec l’archevêque Paolo Burali.
Sur l’œuvre du cardinal Tomasi, voir RD, t. 9, 1949 : le «li- turgiste », par F. Pottino (p. 153-173), le « bibliste », par M. Tucchi {p. 174-214), Spiritualià del B. Tomasi, par F. Andreu {p. 215-275), 11 B. Tomasi e la teologia storica, par F. Andreu {p. 276-290), et la Bibliografia tomasina (p. 291-338).
30 Missions. — Les théatins ne manquèrent pas de travailler dans les missions. Michel Ghislieri + 1646 participe activement, avec Jean-Baptiste Vivès + 1632, à la fondation du collège de la Propagande à Rome (1627); Urbain vux en confia aux théatins la direction ainsi que la formation des élèves; le premier recteur théatin fut Marc Romano + 1649, qui fut nommé évêque de Ruvo en 1645.
En 1626, Pierre Avitabile + 4650 guida, comme préfet apostolique, les—premiers missionnaires théatins en Géorgie orientale (1626), d’où ensuite ils gagnèrent l'Ibérie, la Mingrélie et la Géorgie occidentale. Ils fondèrent une. mission à Goa en 1640 et de là passèrent en d’autres régions (Golconde, côte de Coromandel, etc). Antoine Ventimiglia + 1693 évangélisa Bornéo; d’autres théatins allèrent jusqu’à Sumatra, Méliapour et Manille. Ils travaillèrent à Lemberg à l’union des arméniens avec
‘l'Église romaine, tandis que les théatins Clément Galano
+ 1666 et Louis Pidou de Saint-Olon + 1717, évêque de Babylone, s’y employaient en Orient.
4° Restauration de l’ordre. — La décadence de la congrégation dès la fin du 18e siècle et pendant tout le 19 est due aux circonstances. La personnalité de Joachim Ventura (1792-1861) domine la vie théatine au 49e siècle. En 1909, il ne restait que quelques maisons en Îtalie; c’est alors que saint Pie x protégea efficace- ment la restauration de l’ordre, en lui agrégeant la congrégation espagnole de la Sainte-Famille, qui reprit son autonomie en 1914, et une congrégation diocésaine de Majorque placée sous le patronage de saint Alphonse
.de Liguori.
B. Ferro, Jstoria delle missioni de’ Cherici regolari teatini, 2 vol., Rome, 1704-1705. — C. de Rosa, I teatini e le origini del Collegio Urbano di Propaganda Fide, RD, t. 4, 1948, p. 277- 304 — F. Andreu, Carteggio inedito di Pietro della Valle col P. Avitabile e i missionari teatini della Georgia, RD, t. 6, 1950, p. 57-99; t. 7, 1951, p. 19-50, 118-138. — B. Mas, J teatini e l'unione degli Armeni di Leopoli con la Santa Sede, RD, t. 7, 1951, p. 154-163. — Sur L. Pidou, voir G. Petrowicz, L'unione degli Armeni di Polonia con la Santa Sede (1626-1686), Rome, 1950, et R. Darricau, RD, t. 14, 1958, p. 14-58.
Sur Joachim Ventura (1792- 1861), voir RD, t. 17, 49 et 20, 1961, 1963 et 1964.
B. Mas, 7 capitoli generali dei teatini durante l'invasione napoleonica (1786-1821), RD, t. 8, 1952, p. 69-81. — F. Andreu, Pio x e l’ordine teatino, RD, t. 7, 1951, p. 61-63.
5. Spiritualité. — La spiritualité des théatins est « cléricale », « régulière » et apostolique.
49 Spiritualité « cléricale ». — Ce caractère en est la note distinctive et comme naturelle. Gaétan et ses premiers compagnons sont prêtres; leurs études, leurs charges, leurs exercices relèvent de l’état clérical; la fondation elle-même est une réaction contre Je relâ- chement et la décadence des mœurs du clergé; les pre- miers théatins désirent y remédier par une vie sacer- dotale vraiment exemplaire.
Les théatins sont ainsi un ordre csitialenent clérical; leur spiritualité est avant tout sacerdotale : c’est par la rénovation intérieure et la réforme indivi-
43 S. GAÉTAN DE THIENE 44
duelle que le prêtre est amené à vivre selon la sainteté de sa vocation. Gaétan concevait la recherche de la perfection comme une preuve de fidélité à la vocation sacerdotale. Il inculque à ses fils et leur laisse en héritage spirituel son culte ardent de l’eucharistie et de la Vierge, son apostolat en faveur de la communion fréquente, sa ferveur dans la célébration de la messe, son zèle pour le ministère des confessions et de la direction spirituelle, pour la digne récitation de l'office choral et pour la splendeur des églises et des cérémonies. Le fondateur et les premiers théatins attirent lPattention sur les caractères essentiels et permanents de la spiritualité sacerdotale à une époque et dans un climat qui les négligeaient,.
20 Spiritualité « régulière +. — L'institution des clercs réguliers avait pour but de mettre les éléments carac- téristiques de la vie religieuse au service de la sainteté sacerdotale. La profession des vœux religieux et l’obser- vance d’une Règle commune étaient comprises comme le moyen le plus efficace pour maintenir, fortifier et pro- mouvoir l’état sacerdotal. La spiritualité monastique, entendue comme une recherche de la perfection, s’accor- dait ainsi pleinement avec le caractère du ministère sacerdotal, tout entier tourné vers le prochain.
Dans l'esprit de la vie régulière, l’ascétisme théatin, qui vise avant tout la réforme et le renouveau intérieurs, organise avec méthode et résolution le combat spirituel. Plus qu’un exercice et des pratiques de piété et de péni- tence, — qui conservent au demeurant leur place et leur valeur —, la spiritualité théatine exige ce renouvel- lement : « pureté du cœur, garde des sens, docilité aux aspirations de la grâce » (Compendium, dans Lettere, p. 410). Cette formation de l’homme intérieur tient compte des moyens classiques de l’ascétisme. L’austérité est une des constantes de la vie des clercs réguliers. Le fruit et la synthèse de cet esprit, qu’on rencontre si vivant chez les théatins et dans les divers mouvements spirituels du 16e siècle, en sont donnés dans J{ combatti- mento spirituale (Venise, 1589) de Laurent Scupoli.
80 Spiritualité apostolique. — Le premier chapitre des Constitutions déclare qu’une des fins de l’ordre est : « clericalem vitam ducere et instaurare in Ecclesia Dei primitivam apostolicae vitae normam, quae inserviat tamquam typus et exemplar ecclesiasticis ». Gaétan et ses clercs voulaient s'inspirer, dans leur manière de vivre et d’agir, des exemples du Christ et des apôtres. La lecture assidue et l'interprétation quasi littérale, « sine glossa », de l'Évangile tendaient à graver plus profondément dans leurs esprits le programme de perfec- tion évangélique qu’ils voulaient réaliser : renonciation à tous les biens temporels, détachement dans la paix et la tranquillité intérieure, fondées sur la confiance filiale en la divine Providence. L’accord entre la vie apostolique du prêtre et la vie « régulière » apparaît à Gaétan et à ses compagnons fort simple si l’on contemple le Christ et ses premiers disciples : la « vita apostolica » devenait une exigence de la vie sacerdotale.
Le second article des Constitutions ajoute que l’obéis- sance et la charité doivent diriger et animer la vie apostolique sous ses multiples formes : 4 Nulla functio, aullum opus, aut ecclesiasticum ministerium dici potest speciali modo ad nos pertinere, quia ordo noster praedicta omnia aequaliter amplectitur; igitur debemus considerare tamquam propriam status nostri quamlibet functionem, opus, aut ecclesiasticum ministerium, ” praecipue si ad haec nos impellat obedientia aut charitas ».
La spiritualité sacerdotale des théatins et leur esprit réformateur, leur ascèse comme leur zèle des âmes demeureront les caractéristiques des instituts ds clercs réguliers qui naissent à leur suite au 16e siècle (jésuites, barnabites, somasques, etc).
6. Auteurs spirituels. — Les auteurs théatins qui ont eu ou auront une notice individuelle dans le DS sont ici simplement mentionnés. :
Consulter : G.B. Castaido Pescara, Vita del santissimo pontefice Paolo 1v, fondatore della religione de’ cherici regolari, e Memorie d’altri cinquanta celebri padri, che in essa fiori- rono il secolo passato…., Rome, 1615. — B. Destutt de Tracy, Vies des saints et bienheureux de la congrégation des théatirs, Paris, 1774. — A. F. Vezzosi, I scrittori de’ cherici regolari, detti teatint, 2 vol., Rome, 1780.
Pierre Foscarini + 1551, Dialogus de vita contempla- tiva, ms perdu. — Ignace Poggiuolo + 1593 : Della fuga de’ virtuosi, 3 vol., Naples, 1668; Speculum humanae salutis, Tyrocinium ecclesiasticum, Clypeus christiani certaminis, mss. — Marcel Tolosa + 1596, Delizie spiri-. tuali dell anima contemplante ed innamorata. del suo dilettissimo sposo Gest Crisio, Venise, 1618. —— Jean. Peña 1599, Jtinerario della perfezione cristiana, Florence, 4607; Palerme, 1614; trad. italienne d’un ouvrage composé en espagnol.
S. André Avellin + 1608. DS, t. 1, col. 551-554; supra, col. 41. — Laurent Scupoli + 4610. — Louis Persi- chelli 1619, Convito spirituale. per incitare ogni cristiano a frequentare la santissima comunione, Crémone, 4620. — Jean-Baptiste Magnavacca + 1623 : L’agricol- tura sptrituale, Venise, 1617; Agricoltura spirituale, nella quale s’insegna il modo di spiantare à vizi e piantare le virtà, Rome, 1643; Dolcezze soavissime apprestate in varie forme per destare la fame negli animi dei fedeli verso il Santissimo Sacramento, Venise, 1615 ; La mensa sacra, overo apparecchio per la santa comunione distinto in soliloqui per ciascheduna settimana, Venise, 1618. — Paul-Marie Ardizzoni + 1628, Meditaziont intorno alla vita e passione di N. Signore Gesù Cristo, Vérone, 1642. — Jacques Pisanelli + 1629, Compendio dell’ arte di servire a Dio, Rome, anonyme, sans date. — Placide Frangipane Mirto +1636, napolitain, célèbre prédicateur en Espagne, Blasones de la Virgen, Saragosse, 1635; trad. italienne, Venise, 4636. — François Olimpio + 1639: Breve eser- cizio da farsi da quelli li quali vivono sotito il titolo di schiavi incatenati della Madre di Dio, Palerme, 4627; Coroncina della B. Vergine Maria e modo di praticarla, Naples, s d; Lettres inédites.
Jean-Antoine Angrisani + 1640, supérieur général (1607-1612) et archevêque de Sorrente : Affetti che deve avere l’anima innamorata di Dio, Venise 1617, 1666; ÆEsercizi spirituali intorno alla passione di Nostro Signore, Rome, 1647; Venise, 1666. — Onuphre Amfora + 1640, supérieur général (1639), Esercizi spirituali, Naples, anonyme, s d. — Christophe Castelli, t ap. 1642, mission- naire en Géorgie, publie en géorgien des Méditations sur la passion du Christ et Les tendresses de l’amour divin. — Paul Aresi 1644, évêque de Tortone. DS, t. 1, col. 842. — Augustin Capecelatro, Monte santo di Dio, o sia pratica dell’ orazione mentale, Naples, 1645. — Michel Ghislieri F 1646. DS, t. 6, col. 350. — Benoît Mandina + 1646, évêque de Tropea : Æzxpositiones in primum Jeremiae prophetae caput, Naples, 1620; In evangelia quadragesimae commentarii, Naples, 1632; Il sacro convito, Naples, 1638. — Michel Musco T 1647, Il regolare, overo. della perfezione religiosa, Venise,
45 AUTEURS SPIRITUELS THÉATINS 46
1628. — Paul Barisont + 1648, Dell’ uso frequente del eucaristia, Padoue, 1625, 1643; Naples, 1631. — Louis Novarino + 1650.
François-Marie del Monaco + 1651, fondateur de la maison de Paris, Thienaeus sive evangelicae paupertatis characteres, Rome, 1644. — Jean-Baptiste Castaldo t 1653 : Vies d'André Avellin, Naples, 1609, 1613, 1627; de Gaétan de Thiene, 1612; de Jean Marinoni, 1616, 1627; de Paul 1v, 1615, 1618; Esercizio di virtu in honore e sotto la protezione della beatissima Vergine della Purità, Naples, 1633. — Joseph-Marie Ambrogi : Faretra evangelica intessuta di dichiaraziont letterali, ornata di spirituali documenti, e ripiena d’affetti ed aspirazioni giaculatorie, formate dalle parole e sensi mistici dei Vangeli correnti dell’anno, 2 vol., Florence, 1652; 3e vol., Venise, 1644; Pratica di conformità al divin volere, Florence, 1654. — Théodore Martinelli : Breve maniera di conoscere la vera devozione a Maria Vergine, Ravenne, 4640; Trattato della devozione verso la Beata Vergine, Ravenne, 1653.
Jean-Baptiste Caracciolo + 1656 Ragionamenti spirituali sopra gli evangeli delle domeniche, 6 vol. Rome, 1639, 1641; Naples, 1642, 1644, 1649, 1650: Delle virtü in genere, della loro bellezza, varietà e connes- stone, utilissime istruzioni, Naples, 1650; Trattato della passione del Nostro Signor Gesù Cristo, Naples, 1652; Della devozione e dell orazione, Naples, 1656. — Vincent Giliberti + 1656, supérieur général (1621-1627). DS, t. 6, col. 378. — Jérôme Coppola + 1656 : Maria sempre Vergine incoronata di varii privilegii, Venise, 1644; Dei privilegit di Maria, sermoni, 2 vol., Naples, 1649; La purità di Maria Madre di Dio spiegata con discorsi, Naples, 1649. — Hilaire Niquese + 1656, espagnol vivant en Italie : Zdea della Croce del Signore, overo riforma del nostr” huomo interiore ed esteriore.., Naples, 4613; 2€ partie, Discorsi morali intorno alla imitazione del sacro corpo del Crocifisso.…., Venise, 1623.
Vincent Uguccioni : Mansiont o spirituali esercizi per la novena al Natale…., Florence, 1637; Modo breve, facile ed utile di orare…, Crocifisso…, Florence, 1657. —— Joseph Geloso + 1657 : I celesti tesori delle incomparabili grandezze di San Giuseppe, Palerme, 1636; Discorsi quaresimali. Ragio- namenti… sopra la morte e passione di Cristo e sopra i soprani lodamenti della gran Madre di Dio, 2 vol., Palerme, 4644; Santorale, discorsi de’ sovrani lodamenti di Cristo, delle eccellenze della Vergine…, de’ santi, 2 vol., Venise- Palerme, 1650-1655. — Théodose Valvassori + 1659 : Ammaestramenti per comunicarsi devotamente, Padoue, 4627; Porta della penitenza per introdurre il peccatore a Dio e in esso conservarsi, Padoue, 1658. — Jean-Marie Vincenti 1665 : Quaresimale, 2 vol., Venise, 1657-1658; Il Messia venuto, 2 vol., Venise, 1659.
Emmanuel Calascibetta 11673: Enseñanzas espirituales J
para el mayor provecho de las almas, Madrid, 1648, 1663; La oraciôn jaculatoria, Madrid, 1648. — Charles Tomasi + 1675, oncle du bienheureux Joseph Tomasi. —
Jean-Baptiste Pasquale + 1679 : L’anima orante. Pratica per lorazione mentale, per la via purgativa…., 3 vol. Milan, 1664, 1669; Scutum inerpugnabile fidei et confi- dentiae in Deum, vel in potentissimum nomen Jesu…, Milan, 4673 (à llndex, 1674). — Gaétan Perletti : Stimoli alla frequente rinnovazione dei voti, Parme, 1679; Compendio della mistica teologia, Parme, 1680; Ghirlanda spirituale intrecciata di varie devozioni per far bene le aziont del giorno, Parme. — Charles de Palma + 1682, évèque de Pouzzoles : Instruzione per l’educazione de’
Mariale, ovvero
Florence, 1654; L’amor del.
novizi nella religione de’ cherici regolari, Rome, 1658; Venise, 14716; prépare et dirige une édition du Combat-. timento spirituale de L. Scupoli, Rome, 1657. — Joseph- Marie Maraviglia + 1684, supérieur général (1665), évêque de Novare (1667) : ZLeges doctrinae e sanctis Pairibus excerpiae ad animam spiritualiter erudiendam, Venise, 1660; Summae sanctitatis characteres, Venise, 4667; Leges prudentiae spiritualis, Venise, 14667; Novare, 1680; Ammaestramenti del clero, Milan, 1673, 1680, 1684; Ammaestramentt dell’ anima cristiana, Novare, 1675; Milan, 1682. — François-Marie Maggio + 1686. — Philippe Fittipaldi T 1693 : Rose eucharistiche, overo sacre meditazioni sopra à sacrosanti misteri del santissimo rosario e del sacramento dell’ altare…, Naples, 1668; Esercizio spirituale sopra Cristo. appassionato, Naples, 4678. — Bernard Finetti + 1689. DS, t. 5, col. 355. — Thomas Sersale, supérieur général, Ragionamenti divoti e fruttuosi detti a monache, e meditazioni…. nel tempo. degli esercizi spirituali.…, Naples, 1690, 1857. Paul Botti + 1696 : Giornata spirituale, nella quale si consacrano a Dio tutte le nostre operazioni, Padoue, 1647, 1663; La donna di poche parole, Padoue, 1661, 1663; L’ajo de’ cristiani fanciulli che si portano a comunicare la prima volta, Padoue, 1661; L’ore dalla monaca bene spese, Padoue, 1671; Venise, 1683, 1741; II parlare al: cuore. Brevi discorsti diversi e fruttuosi per le domeniche.., Padoue, 1672; Venise, 1682; I! parlar alle grate. Discorsi alle Reverende Monache morali e spirituali sopra gl evangeli dell’ Avvento e della Quaresima, Venise, 1678, 41688. — Jean-Baptiste Dadiece + 1696. DS, t. 3, col. 1-2. — Thomas Sommi T 1699, prédicateur marial : Il Mondo nuovo e guerriere… in onore della maternità di Maria Vergine…, Rome, 1656, 1667; Le seite trombe, ovvero sette prediche per la publicazione delle... prero- gative di Maria, Rome, 1682; Panegirici recitati in varie solennità di Maria, Rome, 1685; Prediche annu- ali, 2 vol., Rome, 1656-1658; Avvento del Signore…., Rome, 1660; JL divoto assistente agl infermi e a’ mori-
-bondi.…, Rome, 1684, 1685, 1691. — Hippolyte Falcone
+ 1699 : Narciso al fonte, cioè l’uomo che si specchia.nella propria miseria, 2 vol., Palerme, 1664-1665, 1668; Messine, 1671; Venise, 4702: trad. latine, Narcissus ad fontem.., Augsbourg, 4702; La granadiglia del Calvario, cioè la passione di Gesùû Cristo, Palerme, 1694; etc.
Jérôme Meazza + 1706 : Ore di sollievo per gli esercisi spirituali di un’ anima religiosa, Milan, 1678, 1685; Arse- nale divoto…., Milan, 1678; Magister novitiorum regula-- rium, Milan, 1688; Instruzione facile e breve per occuparsi nell’ orazione mentale, Milan, 1695; etc. — Thomas: Bequeman, portugais : publie en portugais une Doctrine brève et facile, avec la pratique pour arriver rapidement au plus haut degré de la perfection, Lisbonne, 1707; et une trad. du Combaïtimento spirituale de L. Scupoli,. Lisbonne, 1697, 1707. — Alexis du Buc + 1709. DS, t. 3, col. 4747.
Gaétan-Félix Verani + 1713 : De humanis affectibus ciendis et coercendis opus. moribus corrigendis, vitiis amovendis, virtutibus promovendis, pietati fovendae, amoliendae impietati accommodatum, 3 vol., Munich, 4740. — Bx Joseph-Marie Tomasi + 1713. Supra, col. &1. — Joseph-Gaétan Anguissola + 1716, Modo pratico: per abituarsi nella profittevole memoria della passione di. Gesü e di Maria, Naples, 1716. — Félix Fossa, prédica- teur, publia en allemand à Augsbourg : Spirituale cam-.. panarium salisburgense, quo anima... ad poenitentiam: pirtutemque colendam excitatur, 1707; Inexhausta divini Verbi aurifodina.…., 1709; Teatinus infirmis assistens…, .
47 S. GAÉTAN DE THIENE — GAÉTAN-MARIE DE BERGAME 48
1710 (en allemand, italien et latin); Spirituale pabulum animae in singulas anni dies, 4 vol., 1714; « Instructions pour le choix d’un état de vie, avec des Exercices spiri- tuels de dix jours », 1715. — Jean-André Capra + 1925 : Lume dell’ anima per disporsi alle nozze con Gesù Cristo nel! ingresso alla religione, e nello stato religioso per imparare dal Crocefisso le virtu, 2 vol., Parme, 1712; Meditazioni sopra la passione del Signore, Parme, 1712. — Bernard de Champmolin ou de Varenne + 1729, Essais des motifs particuliers de la reconnoissance chré- tienne, Paris, 1700, que l’auteur donne comme une adaptation des Deliciae divini amoris (Lyon, 1641) de Louis Novarini + 1650.
Gaétan Alessandri + 1730, Confessarius monialium commoda, brevi et practica methodo instructus, circa earum obligationes, privilegia et cetera fere omnia ad hanc materiam spectantia, Venise, 1706, 1713, 1720; Vérone, 1725; etc. — Gaspard de Oliden + 1740, Didlo- gos del purgatorio, Alcala, 1732; cf RD, t. 4, 1948, p. 144-153. — Jean-Baptiste Barziza t 1741 : Pius amor inter lilia et jacula modulatus, Vérone, 1723; Le Quarantore di orazione…. tratte da simboli della divina Scrittura…, Vérone, 1729; La vera Vite, cioè l’amor di Gesù nel” augustissimo Sacramento corrisposto dagli affetti di chi degnamente si comunica, Mantoue, 1730; etc. — Gaétan-M. Neuburg + 1751, bavaroïis, publia en aïlemand : à Munich, « La religieuse parfaite », 1700; à Augsbourg, plusieurs volumes de sermons : Horolo- gium spirituale, 1712; Spiritualis corona stellarum.., 17948; Gloria sanctorum triumphus, 1729; Lux evange- lica, 1729. — Jean-François Boyer + 1755, évêque de Mirepoix, Instruction pour l'éducation des novices, ms. Cf R. Darricau, RD, t. 15, 1959, p. 19-68. — Claude Velles + 1765, Traité de la simplicité de la foy, Paris, 1733. — Dominique Bomben + 1767 : Pratico e vero modo di assistere agl’ infermi e confortare i moribondi a ben morire, Padoue, 1757. — Michel Marchisio + 1769 : Indirizzo spirituale del cristiano, Turin, 1758, 1761, 1775; Parafrasi dei sette salmi penitenziali con alcune riflessioni morali, Turin, 1765; trad. française, Turin, 1768.
Ignace-Louis Bianchi, t ap. 1770 : Instruzione per le giovani educande nei monasteri, Palerme, 1734; Esercizi spirituali ad uso delle monache e sacre vergini sotto la direzione dei Padri teatini, Venise, 1752,1761; Metodo per l’orazione mentale, Vérone, 1749. — Jean von Edel- sweck + 1773. En allemand : Vie de saint Gaétan (Munich, 1754), de S. André Avellin (1767), du Bx Jean Marinoni (1764), du Bx Paul Burali (1773); Pensées sur la vie de Jésus-Christ (Munich, 1755), Livre d'instructions pour la congrégation des dames (Munich, 1767), le Combat spirituel (Vienne, 1768, 1773). = Bonaventure Hort- man, t ap. 1776 : La monaca in ritiro con Gest Cristo, Venise, 1771; Instruziont pratiche alla spose del Croce- fisso per divenire perfette e sante, Venise, 1773. — Bar- thélemy Carrara + 1778, Del rispetto alla santissima comunione, Venise, 1743. — Bernard Destutt de Tracy + 1786.
Joachim Ventura ? 1861. — Pierre Capo Llinas 71872, Reforma del Cristi& per medi de la oracié mental, Palma, 1856. — François-Marie Cirino + 1892, supérieur général, consulteur de la congrégation des Rites : De S. Josepho universae Ecclesiae patrono edicendo votum theologico-liturgico-juridicum (1870), dans Analecta eccle- siastica, t. 1, 1893, et RD, t. 10, 1954, p. 17-76 (donne aussi d’autres documents de Cirino sur le culte dù à saint Joseph).
1. Sources de l'histoire del’ordre. —— Les principale sources mss se trouvent à l’Archivio generale des théatins à Rome, à la Biblioteca nazionale de Naples (fonds S. Mar- tino) où sont recueillis les mss des diverses maisons de théatins de Naples (cf C. Padiglione, La Biblioteca del Museo Nazio- nale.. ed 1 suoi manoscritti, Naples, 1876), à l’Archivio di Stato de Naples (mss des monastères supprimés : S. Paolo Mag- giore).
G. B. Del Tufo, Historia della religione de’ Padri chierici regolari, Rome, 1609; Supplemento…, 1614. — J. Silos, His- toriae clericorum regularium a congregatione condiia, 3 parties, Rome, 1650, 1655, et Palerme, 1666; Auctarium historiarum clericorum regularium ab anno 1653 ad 1671, ms 105, Archives des théatins. — Sources de renseignements, les premières biographies de Gaétan de Thiene, et celles de Paul 1v par À. Caracciolo et G.B. Castaldo, supra, col. 36-37.
2. Travaux généraux. — G. Moroni, art. Teatini, dans Dizionario di erudizione storico-ecclesiastica, t. 73, Venise, 1855, p. 109-148. — K. Andreu, I teatini, dans M. Escobar, Ordini e congregaziont religiose, t. 1, Turin, 1951, p. 567-607.
8. Fondation et histoire au 16° siècle. — P, Paschini, S. Gaetano Thiene, Gian Pietro Carafa e le origini dei chierici regolari teatini, Rome, 1926. — A. Cistellini, Figure della riforma pretridentina, Brescia, 1948. — G. Kaminski, Marc- antonio Flaminio ed à chierici regolari, RD, t. 2, 1946, p. 5-18. — B. Carderi, J teatini e l’ordine domenicano, RD, t. 3, 1947, p. 435-141. — C. Linari, Contributo dell’ ordine teatino al concilio di Trento, RD, t. 4, 1948, p. 203-229. — A. Veny Ballester, San Ignacio de Loyola y el papa teatino Paulo 1v, RD, t. 4, 4948, p. 115-120; Sentido y valoraciôn de la reforma teatina, p. 238-251; Los clérigos regulares por la sagrada liturgia, RD, t. 6, 1950, p. 29-52; S. Jgnacio de Loyola y el retorno de los clérigos regulares «a Roma, RD, t. 9, 1953, p. 18-25. — P. Letu- ria, 1! papa Paolo 1v e la fondasione del collegio romano, RD, t. 10, 1954, p. 3-16. — G. Llompart, Los clérigos regulares a mediados del siglo xv1, RD, t. 16, 1960, p. 59-77; t. 18, 1962, p. 196-209. — G. Pighi, Gian Matteo Giberti, Vérone, 4924. — M. Dortel-Claudot, Le genre de vie extérieur des clercs réguliers et de la compagnie de Jésus, coll. Analecta . gregoriana, Rome, 1966.
4. Diffusion de l'ordre. — B. de Tracy, Remarques sur l’établissement des théatins en France et sur toutes les mai- sons de la même congrégation établies en Espagne, en Portugal, en Allemagne et en Pologne, avec des notes sur l'institut dit des théatines, 1755. — F. Andreu, Los teatinos en Mallorca, RD, t. 1, 1985, p. 18-47, 73-97, 133-161, et J. Prohéns, t. &, 1948, p. 121-171. — J. Adrover, I teatini in Monaco di Ba- viera, RD, t. 8, 1952, p. 53-68, 111-124; t. 9, 4953, p. 3-17, 89- 424. — R. Darricau, Les clercs réguliers théatins à Paris, Sainte-Anne-la-Royale (1644-1793), RD, t. 10-15, 1954-1959, et tirage à part. — V. Porta, 1 teatini a Vicenza, RD, t. 16, 1960, p. 85-143. . |
5. Règle et spiritualité. — F. Andreu, La Regola dei
| chierici regolari nella lettera di Bonifacio de’ Colli a Gian Mat-
teo Giberti, RD, t. 2, 1948, p. 38-53; I teatini e la schiavitt mariana, RD, t. 8, 1952, p. 5-20; De obligatione chori in ordine clericorum regularium, RD, t. 10, 1954, p. 83-96. — B. Mas, La carta del P. Bernardino Scotti al capitulo general de 1539, RD, t. 3, 1947, p. 193-203; La spiritualità teatina, RD, t. 7, 1951, p. 3-18, 64-88, 181-204.
Bartolomeo Mas.
GAÉTAN-MARIE DE BERGAME, capucin
italien, 1672-1753. — 4. Vie. — 2. Oeuvres. — 8. Doctrine. / 4. Vie. — Marc Migliorini naquit à Bergame le.
25 février 1672 (non le 24 ou le 27; registres paroissiaux de S. Michele dell’Arco à Bergame). Il suivit les cours de philosophie et de droit (docteur in utroque jure), puis, après avoir commencé la théologie, Marc entra chez les capucins le 3 mai 1691, où il reçut le nom de Gaétan- Marie. 41 fut ordonné prêtre probablement en 1697.
49 GAÉTAN-MARIE DE BERGAME 50
De 1701 à 1722, il s’adonna assidûment à la prédication, surtout aux missions populaires. Gravement atteint en 1722, il dut à peu près entièrement y renoncer. Dès lors, il se consacra à la composition de ses ouvrages et à la direction spirituelle. 11 acquit l'estime de beaucoup de prélats et de personnes cultivées avec lesquelles il correspondait; cette correspondance est aujourd’hui perdue. Gaétan-Marie mourut à Bergame le 10 sep- tembre 1753.
2. Oeuvres. — L'ensemble des ouvrages de Gaétan le range parmi les écrivains spirituels les plus abondants. Cette production connut de nombreuses éditions et traductions, 397 en tout. Il] n’est pas nécessaire d’en présenter ici la liste. Ce travail a été fait selon les exi- gences de la critique par Ilarino da Milano, et la physio- nomie spirituelle de Gaétan a été présentée dans l'excellente biographie de Metodio da Nembro. Pour offrir une vue d'ensemble de cette littérature, groupons- la sous trois chefs qui recouvrent en quelque manière les lignes fondamentales de la spiritualité.
49 Oeuvres qui concernent le Christ et la Vierge. — Une des premières dans le temps et par son importance s'intitule Pensieri ed affetti sopra la passione di Gest Cristo per ogni giorno dell’anno {2 vol., Bergame, 1733). Ces trois cent soixante-trois méditations voudraient offrir un « commentaire littéral, moral et mystique » du récit évangélique pour le « ruminer » tous les jours, selon la méthode traditionnelle des trois puissances. La valeur du livre et l’accueil qu’il rencontra sont mani- festes : 43 éditions italiennes, 8 traductions françaises (Pensées et affections sur la passion, en 2 ou 3 vol. 1966 et svv), 4 espagnoles, 2 néerlandaises, 1 anglaise, portugaise et allemande.
Gaétan-Marie composa d’autres méditations sur les mystères du Christ, qui obtinrent un succès flatteur, bien que moindre : Pensieri ed affetti sopra à misteri ed altre feste occorrenti per l’anno (Bergame, 1741, 12 éditions; une traduction espagnole et une française, Pensées et affections sur les mystères, 2 vol., Paris, 1878). Sur le mystère eucharistique, signalons : Spie- gazione delle preci e cerimonie della messa, que nous reverrons plus loin; L’Ora santamente impiegata d’avanti al santissimo Sagramento (Milan, 1725, 9 éditions; 1 traduction espagnole). La neuvaine à sainte Claire pourrait être considérée comme un opuscule eucharistique, tant les divers aspects de la vie de la sainte sont présentés dans leurs rapports avec l’eucharistie : Novena ad onore della vergine #. Chiara (Bergame, 1746, 5 éditions). -
Les ouvrages en l’honneur de la Vierge ont un but pratique et dévotionnel; mais ils soulignent toujours lune ou l’autre caractéristique de la spiritualité de Gaétan. +
La Vierge Marie est un modèle de foi {La virtù della fede praticata dalla beatissima Vergine Maria e proposta alla imi- tazione de’ suoi divoti, Bergame, 1745, 4 éditions) et d’humilité, comme on le voit dans le traité de « l’humilité du cœur ». Il convient surtout de rappeler deux livres riches en doctrine et en piété, proposés pour la méditation des douleurs et des joies de Marie : Maria Vergine compatita ne’ suoi dolori (Bergame, 1736, 7 éditions, 4 traduction néerlandaise); Seite ailegrezze della beatissima Vergine Maria esposte in sette medi- tazioni col di lei cantico Magnificat (Padoue, 1748, 3 éditions).
29 Gaétan étudie et considère les vertus comme des moyéns indispensables de lascèse chrétienne. Sa pro-
duction littéraire à cet égard est importante en qualité.
. comme en quantité. Trois ouvrages concernent l'humilité : 1) L’umiltà del
cuore ideata in pensieri ed affetti ad eccitarne la pratica (Bergame, 1726, 42 éditions; 4 traductions néerlan- daïses; 1 anglaise, par le cardinal Herbert Vaughan, Humility of heart, Westminster, 1905; 1 portugaise, espagnole, allemande et française, L’humilité du cœur, Chambéry, 1911). Gaétan voudrait faire comprendre (introduction) « l’idée de la vraie humilité, son excel- lence, sa nécessité, son utilité et son importance; de manière que le lecteur, s’il est séduit par elle et s’il entreprend avec ferveur de s’y exercer en son cœur, puisse dans les occasions la pratiquer encore plus aisé- ment dans ses actions ». 2) Motivi di eccitamento al’ umiltà del cuore (Padoue, 1749, 3 éditions). 3) Due pratiche di umiltà ad isfuggire il tremendo giudizio d'Iddio (Brescia, 1750, 6 éditions), qui consistent à « ne pas juger les autres » et plutôt à « nous juger nous- mêmes ». Au même sujet se rapporte 2! Miserere esposto in pensieri ed affetti di umiltà e penitenza (Bergame, 1727, 15 éditions; 4 traduction espagnole, allemande).
On peut rapprocher de ces ouvrages sur l’humilité
La fraterna carità ideata in riflessioni sacre e morali
(Bergame, 1728, 12 éditions italiennes; 2 traductions néerlandaises et françaises, La charité fraternelle, Tour- nai, 4854, et Chambéry, 1914, et 1 portugaise et espa- gnole).
Gaétan composa également sur les vertus un traité de philo- sophie morale qui fut accueilli comme « une des plus belles, une des plus utiles et une des plus nécessaires œuvres morales » (Novelle della repubblica letteraria, 1752, p. 65) : Le quattro virtà cardinali. con le virtù annesse e co’ vizi opposti, esposte a lumi della ragione e della fede (Venise, 1752, 5 éditions; 1 traduction néerlandaise). Dans le même dessein, il entreprit un travail sur les vertus théologales, que la mort ne lui permit pas d’achever : Le teologali virtù.…. con le virtù annesse e co eizi opposti (posthume, dans les Opere, t. 11, 1729). Il composa aussi des Atti pratici di fede, speranza e amor di Dio (Venise, s d), et La virtù della speranza (Padoue, 1746), qui est une sorte de commentaire du Pater.
3° Obligations morales et devoir d'état. — Dans ses œuvres qui regardent davantage les obligations morales et spirituelles de groupes particuliers de chrétiens, de prêtres et surtout de religieux, on rencontre beaucoup d’allusions autobiographiques, car Gaétan proclame la nécessité de vivre l’ascèse. II se préoccupe avant tout de la formation spirituelle du clergé.
« Le salut et la perfection des fidèles dépendent en grande partie de la sainteté des prêtres », répète-t-il. Il compose un traité pour le choix d’un état de vie, destiné tout autant à ceux qui désirent embrasser la .cléricature qu’à ceux qui doïvent examiner les vocations, La elezione dell’ ecclesiastico stato all” esame, operetta ideata a’ lumi della divina Scrittura e de’ santi Padri (Padoue, 1748, 5 éditions; 2 traductions alle- mandes).
C’est en quelque manière un complément de la spiri- tualité sacerdotale, que Gaétan offre aux prêtres lors- qu’il leur trace, dans les ouvrages suivants, un itiné- raire pour les guider et les assister dans lPaccomplisse- ment de leurs devoirs, « piu tremendi e venerandi », conséquences de leur vocation apostolique : le sacrifice eucharistique, la prédication et la confession.
4) Spiegazione delle preci e cerimonie della messa (Ber- game, 1745, 6 éditions; c’est une brève adaptation des quatre volumes de Pierre Le Brun, Explication. des prières et des cérémonies de la messe, Paris, 1716-1726). 2) L’uomo apostolico istruito nella sua vocazione al pul- pito per il ministerio della sacra eloquenza (Venise, 1729, 8 éditions; présentation par Metodio da Nembro,
51 GAÉTAN-MARIE DE BERGAME 52
p. 130-185), que complète pour la théorie comme pour la pratique La morale evangelica predicata (Padoue, 17943, 11 éditions). 3) Dans L'uomo apostolico istruito nella sua vocazione al confessionario. colle proprie esor- tazioni a penitenti. (Bergame, 1726), Gaétan cherche non seulement à instruire mais à « former intégralement » le confesseur. Ces deux ouvrages sur L’uomo apostolico furent particulièrement bien accueillis; le second eut 30 éditions italiennes, 6 traductions allemandes et 41 espagnole.
Cette sorte de trilogie de pastorale et de spiritualité sacerdotales s’enrichit d’un cours d’exercices spirituels, dont les thèmes traditionnels {méditations, examens, instructions) sont traités en rapport avec les devoirs, les difficultés, les charges de la vie du prêtre : Il confessore ritirato in se stesso per dieci giornt di spirituali esercizi {Padoue, 1747, et 5 autres éditions; 1 traduction latine et 1 espagnole).
Il avait déjà composé une série d'exercices destinés à ses confrères : Îl capuccino ritirato per dieci giorni in se stesso o sia esercizi spirituali (Milan, 1719). Il y décrit la physionomie spirituelle des franciscains «in tutte le sue più delicate et carat- teristiche sfumature » (Ilarino da Milano, p. xxxiv), l'ouvrage devint le texte classique des exercices dans l’ordre; on compte jusqu’à 38 éditions ou traductions. La traduction française (Le religieux en retraite ou retraite spirituelle de dix jours, Avignon, 1736; rééd., Nancy, s d) faite par Paul des Noyers est plutôt une adaptation « pour toute sorte de personnes reli- gieuses »: ce texte fut à son tour traduit en italien par François de Ferrare (Il religioso ritirato…, Ferrare, 1810).
Bien que de caractère polémique, on peut rappeler encore une autre contribution à la spiritualité franciscaine, les Zstru- zioni morali, ascetiche sopra la povertà de’ frati minori cappuc- cini (Padoue, 1750).
3. Doctrine. — On ne peut parler, chez Gaétan,
de systématisation doctrinale ou d’une spiritualité qui lui soit propre. Il n’écrit pas de traïté didactique pour une école, ni non plus de « directoires ». Dans son abon- dante production, pourtant, on rencontre des éléments, des motifs, des principes qui confèrent à l'exposé une empreinte caractéristique. Ce. qui laisse penser que Gaétan avait sa conception des voies spirituelles et une méthodologie pour guider les âmes vers la sainteté.
4° Christocentrisme. — Gaétan répète que le: Christ est « la voie unique vers le Père », et il-exige la confor- mité la plus parfaite et limitation; dans cette intention, il rappelle faits, exemples, vertus, enseignements, etc. Sans doute, tout cela vaut pour tous les maîtres spiri- tuels; néanmoins, i y a chez Gaétan un ton, une cha- leur, une insistance propres au développement et à l'efficacité de son enseignement oral ou écrit comme à
son expérience. Il se meut à l’aise dans le climat de la.
spiritualité franciscaine. :
« Il cherche, déclare Metodio da Nembro (p. 263), à fixer l'œil de l’âme sur la vie du Christ (La virtà della fede, t. 22, Monza, p. 9), parce que notre conformité se réalise par lui. C'est ce qui synthétise l’essence de la spiritualité de Gaétan : humilité, charité, pénitence, mortification, vertus théologales et cardinales, zèle pour la gloire de Dieu n’ont, au fond, d’au- tre but que de faire ressembler au Christ, « divin exemplaire du Père », de telle manière que nous soyons identifiés avec lui et ainsi unis à Dieu par FPamour ».
29 Humilité et charité. — Gaétan considère et apprécie
tous les moyens et tous les éléments traditionnels de.
sanctification (sacrements, oraison, mortification,. etc); il donne à chacun d’eux le maximum de valeur, mais sans insister sur leur hiérarchisation.
Lorsqu'il traite du complexe des vertus chrétiennes, par exemple, il dit qu’elles sont toutes à rechercher, à pratiquer, à acquérir, si l’on veut marcher en parfaite sécurité et aller jusqu’à l'union avec Dieu en se configurant à l'unique modèle des prédestinés qu'est le Christ. En fait, il en revient volontiers à l’enseignement des « deux points cardinaux sur lesquels roule le saint Évangile » {cf La fraterna carità, dans Opere, t. 5, Monza, p. 9) : l’huinilité et la charité. On l’a défini « l’asceta dell’ umiltà », parce qu'en effet il en parle partout et qu'elle est comme «il motivo sinfonico » de toute son œuvre (Metodio da Nembro, p. 204-245). La charité est pour ainsi dire la seconde colonne de l'édifice, et toujours inséparable de l'humilité.
30 Prédominance de l’ascèse. — La spiritualité ensei- gnée et pratiquée par Gaétan est surtout ascétique. Certes, il n’ignore pas la voie mystique, il l’identifie avec la contemplation, qui est pour lui la forme propre de la prière supérieure. Il n’est pas étranger à la dualité des voies spirituelles; il emploie la terminologie (qu’il convient d'interpréter selon le vocabulaire de l’époque) : ascèse et mystique, voies ordinaire et extraordinaire, contemplations active et passive, etc. Il connaît les degrés de l’expérience mystique et il exhorte les prêtres à les étudier; mais c’est une voie extraordinaire, et il ne l'enseigne pas ex professo; les prêtres n’ont pas à en enseigner la pratique, « non insinuino la pratica ». |
11 conserve toujours à son égard une attitude précaution- neuse et quasi de défiance; il s’en explique : tout d’abord il
n’est pas facile de l’enseigner avec clarté et précision, car le
seul maître en est l'Esprit Saint; ensuite, il est malaïsé d'y guider les âmes sans les exposer à de sérieux dangers. Cette attitude, due en partie au tempérament, trouve son excuse
dans le climat créé par les controverses quiétistes, qui portaient
à minimiser les aspects mystiques de Ja sainteté, non. moins que par les procédés méthodologiques de la controverse.
Gaétan n’a pas, pour autant, absolument rogné les ailes à tout envol vers les sommets de la perfection, puisqu'il la propose indistinctement à tous, mais il a une prédilection pour l’ascèse. Elle est pour lui un chemin aplani et sûr; elle renferme tous les éléments
let tous les moyens utiles et nécessaires pour atteindre
au faîte de la sainteté. Par là, âme peut parcourir les étapes traditionnelles des voies purgative, illuminative et unitive. Le terme de cet itinéraire, long et difficile, ne peut être autre que l’union à Dieu par la conformité la plus parfaite avec la volonté divine. Aussi bien, ce chemin ordinaire, — qui est comme en marge de la voie mystique gratuite et extraordinaire, et en dehors des: charismes surnaturels que Dieu accorde dans l’état mystique à qui il veut —, permet-il d'atteindre les sommets, $ #N
40 Rigorisme. — Il y a chez Gaétan quelque tendance. au rigorisme, et dans ses opinions et dans sa conduite.
Il ne semble pas qu'il y ait eu grand excès, et même cette tendance fut en quelque sorte atténuée par l’équilibre qu’il voulut garder entre rigorisme et laxisme et par un tempéra- ment où prédominait un certain optimisme sur les voies spiri- tuelles. D’ailleurs, elle s'explique comme une réaction contre Je laxisme et les abus réels ou présumés du probabilisme.
Rappelons enfin la participation de Gaétan, — certains la considèrent comme celle d’un pionnier —-, à la controverse sur les systèmes de morale; il publia deux forts volumes de 1304 pages : Riflessioni sopra l’opinione probabile per à casi della coscienza nella teologia morale. Opera teologico-ascetica {t. 4 L’abuso che si fa del probabile; t. 2 Il modo a sapere farne buon’ uso, Brescia, 1739, 4 éditions), et Riflessioni, sopra l’attrisione e la contrizione (Venise, 1758, & éditions). On peut apercevoir dans cette tendance au rigorisme quelque reflet des opinions jansénistes alors à la mode dans certains
] cercles culturels et religieux.
53 GAËTAN-MARIE DE BERGAME — GAGLIARDI 54
59 Tradition. — Benoît xiv se plaisait à reconnaître dans les œuvres de Gaétan la solidité doctrinale et l’onction spirituelle : « Le P. Gaétan-Marie de Bergame est l’un des rares. écrivains de notre temps, qui, avec un discernement peu commun, a trouvé la manière de satisfaire l'esprit et le cœur, sans que la solidité de la doctrine dessèche la douceur de la dévotion ou que la douceur de la dévotion affaiblisse la fermeté de la doc- trine » (A. Viscardi, ÂNotizie…, dans les Opere.., t. 1, p. xvi). Les écrits de Gaétan sont le fruit de l'expérience et de l'étude : ils offrent un aliment doctrinal et ils puisent aux sources de la révélation, scripturaires et patristiques (la plupart des titres des œuvres expli- citent ces sources : Pensieri… ricavati dalla Scrittura e da’ santi Padri, ou Elezione…. operetta ideata a’ lumi della divina Scrittura e de’ santi Padri, etc). Les citations de la Bible et des Pères, fort abondantes, constituent pour ainsi dire la trame de tout raisonnement et le tissu logique de l'exposé. Aussi les enseignements de Gaétan-Marie demeurent-ils vivants et salutaires.
Les données biographiques les plus sérieuses sont celles transmises par Alessandro Viscardi de Bergame Ÿ 1790, Notizie storiche intorno alla vita, studi e libri dati alla luce dal P. Gaetano da Bergamo, en tête du t. 1 des Opere, p. 1-XXIv.
Il existe deux éditions d’Opere, la première en 12 volumes, par les soins de Viscardi, Rome, 1776-1780; la seconde en 33 volumes, Monza, 1839-1846. Chaque traité a été par- faitement décrit par Ilarino da Milano, Biblioteca dei frati minori cappuccini di Lombardia, Florence, 1937, n. 621-1018.
Le meilleur travail d’ensemble est celui de Metodio da Nembro, Gaetano Migliorini da Bergamo nel settecento reli- gioso italiano, Milan, 1959, avec analyse des œuvres et abon- dante bibliographie; voir les observations de Stanislas de Cam- pagnola, dans Laurentianum, t. 1, 1960, p. 148-157.
Voir aussi Édouard d’Alençon, DTC, t. 6, 1914, col. 985-987. — Melchior de Pobladura, Historia generalis ordinis Fratrum. minorum capuccinorum, t. 4, Rome, 1948, p. 248-249. — Lexicon capuccinum, Rome, 1951, col. 291-292 (bibliographie). — Catholicisme, t. 4, 1956, col. 1695-1696. — Optat de Veghel, Scriptores ascetici et mystici ordinis capuccinorum, dans Lauren- tianum, t. 1, 1960, p. 215-221.
MELcæior DE POBLADURA.
GAGLIARDI (AcuiLse), jésuite, 1537 /38-1607. — 4. Vie: — 2. Oeuvres. — 3. Le Breve compendio— 4. Doctrine spirituelle. — 5. Sources et influence.
4. Vie. — Premier enfant du second mariage du noble et riche padouan Ludovico Gagliardi avec Girolama Campolongo, Achille Gagliardi naquit à Padoue en 1537 ou 1538. Étudiant dans sa ville natale, il y fut en contact avec les jésuites Edmond Auger et Benedetto Palmio, et il se décida à entrer au noviciat de la compagnie de Jésus (Rome, 29 septembre 1559); ses deux frères cadets Leonetto et Ludovico firent de même, ainsi que, un peu plus tard, l’étudiant Antonio Possevino qui connaissait les-trois frères et qui a raconté leur vocation (ms, ARSI, Hist. Soc. 176, f. 169-174 et 196-181; voir M. Scaduto, L’epoca di Giacomo Lainez,, Rome, 1964, p. 290-293). Ludovico sera mêlé de près à la vie et à l’œuvre de son aîné, tandis que Leonetto: meurt. jeune (1564).
Achille Gagliardi, en 1561, étudie la théologie au Collège romain, où il est le condisciple de Robert Bellarmin. Proba- blement ordonné prêtre à la fin de ses études, il est nommé
professeur au même Collège romain; il enseigne chaque année,
‘ de 1563 à 1568, un cours différent, morale, logique, physique, métaphysique, théologie dogmatique; ce qui lui permet pro-
bablement de compléter et d’approfondir sa culture. Ayant.
passé son doctorat en théologie en 1568, il est nommé recteur du collège de Turin, le 31 mars de la même année; il y reste neuf ans : après un rectorat de cinq ans (1568-1573), il sera prédicateur et confesseur (1573-1577); il y fait sa profession solennelle le 8 septembre 4575. Suit une période de trois années pendant lesquelles Gagliardi revient à l’enseigne-. ment théologique, d’abord au Collège romain (1577-1579), puis à Padoue.
Dès 1572, saint Charles Borromée j 1584 désirait avoir ce jésuite à Milan; ce désir fut exaucé en 1580. Gagliardi resta quatorze ans à Milan; d’abord comme prédicateur et confesseur (1580-1584), il collabora avec l'archevêque, rédigea à sa demande un catéchisme et l’accompagna dans l’une de ses visites pastorales; puis il fut nommé supérieur de la maison professe jusqu’en 1594. C’est pendant cette période qu’il dirige une « dame milanaïse », Isabelle Berinzaga; cette direction, l'existence d'un groupe de jésuites réformateurs autour de lui (comme Lorenzo Maggio + 1605 et Giu- seppe Blondo + 1598, qui est le provincial de Gagliardi de 1584 à 1587), la doctrine du Breve compendio enfin, firent que deux jésuites accusèrent Gagliardi (1590) auprès du supérieur général, Claude Aquaviva, qui s’inquiéta de ce qui lui apparaissait comme des inflé- chissements de la tradition spirituelle ignatienne; il éloigna Gagliardi (1594). Après un court séjour à Crémone et quatre années à Brescia, celui-ci fut nommé supérieur de la maison professe de Venise (1599-1606). Envoyé alors à Modène, Achille Gagliardi y mourut le 6 juillet 1607. :
ARSI, Ven. 36-37. — RAM, t. 12, 1931, p. 50, n. 5. —.
* Directoria Erercitiorum spiritualium, coll. Monumenta historica
Societatis Jesu, éd. I. Iparraguirre, Rome, 1955, p. 801, n. {. — Publiés dans cette même collection, les. volumes Sanctus Franciscus Borgia (5 vol.), Lainit monumenta (8 vol.) et Polanci complementa (2 vol.) conservent de nombreux documents concernant Gagliardi.
2. Oeuvres. — En dehors d’un Catechismo della fede cattolica (Milan, 1584) rédigé à la demande de Charles Borromée, Achille Gagliardi n’a rien publié;" il a laissé de nombreux manuscrits, la plupart très corrigés; il retouchait sans cesse ses autographes, ce qui rend très difficile une édition satisfaisante de ses écrits. Voir I. Iparraguirre, Répertoire de spiritualité ignatienne (Rome, 1962, table, p. 191). On peut grouper ses écrits sous trois chefs.
19: Sur l'institut de la compagnie de Jésus, Gagliardi : composa deux ouvrages importants.
On peut signaler, en outre, quelques brèves instructions :. De ITesuitarum Instituto, Rome, Bibl. nazionale, Fondo.Gesui- tico, ms 1433; Praxis qua uti debent nostri in suis ministertis..… et Aovisi per la discipline quotidiana interiore delli collegiali, Archives de la province des jésuites de Tolède, ms 1778; : De cura interiore noviciorum, éd. dans Directoria Exercitiorum spiritualium, cité supra, p. 808-814. Cf Répertoire, n.. 598, 605, 606, 612.
4) Exhortationes aliquot de Christi misteiris nostro Instituto accommodatae (Rome, Archives de l’univer- sité grégorienne, K.C. 278, f. r-1v, 11-87 et 132-164); ce texte, qui se présente sous la forme de points de méditations, traite en particulier de la rénovation: des vœux et de la vie unitive selon la spiritualité ignatienne (f. 40v-43, 158v-163v).. Le même manuscrit comporte un De oratione: (f. 91-110v) expliquant le caractère « pratique » de la prière propre aux jésuites, : et :un De ‘ieiunio quadragesimae ({f. 111-117) tel qu’il
55 GAGLIARDI 56
est pratiqué dans la compagnie. Ce manuscrit est sans doute de 1579 (Répertoire, n. 431-133).
2) De plena cognitione Instituti (éd. G. Boero, Rome, 4841; Bruges, 1882); cette édition ne comprend que deux parties, sur la fin de la compagnie et ses moyens propres; Gagliardi en avait prévu deux autres, sur le corps et le gouvernement de la compagnie.
Il existe à la bibliothèque des jésuites de Chantilly la copie {ms 35, 27 p. in-folio, 1902) d’une partie du manuscrit (Bibl. nazionale de Rome, Fondo Gesuitico), manquante dans l'édition de De plena cognitione Instituti : elle s’intitule De regimine societatis, et serait tout ou fragment de la quatrième partie de l’ouvrage {note du copiste, p. 27).
Le premier en ce domaine, Gagliardi a voulu faire une synthèse de la spiritualité de la compagnie de Jésus. Il l’élabore en utilisant six « principes », ou mieux six fondements de cette spiritualité : les Æïxercices, la vie de saint Ignace, la tradition intérieure à la compa- gnie, les bulles pontificales, les Constitutions et les décrets des congrégations générales (Bruges, 1882, p. 4-7). Le téxte édité est fortement charpenté. Après un préambule (p. 1-8; noter que le $ 3, p. 8, est modifié par l'éditeur et ne reproduit pas le ms, qui annonce les quatre parties prévues), la première partie, De fine societatis (p. 9-16), subordonne à la « major Dei gloria » toutes les autres fins secondaires : salut du prochain, salut personnel, service de Dieu, union à Dieu, forme de vie, imitation du Christ, etc. La seconde partie, De mediis (p. 17-108), s’articule en deux sec- tions, le salut et Ia perfection personnels, le salut et la perfection du prochain; cette seconde section est notablement plus courte (p. 102-108) et semble inachevée.
Gagliardi présente d’une manière classique la per- fection personnelle selon les trois voies. On notera, dans la via unitiva, la doctrine très ignatienne de la caritas (p. 93-96) et de l’oratio (p. 96-100); l’union à Dieu doit être recherchée « per ministeria nostra », plus que dans la seule contemplation, à limitation du Christ. Et Gagliardi s'emploie à démontrer qu’une telle union à Dieu dans le service des âmes est fort haute; la vie apostolique et le progrès dans l’abné- gation intérieure disposent l’âme « ut divina patiatur in voluntate, et Deus operetur in illa » (p. 95, n. 3).
La prière propre au jésuite (p. 96, n. 2-3} « non tendit ad propriam consolationem.., sed habet intrinsecam relationem ad operandum.…, debet esse cum summa annihilatione et expropriatione, etiam quoad gustus spirituales et illumi- nationes ». Elle doit se développer surtout à partir de la mortificatio cordis, de la puritas affectus (p. 97, n. 6), « ita non minus unientur nostri cum Deo in actione quam in ipsa meditatione » (n. 4}. Gagliardi développera ces thèmes dans le Breve compendio.
Dans le remarquable petit traité De voirtutibus in communi (p. 17-27) qui ouvre la seconde partie, Gagliardi revient plusieurs fois sur la liberté intérieure et exté- rieure de la charité qui doit être laissée à chacun par les règles et les supérieurs en ce qui concerne la pour- suite de la perfection (vg p. 18, n. 3; p. 23}, pourvu que soit sauve la discretio et assurée la recherche du progrès spirituel.
2° Sur les Exercices spirituels de saint Ignace. — En se basant sur un seul manuscrit, C. van Aken a édité les Commentarii seu explicationes in Exercitia spiritualia… (Bruges, 1882), dont une partie, le traité
S.P. Ignatit de Loyola de discretione spirituum regulae explanatae, avait été déjà imprimée à Naples en 1851.
En réalité, il existe d’assez nombreux états de cet ouvrage dont les manuscrits portent des titres différents, présentent des variantes importantes et des corrections autographes : Archives de l’université grégorienne, F.C. 409, 869, 931 et 1480; — Rome, Bibl. nazionale, Fondo Gesuitico 1439; — Archives de la province des jésuites de Tolède, ms 1778; — ARSI, Ven. 4, f. 214v. Une étude critique des mss manque; seul a été publié un chapitre du ms 409, Modus tradendi Exerci- ia. is qui sunt de Societate (f. 150r-154r, dans Directoria Erercitiorum spiritualium, cité supra, p. 803-808). Voir ibidem, p. 801-803, l’état de la question.
Tels qu’ils sont édités par van Aken les Commentarii sont destinés au directeur des Exercices; avant d’abor- der lexplication du texte ignatien, Gagliardi donne un traité De oratione (p. 8-32), où sont commentées les diverses manières de prier que propose saint Ignace; l’auteur les estime tout à fait capables de disposer l'âme aux grâces spirituelles, par exemple l’applica- tion des sens (cf DS, t. 1, col. 813, 816-817). Suivent les explications sur l’examen, les annotations (p. 33- 66) et les quatre semaïnes (p. 67-106). Au sujet de l'élection (p. 92-98), soulignons sa position très équi- librée sur les rapports entre le deuxième et le troisième mode (DS, t. &, col. 1401); il revient sur la question dans son vaste et remarquable commentaire sur les règles du discernement des esprits qui termine l’ouvrage {p. 107-197).
Ce traité, De discretione spirituum, ne s’astreint pas à suivre l’ordre strict des règles ignatiennes conte- nues dans les Exercices; il a une allure plus systémati- que. Un préambule pose le problème : il y a trois sortes de motions intérieures, celles qui viennent de nous, du bon esprit et du mauvais esprit. Leur discernemént se fait en deux temps : établir d’abord si ces motions sont de nous (ch. 1}; dans la négative, chercher si elles sont de Dieu ou du Mauvais (ch. 2). Suit un long cha- pitre, d’allure plus pratique, sur la consolation et la désolation (ch. 3). Gagliardi revient ensuite sur le discernement des motions, mais il traite alors de ce problème pour ceux qui, ayant déjà progressé dans la vie spirituellé, sont l’objet des tentations « sub specie boni » (ch. 4); les deux derniers chapitres étudient ses illusions propres à cette étape, celles de l’affecti- vité (ch. 5) et de l'intelligence (ch. 6).
La manière de Gagliardi est uniforme : après avoir précisé, au commencement de chaque chapitre, le: problème en question, il énonce les principes de la vie pirituelle et les signes qui permettent de discerner la conduite à tenir (surtout dans les ch. 3, 5 et 6). Principes, signes, conduite à tenir ramènent toujours les idées centrales de Gagliardi sur le progrès dans la perfection (idées qui seront exposées à propos du Breve compendio). Qu'il suffise ici d’énoncer quelques- uns des principes : en l’homme, la nature blessée, encline au mal, et la grâce divine sont mêlées, mais en oppo- sition totale, Le Mauvais agit constamment par le biais de l’amour-propre. Si nous voulons connaître dans quel sens Dieu nous attire, il n’est que de considé- rer Jésus-Christ qui s’est anéanti Jui-même pour la gloire de Dieu. Dieu ne veut pas que nous nous arrê- tions à rien de créé, même bon, pas même aux dons spirituels, mais que nous fassions tout fructifier -en ne cherchant que lui seul (p. 141-142, 161, 177-178). Gagliardi reprend la question du discernement et de Pélection dans son De interiori doctrina (livre 6e, 8e,
57 LE BREVE COMPENDIO ° 58
&e et 5° parties), dont nous parlons plus loin. — Voir DS, t. 2, col. 1622-1623, 1627, 2027-2028; t. 3, col. 4274.
39 Sur la vie spirituelle en général. — 1) Commençons par citer les opuscules secondaires :
Ezxhortationes in Cantica canticorum (juillet 1592; Archives de l’université grégorienne, F.C. 278, f. 120-132v), qui traitent surtout des communications divines dans l’âme; — Prima pratiica di un esercizio in più volte per pit capaci, Prazis formandae rectae conscientiae, Modo pratticato in aïiuto dei fratelli nello spirito (Archives de la province des jésuites de Tolède, ms 1778). Cf Répertoire, n. 316, 603, 604, 607.
On peut y joindre un traité théologique, De praestantia divinae gratiae (ms, université grégorienne), dans lequel Gagliardi propose sur la grâce et la liberté une position inter- médiaire entre les théories de Molina et celles de l’école domi- nicaine; on y trouve les positions spéculatives qui déterminent plus d’un aspect de la pensée spirituelle de l’auteur {sur les censures de ce traité, voir Répertoire, n. 609).
2) L'ouvrage dans lequel Gagliardi voulait livrer d’une manière complète et organisée sa conception de la vie spirituelle est resté inédit; c’est le De interiori doctrina (Répertoire... n. 596; ms ARSI, Opp. NN. 304), dont nous possédons diverses rédactions intitulées De disciplina interiori; la première ébauche semble être la Praxis cultus interni (1590; Rome, Bibl. nazio- nale, Fondo Gesuitico 1115; Répertoire, n. 276). Tous ces états du texte sont inachevés; dans les der- nières années de sa vie, Gagliardi travaillait avec son frère Ludovico à perfectionner le texte déjà écrit plutôt qu’à le terminer.
Son objectif était de présenter l’ensemble de la vie spirituelle selon sept degrés : « primum, a peccato mortali recedere per justificationem; secundo, contra tentationes.… roborari; tertio, odio tepiditatis velle in gratia progredi.. ad evitanda venialia; quarto, ipsos habitus vitiosos iam ante contractos penitus exstirpare; quinto, passionum animi excessus tollere ac passiones ipsas mortificare; sexto, virtutum habitus sanctos acquirere ac per eos operari; septimo denique, Deo... per actus amoris perfecte uniri » (De interiori doctrina.., ms cité, p. 58). Chacun de ces degrés devait être étudié en cinq parties, quatre théoriques et une pratique, selon les mêmes points de vue : « De rei magnitudine., De hominis cooperatione…, De divi- sione rei subjectae in suas species, De discretionis regulis eius gradus, De usu et praxi » (cbidem, p. 71).
De ce vaste ensemble, Gagliardi n’a traité que les trois premiers degrés; il le fait en six livres {livre 4er : introduction générale; livres 2-4 premier degré; livres 5 et 6 : 2e et 3e degrés). Comme on le voit, sa rédaction ne dépasse pas les premiers stades de la vie spirituelle; la première ébauche, Prazxis cultus interni, n'allait d’ailleurs pas beaucoup plus avant. Il est évi- dent que les derniers livres nous auraient présenté les aspects plus caractéristiques de la pensée spirituelle de Gagliardi. Pourtant, son dernier ouvrage, le Breve .compendio, dont nous parlons au $ suivant, permet de suppléer en partie à cette lacune.
Sur l’histoire de la rédaction et l’état du De interiori doctrina, voir P. Pirri, AHSI, t. 29, 1960, p. 406- 411.
3. Le Breve compendio. — L'ouvrage qui a fait connaître le nom de Gagliardi est l’anonyme Breve compendio intorno alla perfettione christiana, dove si vede una prattica mirabile per unire l’anima con Dio, aggiuntavi l’altre parte con le sue meditazioni {Brescia, 1611).
Il s’agit là de la première édition italienne, car l’opuscule fut d’abord imprimé en traduction française (Paris, probable- ment 1596, 1598; Arras, 1599; etc; cf DS, t. 2, col. 2423), sans parler ici de l’adaptation qu’en fit le jeune Pierre de Bérulle en 1597 {cf DS, t. 1, col. 1544-1546; t. 5, col. 915-946). On compte une cinquantaine d’éditions en diverses langues, la dernière étant celle de M. Bendiscioli (Florence, 1952).
19 Composition. — Lorsqu'il écrivait, en 41937, Particle Breve comPenDio (DS, t. 4, col. 1940-1942; cf t. 2, col. 1455-1456: t. 3, col. 519-520, 4454), M. Viller attribuait l’ouvrage à Isabelle Bellinzaga, ou mieux, Berinzaga +1624, dirigée de Gagliardi. Les études parues depuis lors revisent cette opinion. En. 1585, notre jésuite, devenu supérieur de la résidence de Milan, fit faire à Isabelle les exercices spirituels; ils durèrent plusieurs mois, en raison de la maladie de la retraitante. Gagliardi a rapporté dans la Vita di Tsabella Bellinzaga (Breve compendio, éd. Bendiscioli, p. 155-203) la doctrine qu’il lui proposa. D'autre part, les lumières qu’Isabelle reçut alors lui parurent si intéressantes qu’il en prit note; nous conservons ce premier embryon, intitulé Lumi di Madama Isabella Bellinzaga (Archives de l’université grégorienne, F.C.), qui deviendra le Breve compendio. Les historiens sont aujourd’hui d’avis que la paternité de l’ouvrage revient au directeur. Le cheminement y est, quant au fond, fidèle à la suite des oraisons proposées dans la retraite et au processus spirituel qui s’y développe. Mais Gagli- ardi, à partir de là et à la suite des lumières d'Isabelle, a construit une doctrine spirituelle de la perfection.
Nous possédons plusieurs manuscrits de l’ouvrage (cf AHSI, t. 20, 1951, p. 237-241}; comme les éditions, ils présentent des variantes. Le titre du dernier qui ait été découvert a l'intérêt de destiner explicitement l’ouvrage aux jésuites : Breve compendio di quanto si è raccolto all eminentissima perfettione a che ogn'uno della Compagnia deve procurare di arrivare.. (cf AHSI, t. 29, 1960, p. 99-105).
La publication posthume du Breve compendio italien est due à plusieurs causes; d’abord les accusations por- tées contre les relations, jugées excessives, de Gagliardi et d’Isabelle: ensuite, les doutes sur l’orthodoxie de la doctrine, probablement par suite de dénonciations. Mais un premier jugement des théologiens jésuites de Rome fut favorable (1588; cf AHSI, t. 14, 1945, p. 70). .
Toute l’affaire se complique surtout du fait des tendances réformatrices que Gagliardi, Isabelle Berinzaga, et un certain nombre de jésuites milanais nourrissaient à l’endroit du gouvernement et de la vie spirituelle de la compagnie (2bidem, p. 24-72). En 1590, le jésuite Giovanni Battista Vanino accuse de nouveau la doctrine du Breve compendio, que son confrère Stefano Tucci censure en plusieurs points (cf AHSI, t. 20, 1951, p. 245-252); Gagliardi retouche son texte en consé- quence.
L'affaire revint au jour en 1600, mais cette fois devant les tribunaux romains; ils donnèrent un avis défavorable. Bellarmin fit aussi des réserves, mais s’entremit auprès de Clément vi en faveur de son ancien condisciple du Collège romain; le pape se contenta de faire savoir à Gagliardi, par voie extra-judiciaire, qu’il devait reconnaître que sa doctrine contenait « des imaginations et des illusions dangereuses » et garder désormais le silence sur ces matières. Gagliardi se soumit. Sur toutes ces questions, on se rapportera au résumé, déjà ancien, de M. Viller (RAM, t. 12, 1931, p. 80-88) et aux documents publiés par P. Pirri {articles cités dans la biblio-
graphie).
20 La doctrine de la perfection du Breve compendio a été succinctement exposée plus haut (t. 4, col. 1941)
59 GAGLIARDI
et plus largement par M. Bendiscioli (éd. citée, p. 30- 33). Elle découle de ce principe unique : plus Fâme se dégage de sa volonté propre pour s’engager dans la volonté de Dieu, plus celle-ci l’agit et l’habite, et plus l’âme entre dans la conformité avec Dieu, jusqu’à ce que, au suprême degré de la perfection, elle soit « déifiée ». L’opuscule de Gagliardi (éd. Bendis- cioli, p. 47-100) développe ce principe avec rigueur et sans s’attarder à aucune digression, selon le double processus complémentaire : la désappropriation pro- gressive de l’âme, à la fois pratique et intérieure, voulue positivement ou acceptée dans l’épreuve, et les étapes correspondantes de la conformation de l’âme à la volonté divine.
Gagliardi s'adresse à qui est animé de l’ardent désir de la perfection et d’une volonté arrêtée de tout souffrir plutôt que de consentir à offenser Dieu, même véniellement. Les deux dispositions fondamentales qui sous-tendent le progrès spirituel sont « une très basse estime de tout le créé et surtout de soi-même » ‘ét « une très haute estime de Dieu » et de sa volonté (p. 49-50). Il est évident que l’auteur suppose l’âme déjà formée à la pratique du combat spirituel, du dis-
cernement de la volonté de Dieu et, plus encore, à.
celle des vertus solides; de tout cela, il ne parle pas, mais il se situe d'emblée au centre de la liberté humaine ‘qu’il s’agit de décentrer d’elle-même et de tout intérêt et amour propres, d’ouvrir à Dieu et à son action purifiante, pour qu'il y règne enfin dans toute sa liberté divine. ‘
Gagliardi distingue trois états (stato) de la perfection;
le premier est « l’anéantissement de soi-même »; du point de vue de l’expérience spirituelle, la part de l'activité personnelle y est dominante. L’âme doit, ‘en effet, agir positivement ou réagir aux « soustractions » qu’elle éprouve pour s’avancer, par six degrés, dans la désappropriation, ces six degrés marquent l’ordre à suivre : le premier consiste dans le renoncement pratique et le détachement affectif de tout ce qui est, de soi, indifférent pour le salut; les deux suivants
“visent les attaches égoïstes aux consolations et lumières
spirituelles ; le quatrième degré conduit à se dépouiller,
devant l’impuissance naturelle et les obstacles exté-
rieurs, de toute prétention, de tout trouble, et de s’abandonner à ce que Dieu veut, « comme un petit enfant » (p. 70-71); les deux derniers degrés sont marqués par le retour des basses tentations et par
Jes aridités et rébellions de la partie supérieure de.
. esprit; l’âme doït alors persévérer dans l’exécution .de la volonté divine et dans la soumission amoureuse.
. Ce premier état est la partie la plus développée de l'ouvrage;
Gagliardi y entre dans quelques détails, en signalant les ‘tentations et les remèdes propres à chaque degré, en carac- férisant aussi les progrès de la conformité divine. On peut relever plus d’un passage qui dépend en droite ligne des “Exercices spirituels (vg p. 54-57, 59) et surtout la consonance de l’ensemble avec la doctrine ignatienne de l’indifférence, de l’humilité, de l’agere contra, etc. Mais Gagliardi met bien en lumière l’envahissement ‘corrélatif de la volonté divine dans lâme, et donc de Funion à Dieu.
Les deuxième et troisième états sont nettement pas- sifs : c’est Dieu qui désormais dépouille l’âme. Gagliardi les expose brièvement dans les deux derniers chapitres.
Dans lé second état, l’âme garde le pouvoir de poser « les.
actes extérieurs des vertus qui se font par les facultés supérieures, mais Dieu lui enlève les actes intérieurs. Dieu alors opère en elle, y faisant ce qui lui plaît”»
60
{DS, t. 1, col. 1941) ; à quoi l’âme adhère, car elle a encore la volonté passive de vouloir ce que Dieu veut. Gagliardi parle ici « d’extase pratique et très vertueuse », de pati divina (p. 97). Dans le troisième état, Dieu enlève à l’âme cette volonté passive elle-même, en ce sens que la volonté divine assume la volonté humaine, que la liberté humaine se fond dans la liberté divine; l’âme ne s’éprouve plus comme autonome, mais comme agie par Dieu. C’est ce que Gagliardi appelle la déification et il l’éclaire d’un court commentaire de la parole du Christ à Gethsémani : « non pas ma volonté, mais la tienne » (Luc 22, 42).
Dans certaines éditions {Arras, 1599; Cologne, 1642; Rome, 1672), le Breve compendio est complété par divers textes : une Pratica della perfeitione (p. 101-116), un petit traité Dell” amor proprio (p. 117-126), six méditations, de forme igna- tienne, sur le dépouillement (p. 127-144), etc. On n’en connaît aucun manuscrit; ces textes sont, par l’expression et la pensée, très proches du Breve compendio et surtout de la Vita d’Isa- belle; ils semblent dériver directement, la plupart du moins, des exercices de la retraite donnée par Gagliardi à sa dirigée (cf éd. Bendiscioli, p. 27-28, à laquelle nous nous référons).
£. Doctrine spirituelle. — 10 I] n’est pas possible actuellement de présenter de façon définitive l’ensemble de la doctrine de Gagliardi.
Cela tient à trois raisons principales. L'état des textes d’abord : la plupart d’entre eux restent peu accessibles; l'établissement de textes définitifs est difficile en raison des rédactions successives et de leur inachèvement; il n'existe donc pas encore d’éditions critiques. La deuxième raison
“est que seul le Breve compendio a jusqu’à présent été étudié;
il n’existe aucune étude sur les autres écrits et pas davan- tage sur l’ensemble de la doctrine. Enfin, pour étudier Gagliardi, on ne peut se contenter de ses textes, mais on doit tenir compte des mouvements d'idées dans la compagnie d’alors, en particulier dans le groupe réformateur dont fit partie Gagliardi; le gouvernement spirituel de la compagnie et l'interprétation des Exercices, donc la base de la spiritualité ignatienne, étaient en discussion. Ces points ont été peu étudiés jusqu'ici.
20 Nous pouvons cependant avoir une idée de l’arti- culation des divers écrits principaux de Gagliardi, car ïl a lui-même présenté, à la fin du manuscrit de la Praxis cultus interni, l’ordre dans lequel il faut les lire. Le premier texte à connaître est la Praxis, qui devint ensuite le De interiori doctrina; l'un comme l’autre, dans l’état où ils nous sont parvenus, ne vont pas au- delà de la voie purgative, mais ils devaient donner le cadre complet du progrès spirituel; on trouve dans ces
‘textes les premiers degrés de lascèse. En second
lieu, Gagliardi place ses deux ouvrages sur les Exercices et sur l'institut de la compagnie: il faut chercher en particulier le développement de sa doctrine sur la prière et le discernement de la volonté divine dans le premier, et sa doctrine sur la pratique des vertus solides, dans le second. Ces textes concernent la voie illuminative. « Sequitur annihilationis et conformitatis cum Deo status, omnium altissimus, de quo in proprio Compendio» {texte reproduit dans RAM, t. 12, 1931, p. 149). Cette page de Gagliardi, écrite en 1590, est précieuse. L'auteur se rendait compte qu’il lui fallait reprendre ses ouvrages pour éviter les recoupements et les fredites que nous y constatons et pour que chacun d’eux remplisse exactement son rôle dans l’ensemble de l’œuvre. D’autre part, ces indications confirment que le Breve compendio représente le dernier et le plus haut degré de la vie spirituelle; ce qui ne s’y trouve pas doit donc être cherché dans les ouvrages traitant des étapes
61 DOCTRINE SPIRITUELLE 62
antérieures. Enfin, ce texte confirme l'intention de Gagliardi d’embrasser l’ensemble de la vie spirituelle et de présenter une doctrine cohérente et complète.
30 De l’ensemble des textes édités et des copies de manuscrits que nous avons pu voir, plusieurs points de la doctrine de Gagliardi se dégagent.
1) La base, l'esprit et les normes sur lesquels repose la spiritualité de Gagliardi sont certainement igna- tiens. Évidemment, il veut systématiser la pensée de saint Ignace et, ce faisant, il l'interprète, mais il lui reste fondamentalement fidèle. I1 faut remarquer aussi que
pour lui la spiritualité ignatienne ne se trouve pas sim-:
plement dans les Exercices spirituels, maïs encore dans les Constitutions.
2) Le théocentrisme de Gagliardi est éclatant dans le Breve compendio; il se retrouve dans sa conception de la gloire de Dieu (De plena cognitione Instituti, pars 1; Pratica della perfettione interiore, éd. Bendiscioli du Breve compendio, p. 102, 104, 111). La perfection se définit par le règne absolu du Tout qu’est Dieu sur Je rien qu’est la créature. Le point de départ du progrès vers la perfection est la connaissance et le refus radical de lamour-propre (De discretione spirituum, 1882, p. 161-163, 177-189, etc).
3) A la différence des Exercices spirituels de saint Ignace, la place occupée par la personne du Christ apparaît assez restreinte dans le Breve compendio. À ‘y regarder de plus près et en se basant sur les emplois des mots Cristo et Iddio, limitation du Christ joue un rôle capital dans ce schéma de l'itinéraire spirituel vers la perfection qu’est le Breve compendio. Gagliardi présente le Christ comme l’archétype de cette perfec- tion, comme sa cause exemplaire; chaque progrès dans la conformité avec Dieu et sa volonté est un progrès dans Pimitation du Christ (p. 74, 78, 87-89, 100); dans un passage, Gagliardi parle de l’amour de la croix
‘qui nous « conforme » au Christ (p. 81). Dans la mesure
où nous faisons la volonté du Père comme le Fils, nous sommes « unis » au Fils (cf De discretione spirituum, p. 181). Étant donné que, pour Gagliardi, le progrès dans la désappropriation de soi et la conformité à Dieu permettent l’envahissement corrélatif de Dieu dans le fond de l’âme, on peut se demander si, pour lui, cet envahissement divin n’est pas précisément celui de l'amour de Jésus-Christ pour son Père. En tout cas, il est certain que tout progrès dans la volonté de Dieu nous unit au Christ et que, réciproquement, limi- tation du Christ nous unit à la volonté déifiante de Dieu. Le rôle intérieur. du Christ dans le progrès spi- rituel est encore bien plus net si, comme il semble, le mot Signor, dans le Breve compendio, désigne exclusive- ment le Christ.
4) La doctrine de Gagliardi sur la contemplation et les grâces dites extraordinaires aide à mieux saisir sa physionomie et l’équilibre de sa spiritualité. Disons d'abord que sa doctrine de la prière et de l’oraison est nettement ignatienne. Ensuite, au sujet de l’union à Dieu, il établit un « discrimen inter viam unitivam mysticam et alteram faciliorem omnibusque communem» (De interiori doctrina, livre 1, tr. 5, ch. 3). Le Breve compendio (ch. 2, p. 51-52) reprend la même distinction pour mettre en garde contre les élévations de lesprit, les rapts et les extases. Cette voie semble à Gagliardi ‘sujette à beaucoup d'illusions et de tentations pour qui n’est pas profondément désapproprié de toute recherche
de soi, et surtout il prône la seconde voie, « ordinaire », parce que l’anéantissement de soi dans la volonté de Dieu conduit à une union à Dieu beaucoup plus sûre et profonde, et plus semblable à la vie du Christ (texte important, zbidem, p. 91; De discretione spirituum, p. 154-158, 180-181); il appelle cette voie unitive ordi- naire l’extase pratique (Breve compendio, p. 97). M. Ben- discioli interprète ainsi cette expression : il s’agit bien, comme dans la mystique traditionnelle, « d’une absorp- tion en Dieu, d’un consentement total et passif à l'opération de Dieu en nous; mais cette extase n’est pas contemplative; elle est pratique, c’est-à-dire fondée sur la volonté qui se dépouille de l'amour de soi » (p. 34-35). Peut-être n’est-ce pas assez dire. Dans le De cognitione Instituti (p. 94-100), Gagliardi apporte des précisions : définissant les caractères propres de la voie unitive et de l’oraison de la compagnie, il fait appel à la doctrine ignatienne de la Contemplatio ad amorem (Exercices spirituels, n. 230-237) et il enseigne que le ministère apostolique pour la gloire de Dieu, à limitation du Christ, est pour le jésuite