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DICTIONNAIRE
SPIRITUALITÉ
ASCÉTIQUE ET MYSTIQUE
DOCTRINE ET HISTOIRE FONDÉ PAR M. VILLER, F. CAVALLERA, J. DE GUIBERT, S. J. CONTINUÉ PAR A. RAYEZ, A. DERVILLE ET A. SOLIGNAC, S. J. AVEC LE CONCOURS D'UN GRAND NOMBRE D E COLLABORATEURS
TOME X
Mabille - Mythe
BEAUCHESNE PARIS
1980
NIHIL OBSTAT Paris, le 12 avril 1980 H. Mapeuin, S. J.
IMPRIMATUR Paris, le 15 mai 1980 P. FAYNEL, vic. ép.
Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction réservés pour lous pays. Copyright 1977-1978-1979-1980 by EDITIONS BEAUCHESNE.
M
MABILLE (Jean), frère mineur, 17€ siècle. — De la vie de Jean Mabille nous ignorons à peu près tout : à la date de 1646 il était docteur en théologie; il fut déf- niteur de la province des observants de France et gar- dien du couvent de Roye, en Picardie.
Il est l’auteur de Conférences sur la vie spirituelle, très utiles aux personnes séculières et régulières (Paris, 1672; 2e éd., 1687). Ce volume se présente sous forme de ques- tions et de réponses. La première des quatre parties est consacrée à l’office divin, tel qu’il est récité surtout chez les franciscains. La deuxième partie développe le thème de l’oraison mentale; une méthode détaillée est pré- sentée d’après Jean Busée et François de Sales (p. 130- 175), tout en recommandant Ignace de Loyola, Louis de Grenade et Alvarez de Paz (retenir un chapitre intéressant sur la lecture spirituelle et les auteurs à lire, p. 233-243). Mabille insiste sur la préparation et les fruits de l’oraison. Les troisième et quatrième parties traitent de la confession et de la messe surtout en mora- liste et en rubriciste. Au total, cet ouvrage, qui n’a rien de bien original, est tout orienté vers la pratique intérieure de la vie chrétienne et spirituelle.
AFH, t. 3, 1910, p. 746. — Ubald d’Alençon, dans Études franciscaines, t. 39, 1927, p. 597. — DS, t. 5, col. 1637.
Ne pas confondre notre Jean Mabille avec un homonyme, également cordelier, qui vécut aussi en Picardie et mourut en 1572.
Raymond Danrricau.
MABILLON (Jean), bénédictin, 1632-1707. — Né le 23 novembre 1632 à Saint-Pierremont en Cham- pagne, non loin de Mouzon, au sein d’une famille de propriétaires ruraux et de marchands, Jean Mabillon reçut d’un oncle prêtre les premiers éléments de sa for- mation. Il vint la compléter à l’université de Reims dont il était maître ès arts en 1652. Dès 1650, il avait obtenu une place au séminaire. Ses visites fréquentes au tombeau de saint Remi lui donnent l’occasion d’approcher la communauté réformée (congrégation de Saint-Maur) qu’abrite le monastère : le désir de la vie monastique naît ainsi chez lui. Il est reçu à Saint- Remi le 29 août 1653; le 6 septembre 1654, il est admis à la profession. [1 ne sut pas se garder de la contention, jointe à une certaine intempérance intellectuelle, et souffrit bientôt de violents maux de tête qui, durant plusieurs années, lui rendirent difficile l’application aux travaux sérieux. Il fallut même l'envoyer à l'abbaye de Nogent, près de Laon, en pleine campagne, pour se reposer, en travaillant manuellement. En juillet 1658, il est à l’abbaye de Corbie, avec les fonctions de portier et chargé de la « dépense »; quelque temps après, il est cellérier. Durant ce séjour il reçoit la prêtrise à Amiens, le 27 mars 1660. De là, on l’envoya à l’abbaye de Saint- Denis où il devint trésorier de la basilique; malgré des occupations absorbantes, il y commença la révision
DICTIONNAIRE DA SPIRITUALITÉ, — T. X.
des éditions de saint Bernard sur les manuscrits. Luc d’Achery le réclama bientôt à Saint-Germain-des-prés à titre de collaborateur pour les travaux d'édition du Spicilegium et des Acta sanctorum ordinis sancti Bene- dicti; il arriva en juillet 1664. Jusqu'à sa mort, le 27 décembre 1707, il fut l’âme du petit groupe savant qui acquit aux mauristes la réputation de travailleurs acharnés. On lui doit, avec la continuation du Spici- legium, l'édition de saint Bernard (1667), des Acta sanctorum OSB, des Annales OSB, la collection des Vetera analecta, le De re diplomatica et diverses éditions de textes liturgiques de l’antiquité (tous ouvrages pré- sentés par les auteurs signalés dans la bibliographie).
Sa sainteté personnelle ne suffrait pas à lui assurer une place parmi les auteurs spirituels; le seul ouvrage de dévotion qu’il ait écrit est un petit in-129, Sur la mort chrétienne; encore y reconnaît-on l'historien et l'éditeur de textes : il a voulu donner un recueil de récits authentiques sur la mort des saints, sans glose ni complément, selon le texte original (La mort chré- tienne sur le modèle de celle de Notre Seigneur Jésus- Christ et de plusieurs saints et grands personnages de l'antiquité, le tout extrait des originaux, Paris, 1702; Ligugé, 1893). On peut négliger le petit livre intitulé : Pensées et conseils de Dom Mabillon, publié à l’occasion de son deuxième centenaire, par A.-J. Corbierre, Paris- Poitiers, 1908.
Mais Jean Mabillon appartient à l’histoire de Ia spiritualité par deux aspects : son travail d'édition et son Traité des études monastiques où il tente de définir la place de l’étude dans la vie spirituelle du moine. En 1647 et 1648, Grégoire Tarisse, supérieur général de la congrégation, avait tracé un vaste plan de travail pour les membres de son ordre, à réaliser sous la direc- tion de Luc d’'Achery {cf DS, t. 1, col. 175-177); tous ceux qui en seraient capables s’appliqueraient à réunir les documents de tout genre, utiles pour composer l’histoire générale de l’ordre, l’histoire particulière des principaux monastères, un vaste recueil contenant les Vies des saints bénédictins et une édition nouvelle des auteurs médiévaux (cf P. Denis, Documents sur l’organisation des études dans la Congrégation de Saint- Maur, dans Revue Mabillon, t. 6, 1910-1914, p. 133- 156, 437-458; t. 7, 1911-1912, p. 169-204). L'œuvre de Mabillon s'inscrit très exactement dans cette perspec- tive que les travaux d’autres mauristes débordent par ailleurs de manière notable (Écriture sainte, .patro- ‘ logie, théologie, philosophie, liturgie, histoire natio- nale et provinciale); lui s’en tient habituellement au domaine d’abord déterminé, et dont le but est de pro- mouvoir le renouveau de l’ordre par la connaissancé des grands siècles monastiques et de leurs œuvres.
La publication par Rancé de l’ouvrage De la sainteté et des devoirs de la vie monastique (1683) devait obliger Mabillon à préciser la pensée des moines de sa congréga-
1
3 MABILLON — MACAIRE D’ALEXANDRIE 4
tion”et la sienne propre sur les rapports de la vie spiri- tuelle et de la contemplation avec le travail intellectuel, tel qu’on le pratiquait à Saint-Maur, il le fit sans esprit de polémique, avec sérénité, même lorsqu’il dut répondre par un nouvel ouvrage à la réfutation que Rancé publia de son premier livre. La première réponse au livre de Rancé est de 1684, Réflexions sur les Devoirs monastiques avec les réponses à l’auteur de ce livre (Paris, 1684; cf Revue des sciences ecclésiastiques, t. 66, 1892, p. 440- 456); Mabillon n’y aborde qu’incidemment le problème des études. Ces Réflezions provoquèrent de la part de Rancé des Éclaircissements de quelques difficultés que l’on a formées sur le livre de la sainteté et des devoirs de la vie monastique (1685); Rancé y reprenait l’exposé de ses idées sur le travail intellectuel en une cinquantaine de pages (ch. 13). Laissant à d’autres le soin de répondre à certaines outrances de l’abbé de la Trappe, Mabillon mûrit longuement son Traité des études monastiques (1691) qui se limite au problème propre des études. Le livre nous intéresse ici dans la mesure où il traite des rapports entre les études et la vie spirituelle. Le Traité comporte trois parties; dans la première, Mabillon établit que le bon ordre ne peut régner dans les monas- tères où l’étude serait négligée;, dans la deuxième, il examine quelles sont les études propres aux moines; la troisième est consacrée aux fins principales des études monastiques.
Je ne prétends pas ici faire de nos monastères de pures académies de sciences. Si le grand Apôtre faisait gloire de n’en avoir point d’autre que celle de Jésus-Christ crucifié, nous ne devons point avoir aussi d’autre but dans nos études. Elles se doivent borner à former dans nous et dans les autres même, autant que nous pourrons, cet homme nouveau dont notre Sauveur nous a donné le modèle en sa personne sacrée. Toute science qui ne se termine pas à ce grand dessein, est plus nuisible qu’avantageuse (Épître dédicatoire).
Mabillon signale les deux écueiis de la vanité et de l’orgueil; ils seront évités, « si toutes vos pensées et tous vos desseins dans vos études se terminent à vous bien connaître vous-mêmes, pour en devenir plus humbles et pour vous cacher aux yeux du monde, et à connäître Dieu de plus en plus pour l’aimer et le servir plus parfaitement » f{ibidem). Le but essentiel des études est donc la connaissance de soi-même qui se traduit en humilité, la connaissance de Dieu qui se traduit en amour de charité : « La science sans charité enfle, mais il est certain aussi qu'avec le secours de la grâce, rien n’est plus propre à nous conduire à l’humi- lité, parce que rien ne nous fait mieux connaître notre néant, notre corruption et nos misères » (tbidem).
Dans son Traité, Mabillon se situe résolument dans l'hypothèse du monachisme de son époque où le moine de chœur doit aborder les études ecclésiastiques ; derrière les outrances de son adversaire, il n’a peut-être pas saisi l’intuition de Rancé pour qui ce type d’études n'était pas nécessaire au moine pour acquérir la «science des sciences ».
En quelques mois l’abbé de la Trappe rédigea une volumi- neuse Réponse au Traité des études monastiques (janvier 1692) où il eut le tort de situer le débat au niveau des personnes. Sur Pinstance de ses amis et des moines de Saint-Maur, Mabil- lon composa rapidement des Réflexions sur la Réponse au Traité des études monastiques (août 1692) où il distingue les études « communes » des études « particulières » et des études « extraordinaires », les personnes qui étudient et les sujets étudiés. Il maintient cependant que le moine, et tout homme qui cherche Dieu, ne peut que désirer le connaître davantage : « Quoi, on voudrait séparer la piété d’avec la véritél peut-il
donc y avoir contre la vérité une piété véritable et sincère? Les religieux doivent faire plus particulièrement profession que les autres de l’amour de la vérité en suivant et aimant Jésus-Christ qui est la vérité même » (T. Ruinart, Abrégé de la vie de D. J. Mabillon, Paris, 1709, p. 62).
La vie spirituelle est inséparable de la quête de Dieu par la voie de l'intelligence; cette certitude correspond à un aspect très profond de la spiritualité de Mabillon qui, quelques jours avant sa mort, disait à un jeune prêtre venu le visiter : « Soyez vrai en tout. Que votre sincérité aïlle jusqu’au scrupule ».
Le détail des œuvres de Mabillon se trouve dans P. Tassin, Histoire littéraire de la Congrégation de Saint-Maur, Bruxelles, 1770, p. 205-269; H. Wilhelm et U. Berlière, Nouveau Sup- plément à l'Histoire lütéraire.., t. 2, Paris, 1908, p. 1-33. La bibliographie parue lors du second centenaire a été relevée par H. Stein dans Mélanges et Documents publiés à l’occasion du 2e centenaire de la mort de Mabillon, coll. Archives de la France monastique, t. 5, Paris-Ligugé, 1908, p. XXXV-XLVLI; voir aussi À. Cioranescu, Bibliographie de la littérature française du 17e siècle, t. 2, Paris, 1969, p. 1312-1316. — La biographie la plus récente et la plus complète est celle de H. Leclercq, Mabillon, 2 vol., Paris, 1953-1957. Sur la question des études voir surtout J.-M. Besse, Les études ecclésiastiques d’après la méthode de Mabillon, Paris, 1900; Madeleine Laurain, Les . travaux d’érudition des Mauristes. Origine et évolution, dans Revue d'histoire de l’Église de France, t. 48, 1957, p. 231-272; F. Vandenbroucke, Les études dans la Congrégation de Saint- Maur, dans Los Monjes y los Estudios, 1v Semana de Estudios mongsticos, Poblet (1961), édité en 1963, p. 482-496.
DS, t. 4, col. 1497-1498 (S. Bernard); t. 2, col. 1401 (Confé- rences spirituelles); t. 4, col. 280 (lecture de PÉcriture).
Guy-Marie Oury.
MACABIAU (Cyprien), jésuite, 1846-1915. Voir DS, art. $S. Josepx, t. 8, col. 1313.
4. MACAIRE D'ALEXANDRIE ou Le CITADIN, moine {+ vers 394). — Macaire, moine d'Égypte, prêtre au désert des Kellia («les Cellules »), mourut centenaire vers 394, car Pallade, venu aux Kellia en 394, l'y connut pendant trois ans (Histoire lausiaque, ch. 48 début). Pour le distinguer de son homonyme et contempo- rain Macaire l’Égyptien (cf infra, col. 11-13), on le sur- nomma 6 Iloxrixéc, le Citadin. Il était en effet origi- naire d'Alexandrie où, selon Pallade, il était marchand de confiseries (la Vie copte prétend qu’il exerça la pro- fession de mime). Il se convertit à la vie monastique vers l’âge de quarante ans et se distingua par son goût pour les prouesses ascétiques. Ordonné prêtre, sans doute après 355, il fut le desservant de l’église des Kellia et, à ce titre, exerça l’autorité sur les moines de ce désert, qui étaient au nombre de six cents à la fin du &e siècle. Évagre, arrivé aux Kellia vers 385, y devint son disciple, et il semble que Macaire ait été spécialement en sympathie avec les moines origénistes groupés autour d'Évagre et d’Ammonios. Bien que fixé aux Kellia, il avait aussi une cellule à Nitrie et une autre à Scété, où il fut en relation avec Macaire FÉgyp- tien. Comme ce dernier, et d’autres moines de ce désert, il connut pendant quelques mois la déportation dans une île du Delta, lors de la persécution arienne, en 374. Socrate assure qu’il était d’humeur joviale et plaisan- tait volontiers avec les jeunes frères. Pallade le décrit comme un homme de petite taille, presque imberbe.
Ce Macaire semble n’avoir rien écrit. Les règles monastiques transmises en latin sous son nom, seul ou associé à d’autres (PG 34, 967-970, 971-982; cf GPL, n. 1840, 1842, 1859a, 1859b) ne peuvent lui être attri-
5 MACAIRE D'ALEXANDRIE — MACAIRE CHRYSOKÉPHALOS 6
buées : on n’a aucune preuve de l’existence d’une règle écrite aux Kellia, pas plus qu’à Nitrie ou à Scété, à cette époque. D'origine incertaine est aussi un discours sur le sort des âmes après la mort mis sous son nom (PG 34, 385-392c; conservé aussi en syriaque, mais sous le nom de Macaire l’Égyptien, cf A. Van Lantschoot, Révélations de Macaire et de Marc de Tamarqg& sur le sort de l’âme.., dans Le Muséon, t. 63, 1950, p. 159-189). Les diverses collections d’Apoph- tegmes des Pères ont recueilli plusieurs propos qui lui sont attribués {ou des anecdotes qui le concernent) : trois sous son nom dans la collection alphabétique, auxquels il convient d’en ajouter d’autres, difficiles à préciser, parmi ceux qu’on attribue à Macaire l’Égyp- tien.
Sources anciennes. — Pallade, Histoire lausiaque, ch. 18, éd. C. Butler, Cambridge, 1904, p. 47-58. — Historia mona- chorum in Ægypto, recension grecque, éd. E. Preuschen, Giessen, 1897, ch. 30, p. 92; éd. A.-J. Festugière, Bruxelles, 1961, ch. 23, p. 130-131; recension latine de Rufin, ch. 29, PL 21 (éd. 1878), 452c-455c. — Apophthegmata Patrum, col- lection alphabétique, PG 65, 304d-305a. — Socrate, Histoire ecclésiastique 1v, 23, PG 67, 513c-516a. — En copte : Vie de Macaire d'Alexandrie (acéphale, en réalité recension longue du chapitre de Pallade), éd. É. Amélineau, Histoire des monas- tères de la Basse-Égypte, coll. Annales du Musée Guimet 25, Paris, 1894, p. 235-261.
Déjà dans les sources les plus anciennes, les récits relatifs à Macaire d'Alexandrie et à son homonyme lÉgyptien sont souvent confondus. C’est à démêler cet écheveau que se sont efforcés, sans y parvenir pleinement, nombre d’auteurs modernes, depuis le 17e siècle.
Études modernes. — S. Lenain de Tillemont, Mémoires pour servir à l’histoire ecclésiastique des six premiers siècles, t. 8, 2° éd., Paris, 1713, p. 626-650. — H. J. Floss, De sanctorum Macariorum Ægyptit et Alexandrini Vitis quaestiones criticae et historicae, PG 34, 1-176. — J. G. Evelyn White, The Monas- teries of the Wädin Natrün, Part 11 : The History of the Monas- teries of Nitria and of Scetis, New York, 1932, p. 55-59, 90-91. — À. Guillaumont, Le problème des deux Macaire dans les Apophthegmata Patrum, dans Jrénikon, t. 48, 19795, p. 41-59. — Bibliotheca sanctorum, t. 8, 1967, col. 412-413 (J.-M. Sauget).
Antoine GUILLAUMONT.
2. MACAIRE CHOUMNOS, fondateur monas- tique byzantin (f vers 1880) — Né d’une illustre famille salonicienne dans la première moitié du 148 siècle, Macaire embrasse, jeune encore et malgré une santé délicate, la vie religieuse dans sa ville natale de Thessa- lonique. L’antipalamisme des Choumnos explique sans doute le conflit qui l’oppose à son directeur spirituel, au début de la crise hésychaste. En tout cas, son nom et sa sainteté lui attirent des disciples pour lesquels il entreprend, vers 1360 et à Thessalonique, la construc- tion d’un monastère, la Nea Moni. Avant 1374, l’empe- reur Jean v Paléologue l’appelle pour lui confier la direction du plus fameux monastère de Constantinople, le Stoudios. Macaire est bientôt nommé archimandrite et protosyncelle du patriarche. Au cours d’un voyage à Thessalonique où il peut admirer l’achèvement de la Nea Mori, il meurt vers 1380, entre les bras de son successeur, Gabriel (cf DS, t. 6, col. 14-15).
L'héritage littéraire, actuellement inventorié, de Macaire comprend :
1° Quarante-deux instructions ou catéchèses desti- nées aux moines de Nea Moni et de Stoudios. Ce recueil encore inédit, constitué d’abord à Constantinople, a été transmis par le codex 455 (15€ s.) de la bibliothèque du Saint-Sépulcre à Jérusalem, provenant de la Nea Moni (Papadopoulos-Kerameus). Retenons les homélies
sur l’Épiphanie (BHG, n. 1946x, 19324, 1945i), FHypa- pante (1960k), la fête de l’Orthodoxie (1394p}, la croix (4464), la Transfiguration (1995h), l’acathiste (1146h}, la Dormition (1087c), les apôtres (160m, 160n), la paix (dont la finale, consacrée à saint Démétrius, a été publiée, cf BHG, 547i) et l’Éloge de saint Théodore Stoudite (1759m), dont Macaire apparaît, par ses œuvres mêmes, un digne successeur.
29 Yrordrooic (titre d’éditeur) ou Adresse, sous forme de règlement, laissée aux moines de la Nea Moni avant le départ à Constantinople; c’est une sorte de rapport moral sur le personnel et l’état de la communauté.
30 Testament, composé vers la même époque pour le besoin spirituel des moines, sous forme d’entretien. Ces deux écrits se ressemblent et se complètent. On y trouve l’essentiel d’un livre de règle et d’un directoire. Mais, à la différence des typika byzantins, les direc- tives, tantôt pratiques, tantôt théoriques, n’y sont pas consignées selon un ordre rigoureux. Il s’agit plutôt d’un code d’expérience religieuse où les problèmes concrets de la vie monastique sont mêlés aux plus nobles spéculations sur l’union à Dieu.
49 Oraison funèbre des moines Acace et Grégoire, composée au Stoudios et expédiée avec une lettre d'envoi à la communauté de Thessalonique. « Je ne sache pas que la littérature monastique possède rien de pareil pour l’onction de ses envolées et ses accents balancés de chaude éloquence » (V. Laurent, présentation et éd.. des n. 20, 30, 40, Écrits spirituels inédits de Macaire Choumnos.. fondateur de la « Nea Moni ».…., dans ‘EXkmw- xd, t. 14, 1955, p. 40-86).
A. Papadopoulos-Kerameus, ‘Iepoooumrim BiBlobñun, t. 5, Pétrograd, 1915, p. 21-24. — V. Laurent, Une nouvelle fondation monastique des Choumnos. La Nea Moni de Thes- salonique, dans Revue des études byzantines, t. 43, 1955, p. 109- 430 (reprend l’introd. de l’éd. susdite, en corrigeant la date proposée pour le décès de Macaire, p. 114, n. 8). — L. Syndika- Laourdas, "Evxoptov els rdv dpytenloxonov Oeoox\ovixns T'afouñX, dans MaxeSowxé, t. 4, 1955-1960, p. 352-370. — Beck, p. 775. — R. Janin, Les églises et les monastères des grands centres byzantins, Paris, 1975, p. 398-399.
Daniel STIERNON.
3. MACAIRE CHRYSOKÉPHALOS, métro- polite, f 1382. — 4. Vie. — 2. Œuvres.
1. Vie. — Michel Chrysoképhalos {« Tête d’or», patro- nyme et non sobriquet, bien que le terme se prête à de pertinents jeux de mots, cf PG 150, 169-170; Gian- nelli, Codices.., p. 231) est né vers 1300, sans doute à Constantinople. C’est là qu’il embrassa la vie monas- tique sous le nom de Macaire, entre juillet 1327 et juin 1328, probablement dans un des trois monastères dédiés à la Sainte Trinité {cf PG 150, 173, 1e ligne).
En 1336, il est élu au siège métropolitain de Phila- delphie (Lydie). Dans la controverse barlaamite, son attitude, d’abord indécise, rejoint vite les positions de l’Église officielle, tout en restant critique à l’égard de certaines formules pseudopalamites, comme « déités plurales », « divinité supérieure et inférieure » (cf Vati- - canus gr. 1111, f. 237v). On le voit porter ou recevoir à cette époque les titres de « juge général des Romains » (= Byzantins) et de « didascale œcuménique ». Person- nage considérable auquel les patriarches de Constan- tinople confient divers mandats, il dit avoir bénéficié en rêve de grâces mystico-hiérurgiques où semble percer son aspiration à la dignité patriarcale (Manoussakas, p. 12, 17-18). Après la déposition de Calliste 1er (44 août 1353), il fut l’un des trois candidats élus par le synode
7 MACAIRE CHRYSOKÉPHALOS 8
et présentés à l’empereur, qui lui préféra un palamite inconditionnel, Philothée (cf A. Failler, La déposition du patriarche Cailiste 1°7.., dans Revue des études byzan- iines, t. 31, 1973, p. 99).
Sa métropole devait à sa « théophilie » d’être restée un bastion « imprenable » (Miklosich et Müller, n. 257, p. 510); cependant, en 1852, Macaire dépêcha à la cour pontificale d'Avignon une légation d’archontes phila- delphiens pour solliciter un secours militaire contre les turcs (Schreiner, p. 401-403). 11 mourut au terme d’un épiscopat long de quarante-six ans, au mois d’août 1382.
Notice précise avec renvoi aux sources (notamment Fr. Miklosich et J. Müller, Acta diplomatica graeca medii aevi sacra et profana, t. 1, Vienne, 1860) par R. Walther (p. 222-227), Ein Brief an Makarios, den Metropoliten von Philadelpheia, dans Jakrbuch der ôsterreichischen Byzantinistik, t. 22, 1978, p. 219-232 (lettre de Sophianos, sans doute Pantipalamite); Weitere Briefe an Makarios.…, t. 23, 1974, p. 217-227 (lettres de Makarios Paradeïissas et Théodore Meliteniotès).
M. Manoussakas, Maxaplou ŒuaSelpelac … dvéxSotæ xpovx& onuetouara (1344-1346), dans Thesaurismata, t. &, 1967, p. 6-19. — P. Schreiner, Zur Geschichte Philadelpheias im 14. Jahrhundert (1293-1390), OCP, t. 35, 1969, p. 375-417. — Sur l’importance de Philadelphie à cette époque, J. Dar- rouzès, Le registre synodal du patriarchat byzantin au x1v° siècle, Paris, 1971 (voir index).
2. Œuvres. — L'héritage littéraire de Chryso- képhalos, imposant par le volume et en grande partie inédit, appartient surtout au genre compilatoire.
19 Sous le titre de ‘PoSwwut (Roseraic), le hiéromoine Macaire a composé un florilège sententiel assez dispa- rate où les auteurs de l’antiquité classique voisinent avec des Pères de l’Église (Eusèbe, Théodoret, Ger- main de Constantinople, Photius) et des écrivains « modernes » {Théodore Prodrome, Pachymère, Nicé- phore Choumnos, Georges de Chypre). À noter des extraits des compositions hagiographiques de ce der- nier (BHG, n. 557, 654, 683, 1169) et des citations tirées d'un « Livre de commentaires des évangiles lus aux dimanches recueilli à partir de divers auteurs ». Le florilège comporte encore des Proverbes disposés selon l'alphabet, en huit centuries, sorte de condensé de la sagesse antique et de l’universel bon sens.
Inventaire du contenu, avec éd. de quelques passages, sur la base du ms autographe Marcianus gr. 452, par J.-B. Gaspard d’Ansse de Villoison, Anecdota graeca, t. 2, Venise, 1781, P. 4-79; analyse des extraits homilétiques reproduite en PG 150, 243-246. — Éd. des Proverbes par E. L. de Leutsch, Paroemiographi graeci. Diogenianus…, Macarius., éd. du Corpus paroemiographorum graecorum, t. 2, Gôttingen, 1851, (Hildesheim, 1958), p. 135-227.
29 Chaîne exégétique. — Dès l’âge le plus tendre, Macaire fut attiré par la Parole de Dieu, voie royale de l’amour, et par les meilleurs exégètes spirituels des oracles divins, les Pères de l’Église (PG 150, 240d- 241c). Encore laïc, il avait copié des poèmes de Gré- goire de Nazianze (Marcianus gr. 83, terminé le 2 juillet 1327); à la même époque, il avait lu « d’un seul trait » les écrits des cappadociens contenus dans l'actuel Parisinus gr. 479 (cf J. Darrouzès, Notes d'Asie Mineure, dans ’Apyeïov Ilôvrou, t. 26, 1964, p. 31, 35). Plus tard, il compila une triple chaîne exégético-patristique :
4) Sur la Genèse, œuvre non encore retrouvée dont l’auteur dit qu’elle était divisée en deux parties (Cosmo- gonie, Patriarches), pour un total de quarante logoi (PG 150, 244b).
2) Sur Matthieu (Eëgynoic….). Antérieur au précé- dent, cet écrit comportait trois livres, chacun divisé en vingt logoi (PG 150, 244a). Le premier, transmis par le ms autographe de la Bodléienne Baroccianus 156 (an. 1344), couvre les sept premiers chapitres jusqu’à Mi. 8, &; un autre ms autographe, Patmiacus 381 (an. 1349), donne le deuxième livre jusqu’à la Trans- figuration (17, 1-8). Le troisième livre semble perdu.
Éd. de la préface : PG 150, 240-241; titres des logoi du pre- mier livre et liste des auteurs cités, col. 171. — A. D. Kominës, Illvaues… matiutaexv xwSlxov, Athènes, 1968, n. 381, p. 18-19; Facsimiles of dated Paimian codices, Athènes, 1970, p. 34-35, pl. 3814. — N. Wilson, Mediaeval Greek Bookhands. Exarnples selected from Greek Manuscripts in Oxford Libraries, Cambridge, Mass., 1972-1973, n. 68.
83) Sur Luc, Ebayyouxüv Giévoux fmudrov. Compi- lation prévue en vingt-quatre logoi selon les lettres de l’alphabet (incipit de chaque logos), d’où le nom de Megalè alphabètos, en référence à Apoc. 21, 6; 22, 18. Macaire annonce qu’il traitera seulement les péricopes non évoquées par Matthieu, depuis la conception de Jean Baptiste jusqu’à la Pentecôte (prologue, PG 150, 2&4bc).
Voici la succession des logoi d’après le pinax du Vaticanus gr. 1437,1. 2-7v :
1. Naïssance de Jean Baptiste (Luc 1, 1-25 et 51-80, 14 chap.; BHG Auctarium, 843i); 2. Annonciation (1, 24-38, 10 ch.; Auct., 1058b); 8. Orthroi des fêtes de la Theotokos (1, 39-56, 7 ch.; Auct., 1085r); 4. Vigile de Noël (2, 1-20, 13 ch.; Auct., 1894h); 5. Circoncision (2, 20-21 et 41-52, 11 ch.) ; 6. Hypapante {2, 22-40, 10 ch.; Auct., 1955m); 7. Vigile de l’Épiphanie (3, 1-22, 14 ch.; BHG, 1932a, avec les mss signalés dans lAuct.); 8. bon samaritain (10, 25-37, 7 ch.); 9. riche insensé (12, 16-21, 8 ch.); 10. invités au repas (14, 16-24, 7 ch.); 11. enfant pro- digue (15, 11-32, 16 ch.}; 12. le riche et Lazare (16, 19-31, 41 ch.}); 13. publicain et pharisien (18, 10-14, 43 ch., en fait & ch. seulement dans ce codex); 14. la parousie (Af4. 25, 31-46, 16 ch.); 15. Transfiguration {Afe. 17, 1-9, 45 ch.; Auct., 1992p); 16. résurrection de Lazare (Jean 11, 1-46, 18 ch.; Auect., 222ît; manque dans le ms analysé).
On notera que le programme primitif, si le témoin est fidèle, n’a pas été rempli : l’alphabet s’arrête à la lettre II, et Lucest abandonné à partir du logos 14.
Cette œuvre peut être considérée comme une reprise de la chaîne sur Luc de Nicétas d’Héraclée. Sickenber- ger et Reuss l’ont établi pour les logoi 14-16. Notre analyse des Vaticanus gr. 1437 et 1610, confrontés avec Athos, Ioiron 371 (éd. Krikônès), confirme les résultats pour l’ensemble de la chaîne. L’examen de la chaîne sur Matthieu, escamoté par Reuss (p. 112), abou- tirait sans doute aux mêmes résultats. Aux auteurs cités par Nicétas, Macaire associe cependant, outre Nicétas lui-même auquel il s’identifie parfois, Grégoire le Thaumaturge, Basile de Séleucie, Léon le sage, Psellos, Théophylacte, Élie de Crète et Manuel Gramma- tikos.
Son apport original (lemmes indiqués par un chrisme avec « et «) concerne le plus souvent l’exorde, les raccords et la conclusion des scholies; il accentue ainsi le ton parénétique de la chaîne, dont les éléments sont du reste agencés en fonction des lectures prévues pour les dimanches et les fêtes du calendrier byzantin. Méritent une mention spéciale les considérations per- sonnelles de Macaire sur l’agapè (logos 8; Vat. gr. 1437, Î. 254-255, 260, 263, 264v, 270v, 271-274, 277-280), la metanoia (logos 11, f. 320v-321, 330, 336v-337v, 339v-341, 346-348, 353, 355v, 358v), les béatitudes (f. 459v-461) et la citation du tome synodal de 1341
9 MACAIRE CHRYSOKÉPHALOS — S. MACAIRE DE CORINTHE 10
(n. 45-46) à propos de la vision thaborique (logos 15, Ê. 506v-507 — PG 151, 688bc).
Éd. de la préface avec trad. latine : G. Pasini, Codices manuscripti bibliothecae regiae Taurinensis Athenaei, t. 2, Turin, 4749, p. 488-190; texte repris sans le début en PG 150, 241-244. — 3. Sickenberger, Titus von Bostra. Studien zu dessen Lukashomilien, TU 21, Leipzig, 4901, p. 47-50, 67; Die Lukas- katene des Niketas von Heracleia, Leïpzig, 1902, p. 66-68, 102- 106. — J. Reuss, Matihäus-, Markus- und Johannes-Katenen nach den handschrifilichen Quellen untersucht, Münster, 1941, P. 112-114, 216-247. — Ch. Th. Krikônès, Zuvayoya Ilatépov.., Thessalonique, 1973.
30 De l’œuvre oratoire du métropolite de Phila- delphie on a très tôt recueilli une série de quatorze longs sermons (divisés en chapitres ou lectures en cer- tains mss) disposés selon l’ordo byzantin :
4) Neuf chœurs des anges et Michel (BHG, 129); 2) Michel et Gabriel (BHG, 1294); 3) Hypapante (BHG, 1974); &) Orthodoxie (BHG, 1394e); 5) Adoration de la croix (BHG, 422s); 6) Rameaux; 7) Résurrection du Christ; 8) Femmes myrophores et Joseph d’Arimathie; 9) Ascension; 10) Jean l'évangéliste (BHG, 932); 11) Naïssance de Jean Baptiste (BHG, 852); 12) Transfiguration (BHG, 1991); 13) Décol- lation de Jean Baptiste (BHG, 860); 14) Exaltation de la croix (PG 150, 173-232; BHG, 417). A quoi il faut ajouter une homé- lie sur l’Annonciation (BHG Auct., 1092u).
Cette œuvre s’inscrit dans la grande tradition chrysos- tomienne, que Macaire avait d’ailleurs bien saisie dans ses Chaînes. L'éditeur souligne la valeur théologique du sermon sur Jean l’évangéliste, parce qu’il y voit une arme contre le Filioque. Là pourtant ne réside pas l'intérêt de cette parole imagée, nourrie de la Bible, toute orientée vers l’éducation de la foi et l’édification du peuple chrétien, avec une prédilection pour le thème de la lumière et le mystère de la Transfiguration, en accord avec les sympathies palamites de Macaire, qui n’ont cependant rien d’exacerbé. A elle seule l’admi- rable finale de cette homélic sur Jean, — une fervente exhortation à l'Occident et à l'Orient pour construire fra- ternellement la Jérusalem nouvelle —, suffirait à définir Macaire comme un homme de paix et un homme de Dieu.
A6yor ravnyuptxol…, Kosmopolis (= Vienne}, s d (1793?); éd. des homélies d’après un ms défectueux; on peut combler les lacunes des sermons pour la fête de l’orthodoxie (p. 109- 110) et la résurrection (p. 191-192) en recourant à d’autres témoins, p. ex. Vaticanus gr. 1597 (fin 14e s.), f. 581-599, 120 v1°- 121v%; sur ce ms, C. Giannelli, Codices vaticant graeci… 1485- 1683, Cité du Vatican, 1950, p. 231. — Éd. sur une base plus large de la fin du-sermon 10 : P. Schreiner, Zur Geschichte., p. 426-427. — A. Ehrhard, Ueberlieferung und Bestand der hagiographischen und homiletischen Literatur der griechischen Kirche., t. 3, TU 52, Leipzig, 1939-1952, p. 690-695, 869, 1032 n. 2.
&° Autres écrits. — 1) Une belle prière (au Christ) à l’occasion d’une attaque des barbares (PG 150, 237-239). Macaire y proclame la grandeur de Dieu et sa confiance en la miséricorde divine, malgré le triomphe momen- tané des turcs. — 2) S’il est bien de notre Chrysoké- phalos, le petit texte Sur le terme de la vie humaine (Vaticanus gr. 215, Î. 10rv), apparemment inédit, pour- rait appartenir à une de ses œuvres maîtresses. L'auteur s’en prend au fatalisme, « conte de vieille femme et de charlatan »; grâce à Dieu (cf Ps. 49, 45; 90, 46), l’homme est en quelque façon maître de son destin. — 3) Vie de Mélèce le galésiote (BHG, 1246a), qui confessa la foi orthodoxe én refusant l’union du concile de Lyon 11 (cf DS, i. 8, col. 1134, et sa notice, infra).
DTC, t. 9, 1927, col. 4445-1849 (L. Petit}. — Beck, p. 787, 790. — J. Meyendorff, Introduction à l'étude de Grégoire Pala- mas, Paris, 1959, p. 122-123, 392. — A. Turyÿyn, Dated Greek Manuscripts of the thirteenth and fourteenth Centuries in the Libraries of Italy, Urbana, 1972, p. 157-164, 168-172.
Daniel STIERNON.
4. MACAIRE DE CORINTHE (saint), métropolite et ermite, 1731-1805. — 1. Vie. — 2. Œuvres.
4. Vie. — Né à Corinthe en 1731, Michel (nom de baptême) Notaras embrassa la vie monastique au Mega Spèlaion (entre Corinthe et Patras), pour revenir peu après dans sa ville natale comme maître d’école (1758-1764). Il succéda au métropolite de Corinthe Parthenios + 1764, mais dut bientôt quitter le Pélo- ponnèse révolté contre les turcs (1768), avant de se voir privé juridiquement de son siège par le patriarche Théodose, à la demande de la Sublime Porte (1773). Il mena dès lors une vie errante en Grèce insulaire. Il se serait volontiers fixé à l’Athos, si la Sainte-Montagne lui avait paru vraiment digne de ce nom. Contre cer- tains moines athonites, il s’engagea dans la controverse des colybes {(offrandes à l’occasion de la commémoraison des défunts), par égard pour la signification tradition- nelle du dimanche. En revanche, il fut soutenu par les représentants de la meilleure tradition hagiorétique dans sa prise de position en faveur de la réception fréquente de l’eucharistie. Il mourut le 16 avril 1805, près de Chio, dans un ermitage qui porta bientôt son nom, car la voix populaire s’empressa de canoniser linfortuné prélat auquel on attribuait des miracles posthumes. Sa fête se célèbre le 17 avril dans l’ortho- doxie. ‘à
2. Œuvres. — En coilaboration avec ses amis Nicodème l’hagiorite et Athanase de Paros, Macaire de Corinthe a fait paraître anonymement quelques ouvrages significatifs qui lui ont mérité, avec eux, le titre de principal artisan de la renaissance hésychaste au 18 siècle.
49 Enchiridion apodiktikon « sur l'utilité pour les chrétiens de la fréquente communion aux saints mys- tères », Venise, 1777 (Legrand, n. 880, p. 238). Inspiré du Breve tratado de la comuniôn cuotidiana (1675) de Miguel de Molinos (cf sa notice, infra), cet ouvrage préconise la communion fréquente -en invoquant l’Ecri-
‘ture et la tradition et en réfutant les objections des
adversaires. Ïl est parfois attribué à Néophyte le causo- calybite et communément à Nicodème l’hagiorite; ce dernier l’a en effet refondu et publié anonymement sous le titre Livre très utile à l’âme sur la communion fréquente, Venise, 1783 (Legrand, n. 1095, p. 398). En avril 1785, un décret du Saint-Synode présidé par le patriarche Gabriel condamna ce factum anonyme; mais une lettre du patriarche Néophyte (1789-1794) à Macaire lui-même déclara que « son » ouvrage, soumis à l’examen du syno- de patriarcal, avait été jugé « utile à l’âme et salutaire »; l'index était donc supprimé. (cf Mansi, t. 38, col. 981- . 982).
20 Philocalie des saints neptiques, Venise, 1782 (Le- grand, n. 1086, p. 391-394), célèbre recueil ascétique (cf DS, t. 8, col. 1140-1441; 3e éd., 5 vol., Athènes, 1957-1963), souvent attribué aussi au seul Nicodème l’hagiorite. — 39 La doctrine orthodoxe, Leïpzig, 1782 (Legrand, n. 1079, p. 383-385), traduction en néo-grec du Catéchisme de Platon Leväin, métropolite de Mos- cou. — 4° La plantureuse Synagôgè de Paul Ever- getinos + 1054 (BHG, 14505), Venise, 1783 {cf DS, t. 5,
11 S. MACAIRE DE CORINTHE — MACAIRE L'ÉGYPTIEN 12
col. 502-503; dernière éd., 4 vol., Athènes, 1957-1966). — 5° La lettre-préface de Macaire (1785) au Filet apos- tolique de Jean de Myre (DS, t. 8, col. 640), atteste l’inté- rêt qu’il portait à cet autre recueil édifiant. — 6° Réédi- tion de l’Apologie chrétienne d’Athanase de Paros, Leipzig, 1805. ;
79 Néov Aemucœvéprov, œuvre posthume publiée par un disciple, Nicéphore de Chios, en collaboration avec Athanase de Paros, Venise, 1819; recueil hagiographique en néo-grec contenant, selon le sous-titre, « des martyres anciens et nouveaux et des vies de saints », disposés d’après les fêtes du calendrier. Sont signées expres- sément par Macaire les Vies suivantes (plusieurs sont des traductions de textes byzantins) : Auxibios le thau- maturge, Philothée d'Athènes + 1589, Taraise de Cons- tantinople, martyrs d’Amorion, Christodoule de Pat- mos, Kodratos de Corinthe, néo-martyr Mètros + 1794, Barnabé, Christodoule et Ghristophore (avec historique de l’icône mariale de Soumela), Denys le jeune, arche- vêque d’Égine + 1624, Joseph Samakos le crétois + 1611.
Athanase de Paros, Vie de Macaire de Corinthe, dans’ AxokovBlx vob... Moxaplou … toù Norap&, Chios, 1863, p. 18-51, plusieurs rééd. (cf L. Petit, Bibliographie des acolouthies grecques, Bruxelles, 1926, p. 131-132). — DTC, t. 9, 1927, col. 1449- 1452 (L. Petit). — E. Legrand, Bibliographie hellénique.. au 18e siècle, t. 2, Paris, 1928. — E. Herman, Die haüfige und tägliche Kommunion in den byzantinischen Klôstern, dans Mémorial L. Petit, Bucarest, 1948, p. 215-216. — M. A. Basi- lakès, ‘O Koplvôou Maxépos…, Athènes, 4950. — K. B. Skou- terès, Maxéptoc Norap&…, Athènes, 1957. — G. Konidarès, 'Exnotaorum loroplæ Tic “EAAéSoc, t. 2, Athènes, 1960, p. 708-718. — M.-J. Le Guïllou, La renaissance spirituelle du 18e siècle, dans Jstina, t. 7, 1960, p. 114-128. — C. Cavarnos, St. Macarios of Corinth, dans St. Vladimir Theological Quar- terly, t. 12, 1968, p. 30-43. — Ch. S. Tzogas, ‘H nspl uymuooüvev pis év T® &ylo “Oper., Thessalonique, 1969.
Voir aussi la bibliographie qui sera donnée à ÜWicodème l’hagiorie, dont le nom a éclipsé celui de son ami et collabora- teur, au point que la nouvelle Encyclopédie religieuse et morale d'Athènes, qui fait aussi une large place à Athanase de Paros, ne consacre aucune notice à nolre Macaire, signalé seulement en quatre lignes dans la liste @es métropolites de Corinthe {t. 7, 1965, col. 859).
Daniel STIERNON.
5. MACAIRE L'ÉGYPTIEN ou LE GRranp, moine (f vers 390). — Initiateur de la vie monastique au désert de Scété, et l’un des plus célèbres moines d'Egypte au 4 siècle, ce Macaire naquit vers 300 dans un village situé au sud-ouest du Delta, appelé Jijbér. Il mena d’abord la vie ascétique à proximité d’un autre village des environs. C’est vers 330 qu’il s’établit au désert de Scété, l’actuel Ouadi Natroun, site qu’il connaissait pour y être venu chercher du nitre, étant jeune, avec les gens de son village. Il commença par séjourner dans la partie centrale du ouadi, d’abord à proximité des lacs qui en occupent le fond, puis plus au sud, dans la région désertique de l’actuel couvent Deir Baramous, où il s’aménagea une grotte à deux pièces (l’une servant d’oratoire) dans une butte rocail- leuse. Plus tard, il gagna l’extrémité orientale du ouadi, dans le voisinage de l’actuel couvent qui porte son nom, le Deir Makarious. Lors de la persécution arienne en 374, il fut déporté pendant quelques mois dans une île du Delta, avec son homonyme Macaire d'Alexandrie {cf supra, col. 4-5) et d’autres moines. Quand Pallade arriva aux Kellia, en 891, Macaire était mort depuis un an environ, âgé de quatre-vingt-dix ans (Histoire lausia- que, ch. 17 fin).
Les sources coptes ont tendance à exagérer l’impor-
tance des rapports de Macaire avec saint Antoine, le « Père des moines »; elles vont jusqu’à le confondre avec Macaire de Pispir, le disciple qui assista aux derniers moments de saint Antoine et l’ensevelit. Ces rapports n’en furent pas moins réels et le fondateur de Scété peut, dans une certaine mesure, être considéré comme un authentique disciple d’Antoine. Les Apophthegmata Patrum ont conservé le souvenir de deux visites qu’il lui rendit (« Macaire l'Égyptien », & et 26). C’est, semble- t-il, sur le conseil d'Antoine qu’il accepta d’être ordonné prêtre, à l’âge de quarante ans. C'était une dizaine d’années après sa venue à Scété, et déjà de nombreux ascètes vivaient auprès de lui, à son exemple et sous sa direction. Selon Cassien (Conférences x, 2, SC 54, 1958, p. 76), qui séjourna à Scété peu après la mort de Macaire, il y avait alors dans ce désert quatre congrégations de moines, chacune ayant son prêtre et son église.
Tout en étant réservé et même austère dans son abord (cf Socrate, Histoire ecclésiastique 1v, 28), il se montrait plein d’indulgence et de douceur (Apophithegmata, « Ma- caire l’Égyptien », 3 et 21), même à l’égard des païens (chbidem, 39). Il jouissait d’une grande autorité et d’un
immense prestige auprès des frères, qui le considéraient
comme « un dieu sur la terre » (32). Il se distinguait
surtout par son don de discernement, et cela dès sa
jeunesse, ce qui le fitsurnommer rudæproyépov, le « vieil- lard enfant ». Évagre, en résidence aux Kellia, à quel- que quarante kilomètres de Scété, allait le consulter et l’appelait « notre maître » (cf Traité pratique, ch. 93, SG 471, 1971, p. 696-697; ch. 29, p. 566-569). Dès le lende- main de sa mort, la légende s’empara de sa mémoire et de nombreux récits de miracles, guérisons, voire résurrections, se répandirent sur lui, rapidement confondus avec ceux qui se propagèrent pareïllement sur son homonyme, Macaire d'Alexandrie.
L’autorité de Macaire a fait passer sous son nom les Hormélies spirituelles et l’ensemble de la littérature dite « macarienne » qui ont une tout autre origine; cf l’art. Macaire (pseudo-), infra, col. 20-43. Parmi les lettres parvenues sous son nom, une seule (que lui attribuait déjà Gennade, De viris illustribus 10, éd. E.C. Richard- son, TU 14, 1, Leipzig, 1896, p. 64-65) a quelque chance d’être authentique, la lettre Ad filios Dei, conservée en version latine (PG 34, 405a-410b; éd. critique A. Wil- mart, RAM, t. 4, 1920, p. 58-83). Un texte grec, récem- ment découvert, est encore inédit. Macaire y décrit les différentes étapes de la vie spirituelle, depuis la conver- sion jusqu’à la réception de l’Esprit, en passant par les diverses tentations et épreuves qui jalonnent ce chemin, insistant sur l’humilité nécessaire pour le parcourir jusqu’au bout. Cette lettre est conservée aussi en syria- que, en arménien et, partiellement, en copte (dans le recueil dit Des vertus de saint Macaire). En revanche, une « Première lettre de Macaire », conservée en géorgien, paraît être une œuvre différente (cf G. Garitte, Cata- logue des manuscrits géorgiens du Mont Sinaï, CSCO 165, 1956, p. 111-112, Les feuillets géorgiens de la collec- tion Mingana, dans Le Muséon, t. 73, 1960, p. 247-249). La collection alphabétique des Apophthegmata Patrum a recueilli sous le nom de « Macaire l’Egyptien » quaran- te et un apophtegmes, dont certains concernent plutôt Macaire d'Alexandrie; cette confusion se retrouve dans toutes les sources anciennes, cf supra, col. 4-5.
Sources anciennes. — Pallade, Histoire lausiaque, ch. 17, éd. G. Butler, Cambridge, 1904, p. 43-47. — Historia mona- chorum in Ægypto, recension grecque, éd. E. Preuschen, Giessen, 1897, ch. 28, p. 86-90; éd. A.-J. Festugière, Bruxelles,
13 MACAIRE L'ÉGYPTIEN — MACAIRE MAGNÉS 14
1961, ch. 21, p. 123-128; recension latine de Rufin, ch. 28, PL 21 (éd. 1878), 449c-452c. — Apophthegmata Patrum, col- lection alphabétique, PG 65, 257c-281b. — Socrate, Histoire ecclésiastique 1v, 28, PG 67, 513c-516a.
Dossier copte : Vie d'abba Macaire, père des moines de Scété, éd. É. Amélineau, Histoire des monastères de la Basse-Égypte, coll. Annales du Musée Guimet 25, Paris, 1894, p. 46-117; cette Vie attribuée à Sérapion de Thmuis est en réalité un document bien postérieur, probablement du 8e siècle; une version syriaque est éditée par P. Bedjan, Acta martyrum et sanctorum, t. 5, Paris-Leipzig, 1895, p. 177-262; une version arabe est inédite. — Recueil intitulé Des vertus de saint Macaire, éd. É. Amélineau, ibidem, p. 118-202 (compilation formée d'éléments d’origine diverse), suivi d’un recueil d’Apophtegmes, p. 203-234 (où l’on retrouve, parmi d’autres, la plupart des apophtegmes de la collection alphabétique grecque).
Études modernes {cherchant notamment à démêler ce qui revient à chacun des deux Macaire). — $S. Lenain de Tillemont, Mémoires pour servir à l’histoire ecclésiastique des six premiers siècles, t. 8, 2e éd., Paris, 1713, p. 574-620. — H. J. Floss, De sanctorum Macariorum.… Vitis quaestiones criticae et historicae, PG 34, 1-176. — H. G. Evelyn White, The Monasteries of the Wädi’n Natrûn, Part 2 : The History of the Monasteries of Nüitria and of Scetis, New York, 1932, p. 60-72, 118-120. — À. Guillaumont, Le problème des deux Macaire dans les Apoph- thegmata Patrum, dans Jrénikon, t. 48, 1975, p. 41-59. — Bibliotheca sanctorum, t. 8, 1967, col. 425-429 (J.-M. Sauget).
Sur la lettre Ad filios Dei : éd. A. Wilmart, supra; CPG 2, p. 75. — C.-L. Marriott, Macarius of Egypt. His Epistle ad Filios Dei in Syriac, et Gennadius of Marseilles on Macarius of Egypt, dans Journal of theological Studies, t. 20, 1919, p. 42- && et 347-849. — A, Baumstark, Eine syrische Uebersetzung des Makariosbriefes « ad filios Dei », dans Oriens christianus, t. 9, 1919, p. 130-132. — Pour la doctrine : P. Resch, La doc- trine ascétique des premiers maîtres égyptiens du quatrième siècle, Paris, 1931, p. 39-41.
Antoine GUILLAUMONT.
6. MACAIRE MAGNÈS, apologiste grec, fin
&e siècle? — 1. Personne et œuvre. — 2%. Doctrine. 4. La personne et l’œuvre. — Macarios Ma-
gnès est connu comme l’auteur de l’Apocriticos, une apologie du nouveau Testament tombée dans un oubli assez injuste.
Le nom a été parfois traduit par « le bienheureux Magnès »; il semble pourtant que le premier terme soit un appellatif, Je second une épithète d’origine : « Macaire le magnésien », ou « de Magnésie » (il existait deux villes de ce nom en Asie mineure, une en Carie, l’autre en Lydie). Faut-il l'identifier avec le « Macaire, évêque de Magnésie », accusateur d’Héra- clide d’Éphèse au synode du Chêne (403), où fut déposé Jean Chrysostome (cf DS, t. 8, col. 335)? D’après le résumé des “Actes du synode transmis par Photius (Bibliotheca, codex 59, éd. R. Henry, collection byzantine, G. Budé, t. 1, Paris, 1959, p. 52-59), le grief majeur fait à Héraclide était d’être « un sectateur d’Origène »; son accusateur devait donc être anti-crigéniste, ce qui s’accorde mal avec l'esprit de }’Apo- criticos. A l’inverse, plusieurs notations de cet ouvrage (dif- fusion du monachisme et du manichéisme, allusion à la cité d’Antioche, théologie trinitaire proche de celle des cappado- ciens) suggèrent que l’auteur vivait à la même époque et dans la même région que le Macaire du synode.
Le texte (sur son histoire complexe, voir G. Schalk- hausser, Zu den Schriften des Makarios von Magnesia, TU 31, &, Leipzig, 1907} est cité pour la première fois
dans la Refutatio et eversio de Nicéphore, patriarche de
Constantinople (805-815; l’éd. princeps de cet ouvrage est préparée par P.S. Alexander), pour réfuter les argu- ments que les iconoclastes prétendaient en tirer.
Dès les premières années du 12e siècle, Jean l’Oxite d’Antioche (cf DS, t. 8, col. 641-645) rapporte dans son florilège Sur les purs et divins mystères (DS, t. 5, col. 504-505) un frag-
ment de l’Apocriticos sur l’eucharistie, qui sera plus largement exploité par le jésuite Francesco Torrès 1584 au temps de la controverse contre les protestants. Puis tous les mss connus disparaissent jusqu’au moment où A. Dumont découvre en 1867 à Athènes une copie incomplète. L'édition en est pré- parée par Ch. Blondel et publiée, après la mort prématurée de celui-ci, par P. Foucart : Moxaplou Méyynros "Amoxpurixdc Movoyevhc, Paris, 1876. Le ms d'Athènes ayant disparu à son tour, l’ouvrage n’est plus accessible que dans cette édition; une autre, avec trad. franç., est en préparation pour la col- lection Sources chrétiennes.
Les fragments d’homélies sur la Genèse mis sous le nom de notre Macaire dans différents mss sont inauthentiques (cf Schalkhausser, p. 113-185), sauf une page « de Macarios Magnès, du 17e discours sur la Genèse » (Vaticanus gr. 2022, f. 286, 11e5s.), découverte par J.-B. Pitra et publiée par lui avec trad. latine (Analecta sacra et classica…, Paris-Rome, 1888, p. 32- 34); ce fragment commente Gen. 3, 21 dans la ligne d'Origène, identifiant les « tuniques de peau » au corps humain matériel.
L’Apocriticos comprenait cinq livres (Fr. Torrès a vu un ms complet à la Marciana de Venise), rapportant chacun une journée de discussion entre un «philosophe» païen et l’apologiste chrétien. L'édition Blondel-Foucart en a conservé une bonne partie : quelques lignes de 1 {venues de Nicéphore), 11 amputé des ch. 1-6, 111 en entier, 30 ch. de 1v. Il faut y ajouter un fragment du livre v, sur la foi d'Abraham, cité en grec et traduit en latin par Fr. Torrès (Dogmaticus de tustificatione… adversus Luteranos, Rome, 1557, f. 36b-38a; les deux textes dans Schalkhausser, p. 74-76; grec seul dans T.W. Crafer, Macarius Magnes. À neglected Apologist, dans Journal of Theological Studies = JTS, t. 8, 1906-1907, p. 558-559, repris avec trad. franç. dans R. Waelkens, L'économie, p. 303-305). Enfin G. Mercati a découvert dans le Vaticanus gr. 1650, f. 187rv (11€ s.), une table des chapitres pour les livres 1-r17 (Wuove note di lette- ratura biblica e cristiana antica, coll. Studi e Testi 95, Vatican, 1941, p. 49-71; les titres de.11, 4-5 sont indé- chiffrables).
L’ouvrage ne répond en rien à notre idée du dialogue. Les objections se succèdent par séries de six à dix, suivies de la série parallèle des réponses. La discussion se réduit à un artifice de rédaction : il n’y a ni échange, ni même de véritables interlocuteurs, mais une alter- nance de questions et de réponses, selon un procédé didactique bien connu dans l’antiquité.
Les publications suscitées par l'édition de Blondel se caractérisent par l’intérêt exclusif porté aux objec- tions et par l'indifférence massive à l’égard de l’apolo- gétique de Macarios.
Il est vrai que ces objections sont précieuses, rares vestiges de la polémique païenne contre le christianisme. Tandis que L. Duchesne (De Macario Magnete et scriptis ejus, Paris, 1877) et T.W. Crafer (art. cité, JTS, 1906-1907, p. 401-423, 546-571) y voyaient des reliques de l’’Aanôñç A6yoc de Hiéroclès de Bithynie, A. von Harnack y reconnut des fragments du traité de Porphyre Contre les chrétiens (Kritik des neuen Testaments von einem griechischen Philosophen des 3. Jakrhunderts.., TU 37, 4, Leipzig, 1911). Opinion nuancée depuis : les objec- _ tions ne reproduisent qu’indirectement l'ouvrage de Porphyre et ne lui sont sans doute pas toutes empruntées (cf T.D. Barnes, Porphyry « Against the Christians »: Date and Attribu- tion of the Fragments, JTS, nouv. série, t. 24, 1973, p. 424-442). Macarios lui-même n'’attribuait pas à Porphyre les objections qu’il réfute; bien mieux, il cite parfois celui-ci comme une autorité digne de foi (111, 42, p. 146).
2. La doctrine. — 1° L’HERMÉNEUTIQUE DE Macarios. — L'intérêt de cette apologétique échappe à qui veut y voir une véritable discussion, où Macarios
15 MACAIRE MAGNÈS 16
apparaît incapable de résoudre les difficultés philo- sophiques et critiques proposées par son adversaire. Tel n’est pas son point de vue, mais il voit dans le « Philosophe » le représentant d’une manière ruineuse d'aborder l’Écriture. Qu'elle soit pratiquée par un grec, un juif ou un chrétien, elle compromet l’économie. Toute exégèse littéraliste qui s’arrête aux mots et les isole de leur contexte est aveugle au sens de l’Écriture. Sans doute Macarios n’était-il pas armé pour affronter son adversaire sur le terrain de la philologie ou de l’histoire. De toute façon, il ne semble pas s’en soucier. Ce qu’il reproche au Philosophe, c’est le principe même de son exégèse. Ce qu’il lui oppose, c’est une autre herméneutique qui entend dépasser la lettre et découvrir le sens de chaque passage en fonction de l’ensemble de l’Écriture.
Sur ce point Macarios n’innove pas, sinon peut-être dans son acharnement à justifier sa méthode, non seu- lement parce que le langage biblique est imagé, mais avant tout parce qu’il est prophétique. Tout l’ancien Testament annonçait mystérieusement Jésus : seule est légitime l'interprétation qui y reconnaît cette annonce, de même que seule est complète la lecture du nouveau Testament qui y discerne l’accomplissement des promesses de l’ancien. La norme de ce dépasse- ment de la lettre, c’est l’économie, la cohérence du plan voulu par Dieu et exécuté tout au long de l’histoire. L’exégète aura donc à découvrir le sens de chaque fait biblique particulier en le situant par rapport à cette économie. D’où la méthode allégorique, si déconcer- tante pour le lecteur contemporain : souvent gratuite au plan de l’exégèse historique, elle n’en souligne pas moins cette exigence fondamentale en vertu de laquelle une lecture actualisante de l’Ecriture n’est possible que dans le droit fil d’une tradition vivante.
29 LA ruéoLociEe. — Ce n’est que dans ce sens que l’on peut parler d’une doctrine de Macerios. $’il n’y a pas trace chez lui d’une synthèse rationnelle, d’un système clairement explicilé, il n’en bénéficie pas moins des convergences élaborées peu à peu par une tradition exégétique, si bien qu’il nous est possible de reconstituer à partir de ses interprétations fragmen- taires une vue assez cohérente de sa théologie. Celle-ci s'articule nettement sur le schéma de l'échange (sur ce thème dans la tradition grecque, cf DS, t. 6, col. 822- 823) : « Dieu s’est fait homme pour que l’homme soit déifié ». Jamais explicitée sous cette forme, l’idée est partout sous-jacente aux arguments de Macarios. Sou- lignons quelques points caractéristiques de sa manière.
1) La doctrine de la création, peu développée, reprend systématiquement le thème stoïcien de l’anthropocen- trisme : le monde n’a de sens que par la présence de l’homme. D'où il résulte que Ia chute d'Adam ruine le cosmos tout entier. Sur la nature de cette chute, Macarios semble hésiter : d’une part il accepte le récit de Gen. 3; de l’autre il fait écho aux conceptions origéniennes d’une chute dans la matière et, dans la même mesure; à une sotériologie dématérialisante. Sur ce point, sa théologie, mal unifiée, propose en même temps une image du mal résultant de la tyrannie du démon, établie du reste grâce à la complicité de l’homme. Il insiste fortement sur l’économie de la loi, préparation morale du salut et annonce anticipée du Sauveur, mais étape de transition destinée à être dépassée.
2) La christologie de Macarios répond au type Logos- sarz et s'oppose fermement au schéma Logos-anthropos. - Attribuer à l’homme Jésus quelque activité que ce soit,
même apparemment humaine, c’est camper en face du Logos incarné un drAdç évfponos (un sujet pure- ment humain), et tomber dans l’hérésie « juive » des « deux fils ». Ces affirmations plusieurs fois reprises per- mettent de situer Macarios au sein des controverses christologiques qui précédèrent la crise nestorienne. Fait caractéristique : l’A pocriticos considère comme soli- daires l’exégèse littérale de la Bible et l’accentuation de l’humanité du Christ (notons cependant l’absence totale d’allusions à l’apollinarisme). D’où une nouvelle cohérence des réponses à son adversaire païen : bien des objections sont rejetées pour le seul motif, — inac- ceptable pour un païen véritable —, qu’elles mettent en question l’identité divine de Jésus. On voit bien la pointe de cette polémique défendre l’exégèse « antiochienne », cela revient à rejoindre le camp des païens et des juifs.
8) Si la christologie Logos-sarx résolvait quelques objections, elle posait à son tour pas mal de difficultés, notamment pour les textes qui attribuent à Jésus des comportements qui ne conviennent pas à Dieu : la crainte de la mort, l’impuissance en face de ses enne- mis, la souffrance et surtout la mort. Toutes ces disgrâces, incompatibles avec la transcendance et lapatheia divines, Macarios les déclare étrangères au Logos lui-même : ce sont des « économies », soit qu’elles relèvent de là « chair » du Christ qui n’est qu’un organon à son service, soit qu’elles constituent des ruses propres à tromper le démon. La passion et la mort de Jésus posent un problème plus grave. Si elles ne concernent que la chair du Christ, on n’en voit guère l’importance décisive. Contre toute logique, Macarios maintient fidèlement les affirmations de l’Écriture. Peu attentif à la résurrection, il ne voit dans la glorification du Christ que son retour à sa première condition de Logos, mais dans laquelie il entraîne les hommes « liés à lui par l'instrument de son corps » (11, 20, p. 40).
&) La controverse de la loi et de la grâce a chez lui une importance qui doit être signalée, ainsi que sa double insistance sur le rôle providentiel de la loi dans l’économie ancienne et sa péremption depuis la venue de Jésus. Son eschatologie ne prévoit pas la destruction du cosmos, mais sa restauration dans son état primitif : il conçoit la nouvelle création comme une remise à neuf, comme un retour au commence- ment. De même pour l’homme : il n’imagine pas la résurrection de la chair comme un passage de la mort à la vie, mais comme celui d’une sie terrestre et caduque au partage de la condition éternelle du Logos.
5) Sa doctrine sacramentaire est bien dans la ligne de sa christologie. L’eau du baptême et les espèces eucharistiques jouent dans la pratique actuelle le même rôle que la « chair » du Christ pendant son passage terrestre : elles ne sont rien d’autre que les « instru- ments » d’une efficacité appartenant au Logos qui s’est lié à elles. Les polémistes qui ont cru pouvoir alléguer le passage du livre 11, 238 (p. 106) en faveur de la trans- substantiation l’ont évidemment interprété en dehors de son contexte. La théologie de Macarios, unique en son genre, relie dans une vision cosmique la présence du Logos vivifiant dans la création, dans l’incarnation et dans l’eucharistie {cf F. Corsaro, La dottrina euca- ristica di Macario di Magnesia, dans Convivium Domi- nicum, Catane, 1959, p. 67-86).
30 LA DOCTRINE SPIRITUELLE de Macarios est peu développée. Elle constitue un compromis entre .une tendance anti-matérielle et le respect de l’Écriture.
17 MACAIRE MAGNÈS — MACAIRE MAKRÉS 18
L’auteur déclare que le chrétien renonce aux affections terrestres pour entrer en communion avec le « Père éternel » et les frères et sœurs de la société céleste, « trouvant leur joie dañs la Parole lumineuse (M4. 10, 34-38) qui divise à la manière d’un glaive » (11, 7, p. 5- 7). Plusieurs passages proposent cependant un idéal spi- ritualiste assez abrupt, disant par exemple que seuls des hommes spiritualisés peuvent s’enrôler dans la lutte contre les esprits mauvais. Plus spectaculaire est l’attitude de Job qui « ayant estimé vains en vue du séjour éternel les biens de ce bas monde, chérissait le fumier : après avoir abandonné sa fortune, il cares- sait les ordures comme de l’or et regardait les vers comme des perles précieuses » (111, 12, p. 82).
On trouve aussi de belles formules sur l'assimilation du croyant au Monogène : « Il m’enfante en effet (c’est le Mono- gène qui parle) comme une mère, m’ayant conçu dans l’accom- plissement de la volonté du Père; et il est enfanté avec moi, non pas en prenant la nature de ma personne, mais en s’unissant à moi dans la grâce de la volonté... Car celui qui croit que je suis ls Monogène, c’est par la foi qu’il m’engendre, non à la manière de la nature, mais en s’accordant par la foi à l’'Engen- dré » (11, 8, p. 10-11).
D'autre part, Macarios regarde le monde avec sym- pathie et traite d’ingrats les hérétiques qui dédaignent la création et rejettent le mariage. L’ensemble de son œuvre cependant, comme sa théologie, est résolument spiritualiste.
Bibliographie complémentaire dans J. Quasten, Patrology, Utrecht-Anvers, t. 3, 1960, p. 486-488; trad. frang., Paris, 1963, p. 681-683.
Texte. Outre l’éd. Blondel-Foucart, T.W. Crafer, The Apocriticus of Macarius Magnes, Londres, 4919 (introd., trad. angl. des objections, résumé incomplet des réponses). — F. Corsaro, Le Quaestiones nell'Apocritico di Macario di Magnesia, Catane, 1968 (texte, trad. ital., introd. et notes).
Sur l'adversaire de Macaire. P. Frassinetti, Sull’autore delle questioni pagane conservate nell’Apocritico, dans Nuoro Didaskaleion, t. 3, 1949, p. 41-56. — $S. Pezella, Z! problema del Kar& ypiotiavév dé Porfirio, dans Eos, t. 52, 1961, p. 87-104. — T. D. Barnes, cité supra. — Voir aussi L. Vaganay, art. Porphyre, DTC, t. 12, 1933, col. 2555-2590: R. Beutier, Por- phyrios, Pauly-Wissowa, t. 22, 1953, col. 298-299.
Études. P. de Labriolle, La réaction païenne, 11° éd., Paris, 4950. — F. Corsaro, L’Apocritico di Macario di Magnesia e le sacre Scriture, dans Nuovo Didaskaleion, t. 7, 1957, p. 1-24; Una nuova interpretazione del titolo dell’ Apologia di Macario di Magnesia, dans Acta philologica 111 (Mélanges N.I. Herescu), Rome, 1964, p. 113-118. — J. Palm, Tezxtkritisches zum Apo- kritikos des Makarios Magnes, Lund, 1961 {corrections tex- tuelles appuyées sur l’étude du vocabulaire, de la grammaire et du style). — R. Waelkens, L'économie, thème apologétique et principe herméneutique dans l’Apocriticos de Macarios Magnes, Louvain, Bibliothèque de l'Université, 1974 {étude d’ensemble de l’apologétique, de l’herméneutique et de la théologie; bibliographie). — R. Goulet, La théologie de M. M., dans Mélanges de science religieuse, t. 34, 1977, p. 45-69 (à suivre).
Robert WAELRENS.
7. MACAIRE MAKRÈS ou Maxros, hagiographe et théoïogien byzantin, t 1431. — 1. Vie. —2. Œuvres. 4. Vire. — Macaire naquit vers 1380 à Thessalonique
où il reçut une excellente éducation. A la mort de sa
mère, qui s’opposait à sa vocation, il embrassa la vie monastique à Vatopédi (Athos); il y vécut sous la
direction spirituelle d’un certain Harménopoulos (vers
1398-1410), puis de David de Thessalonique Ÿ 1419. Ordonné prêtre, il se sentit attiré par l’anachorétisme et l’hésychasme (cf DS, t. 7, col. 381- me il aurait même connu des extases.
L'empereur Manuel 11 Paléologue l’appelle avec David à Constantinople, lequel y séjourne temporaire- ment (1418-début 1419; fin 1419-début 1420 ou 1421), puis définitivement à partir de 4422 comme conseiller du basileus. Après avoir refusé celle du Stoudios, Macaire accepte cette même année la direction du Pantocrator, célèbre monastère alors décadent qu’il restaure avec le concours de l’orthodoxie serbe et russe dont il sollicite l’appui financier au cours de voyages.
Macaire joua un rôle considérable dans les tracta- tions entre grecs et latins de novembre 1422, et comme membre de la troisième ambassade envoyée auprès du pape Martin v en vue d’un concile d’union (février- août 1430). L’empereur Jean vrir Paléologue songeait à l'envoyer de nouveau à Rome pour mettre au point les derniers détails lorsque Macaire mourut à Constan- tinople, miné par une tumeur, le 7 janvier 1431, à cin- quante ans.
La source biographique la plus abondante est l'Encomion (inédit) conservé dans le ms Cairensis (ancien Alexandrinus) 220, f. 13-60, où il est précédé d’une acolouthie dont le synaxaire (édité par A. Papadopoulos-Kerameus, dans Aeatlov tic … évatplas rie “EAX&Soc, t. 3, Athènes, 1890, p. 463-468) repose essentiellement sur l’Encomion. — Quelques éléments dans G. Sphrantzès, Chronicon minus, an. 1430-1431 (PG 156, 1043ac; éd. Grecu, p. 48-58), et dans S. Syropoulos, cf V. Lau- rent, Les « Mémoires » du Grand ecclésiarque de l’Église de Constantinople Sylvestre Syropoulos sur le concile de Florence (1438-1439), Paris, 1971, p. 418-119, 266-267. Tous ces docu- ments sont bien exploités par A. Argyriou dans l'introduction de l’édition annoncée ci-dessous, qui comportera l’Encomion.
2. Œuvres. — 19 Traité sur la procession du Saint- Esprit, édité par le patriarche Dosithée de Jérusalem,
| dans Tôuoc xataAlxys, Jassy, 1692, p. 412-420; simple
recueil de textes patristiques.
29 Discours pour la fête des saints Pères des sept conciles œcuméniques (BGH, n. 2342 et Auctarium), inédit. — 30 loge de saint David de Thessalonique (BHG, 493m), suit pas à pas l’ancien Bios de ce soli- taire (BHG, 493).
40 Éloge de Gabriel, archevèque de Thessalonique (1397-1416; cf DS, t. 6, col. 14-15); l’attirance pour la vie érémitique soulignée par l’encomiaste paraît pren- dre la forme de confidences autobiographiques.
Attribué communément à l’empereur Manuel Paléologue, cet encomion a été restitué à Macaire Makrès par R..-J. Loenertz, Écrits, p. 189-190; hypothèse non retenue par B. Laourdas {dans ’A6ñva, t. 56, 1952, p. 199-202), qui pense à un « auteur contemporain inconnu »; mais voir désormais À. Argyriou, Deux œuvres, introd. L’éloge a été édité comme œuvre anonyme par Louise Syndika-Laourdas, dans MoxeSowxé, t. 4, 1955-1960, p. 352-370. Sur le contenu, cf V. Laurent, Le métropolite de Thessalonique Gabriel, dans ‘EXanvxé, t. 18, 1954, p. 241-255; Une nouvelle fondation monastique des Choumnos. La Nea Moni de Thessalonique, dans Revue des études byzantines, t. 13, 1955, p. 109-130, qui écarte l’attri- bution à Manuel 11 (p. 412, n. 4).
59 Sermon sur les miracles et les translations de sainte Euphémie (BHG, 622 et Auct.). Panégyrique prononcé à l’occasion d’une fête annuelle de la sainte de Chal- cédoine; l’orateur se borne à résumer le récit de Cons- tantin de Tios (BHG Auct., 621). — 60 Vie de saint André de Crète (BHG, 114), basée sur la vie d'André par Nicétas le patrice (BHG, 113), en ajoutant quelques hyperboles. Édité d’abord en version néo-grecque dans Néov ëxA6yov, 2€ éd., Constantinople, 1863, p. 151-155 (repris par K. Ch. Doukakès, Méyac ouvalapioth,
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19 MACAIRE MAKRÉS — PSEUDO-MACAIRE (SYMÉON) 20
juillet, Athènes, 1893, p. 35-42), ce Bios a été publié par B. Laourdas, dans Kpnrixé Xpowxd, t. 7, 1953, p. 66-74. — 70 Vie et éloge de saint Maxime le causo- calybite (BHG, 1237f); panégyrique encore inédit de cet autre contemporain {+ vers 14365), moine de l’Athos, en qui Macaire voit également un autre lui-même.
8° Description de la suintante icône du grand Démé- trius (BHG, 533i et Auct.). — 90 Description de l’icône placée jadis dans l'église de la Theotokos appelée Nea Peribleptos et communément monasière de Charsianitou (Auct., 807i); avant et après sa nomination comme abbé de Pantocrator, Macaire résida dans ce monas- tère.
1409 Paramythètikos à un malade ou sur la persévé- rance (Vat. gr. 1107, £. 323-842v). Lettre de consolation invitant un ami malade à persévérer dans l’abandon total à Dieu, au milieu des souffrances permises par le divin médecin en vue du salut et de la perfection spi- rituelle du patient; peut-être le dernier écrit de Macaire, à l’époque où il était atteint du mal qui devait l’empor- ter. — 119 Paramythètikos d’un ami compatissant ou sur la mort (Vat. gr. 1107, f. 200v-217v) : sous forme d’ « oraïson funèbre sur le frère Jean », le propre frère de Macaire, celui-ci réfléchit sur le problème de la mort,
.son origine {chute de l’homme au paradis), sa signifi-
cation; il répond aux objections en platonicien chré- tien : la mort permet à l’homme de rejoindre Dieu.
129 Monodie sur l’empereur Manuel Paléologue (Vat. gr. 1107, f. 299-303v). — 139 Monodie sur le moine David, père spirituel de l’auteur (Marcianus gr. 11, 92 — Nanian. 1144, Î. 33-40); dans cet écrit d’une grande perfection littéraire, Macaire esquisse en filigrane sa propre expérience monastique.
140 Quatre discours à l’adresse de ceux que scandalisent les succès des infidèles (éd. à paraître, cf infra). Macaire s'efforce d’affermir la foi des chrétiens ébranlée par l'avance des turcs et la propagande doctrinale .des musulmans. En même temps qu’il veut fournir une réponse au problème du malheur des chrétiens (disc. 1 et 4), l’orateur se livre à un plaidoyer en faveur de l'abandon à la Providence et de l’ascèse évangélique (2 et 3). Au lieu de se scandaliser de la prospérité de l'Islam, le chrétien devrait y trouver un stimulant dans sa recherche du vrai bonheur et de la liberté authen- tique, par la mortification des sens et le mépris des biens matériels et de sa propre vie, jusqu’au dépouil- lement total du martyre.
159 Défense de la sainte virginité. Rédigé dans la même optique, sous forme de « lettre à un révérend Père », ce petit chef-d'œuvre développe, contre les contempteurs chrétiens du monachisme, un des points touchés dans le traité précédent. Après une introduction (1) et des réflexions personnelles sur la virginité chré- tienne (rt), l'auteur répond aux objections par des arguments de raison empruntés ftextuellement aux ch. 136-137 du livre 1v de la Summa contra gentiles de Thomas d'Aquin, et par des arguments scripturaires {r). Il termine par un éloge de la virginité basé sur l’enseignement des Pères grecs, notamment de Jean Chrysostome (rv). Selon P. Canart, cet écrit est en rapport avec les tractations byzantino-hussites de 1425-1430 et vise une tendance extrémiste du hussi- tisme.
Ces deux derniers ouvrages, contenus aussi dans le Vaticanus
Nr. 1107, vont être édités par A. Argyriou, Deux œuvres anti-
Nuniques inédites de Macaire Makrès, 1381-1431, dans la on « Studi e testi » de la bibliothèque vaticane.
L. Petit, Macrès Macaire, DTC, t. 9, 1927, col. 1507-1508. — R.-J. Loenertz, Écrits de Macaire Macrès et de Manuel Paléologue dans les mss. Vat. gr. 1107 et Crypten. 161, OCP, t. 15, 1949, p. 185-193; repris dans PByzantina et Franco- graeca, Rome, 1970, p. 71-79. — Beck, p. 748, 778-779. — E. Trapp, Die Stellung der beiden Apologien des Vat. Gr. 1107 in der byzantinischen Islampolemik, dans Jahrbuch für ôster- reichischen Byzantinischen Gesellschaft, t. 16, 1967, p. 199-202. — Th. Khoury, L'empereur Manuel 11 Paléologue (1350- 1425). Essai bibliographique, dans Proche-Orient chrétien, t. 18, 1968, p. 30-32. — A. Argyriou, Moxdptos 6 Moxpñc…, dans Tpnyéptoç à Ilañauäs, t. 53, 1970, p. 1-16; introd. à l'éd. citée supra.
Daniel STIERNON.
8. MACAIRE (Pseupo-MacaIRE; MACAIRE- SYMÉON), moine, 4e-5€ siècle. — Cet écrivain spiri- tuel, longtemps confondu avec Macaire d'Egypte, (supra, col. 11-13), vivait très probablement entre la Mésopotamie et le sud de l’Asie Mineure durant le dernier tiers du 4€ siècle et le début du 5°. Il est l’auteur d’une centaine de Discours ou Homélies transmis sur- tout par quatre grandes collections grecques dont la seconde, les cinquante Homélies (PG 34, 449-822), lui a valu une grande notoriété en Orient comme en Occi- dent. Les problèmes critiques, historiques et doctri- naux relatifs à l’auteur et à son œuvre sont fort com- plexes. — I. L'œuvre , l’auteur et son milieu. — II. Doc- trine spirituelle. — III. Influence.
L L'ŒUVRE, L'AUTEUR ET SON MILIEU
4. L'œuvre. — L'œuvre de Macaire-Syméon com- prend un traité (la « Grande Lettre »}, deux lettres (l’homélie 51 et le discours 1, 40}, une vingtaine de pièces dialoguées (questions-réponses), une cinquan- taine d’homélies et une trentaine de pièces brèves ou recueils de logia. Sauf pour les homélies, la délimitation des unités originales et le genre littéraire précis (relevant du style oral) sont difficiles à déterminer, car les pièces sont transmises en désordre par les collections, géné- ralement tardives (119-122 siècles), et qui se recoupent en grande partie. Les numéros de celles-ci sont fortuits, et inverses de leur ancienneté,
19 TRADITION MANUSCRITE ET ÉDITIONS RÉCENTES. — Voir Clapis Patrum graecorum, t. 2 (= CPG 2), n. 2410-2427; H. Dôrries, Symeon Von Mesopotamien {voir Bibliographie, col. 41} et les trois introductions aux éditions critiques, surtout celles des collections 1 et 1. Les éditeurs ont voulu donner d’abord des édi- tions solides des recensions médiévales (seules connues), laissant pour plus tard leur exploitation commune.
1) Témoins grecs. — a) Tradition directe :
: — Collection 1, de 64 Logoi (CPG 2, 2410). Le pre- mier est la Grande Lettre, éditée provisoirement par W. Jaeger (Two Rediscovered Works of Ancient Christian Literature, p. 233-301). L’édition doit être reprise sur une base manuscrite plus large. Les Logoi 2 à 64 (265 + 219 pages) sont édités par H. Berthold (Makarios / Symeon, Reden und Briefe. Die Sammlung 1 des Vaticanus Graecus 694 (B), GCS, Berlin, 1973). Quatre manuscrits se rattachent à cette collection. On peut regretter que cette édition s’appuie surtout sur les deux manuscrits complets de la collection, dont le texte est le plus tardif, sans tenir assez compte de la forme textuelle rv.
— Collection 11, de cinquante Homélies spirituelles (822 p.; CPG 2, n. 2411). C'est la plus répandue; elle a connu 8 éditions (toujours fondées sur un seul manuscrit de Paris, sauf la Patrologie) en Occident,
| et deux à Athènes (1886 et 1954). L'édition de Venise
21 ŒUVRE 22
(1770) -est reprise, améliorée en deux passages grâce à un manuscrit de Berlin, dans la PG 34, 449-822. La première édition critique est celle de H. Dôürries, E. Klos- termann, M. Kroeger, Die 50 geistlichen Homilien des Makarios, coll. Patristische Texte und Studien 4, Ber- lin, 1964; elle utilise 8 manuscrits, dont 2 du 11°- 12e siècles. Une édition d’Athènes (1970) en dépend.
— Collection 111, de 43 Logoi (CPG 2, 2412). Les 28 pièces qui manquent dans la collection 11 ou en diffèrent notablement (170 p.}) ont été éditées par E. Klostermann et H. Berthold (Veue Homilien des Makarius/Symeon. 1 aus Typus 1x, TÜ 72, Berlin, 1961). Trois manuscrits, dont un du 11€ s., sont à la base de cette édition, reprise à Athènes en 1971.
— Collection 1v, de 26 Logoi. Elle n’a pas été éditée séparément, mais ses variantes sont collationnées dans l’apparat de la collection r où elle est toute entière comprise. Quatre manuscrits, dont 2 du 112 s., la donnent en totalité ou en partie; le seul manuscrit grec complet de cette collection (Paris. gr. 973, 11€ 5.) a été découvert trop tard pour être utilisé pleinement dans l’établissement du texte de 1.
— Deux manuscrits de la collection 11 portent un appendice, sans lien réel avec celle-ci, de sept pièces dont cinq, attestées par ailleurs sauf l’homélie 56, sont authentiques. Cet appendice a été édité par G. L. Mar- riott (Macarii Anecdota. Seven Unpublished Homilies of Macarius, coll. Harvard Theological Studies, Cam- bridge, Mass., 1918). Les pièces authentiques doivent être rééditées.
Nous citerons les œuvres de Macaire-Syméon d’après les éditions ci-dessus énumérées, en indiquant le numéro de la collection {1 à 111), ou le sigle H pour les homélies de l’appen- dice (51 à 57), puis les numéros du logos ou de l’homélie, du paragraphe et du sous-paragraphe (pour la collection 1). La Grande Lettre est citée, d’après l'édition Jacger, sous le sigle GL.
b) Florilèges. — Quatre collections d’Excerpta atles- tent le succès des écrits macariens durant le moyen âge byzantin; les deux premières, dites Opuscules de Macaire, ont été éditées par Pierre Poussines en 1684, et reproduites par Migne. Ces collections doivent être rééditées ou reprises. Cf K. Treu, Zu einer Kiewer Handschrift der Opuscula des Makarios, dans Studien zum Neuen Testament und zur Patristik, TÜ 77, Berlin, 1961, p. 294-310.
— L'Opuscule 1 (PG 34, 821-841) semble un extrait d’un des témoins secondaires de la collection r.
— Les Opuscules 11 à vit (PG 34, 846-968) regroupent 150 Kephalaia provenant de la collection 1v. Cette paraphrase sélective est passée dans la Philocalie (3e éd., Athènes, 1960), £. 3, p. 171-234.
— Une série inédite de 44 Kephalaia dépend de la collec- tion 1. : .
— Des éléments très brefs pris aux collections 5 et 11 ont été réunis en 24 Discours artificiels, à la manière d’une mosaïque {collection N}). Cf Ch. Astruc, Un recueil ascétique (de labbé Isaïe, d’Isaac de Ninive et du Pseudo-Macaire) : le Parisinus Graecus 915, RAM, t. 42, 1966, p. 181-191.
c) Transmission hors collections. — Certaines pièces ||
circulent isolément, soit sous le nom de Macaire, soit sous attribution à Syméon de Mésopotamie, Basile, Éphrem, Marc l'Ermite et Isaïe. Inversement, les collections 1 et 111, ainsi que l’appendice à la collec- tion 11, ont accueilli des pièces inauthentiques. La « première lettre de Macaire », dite « ad filios » (PG 34, 405-510; CPG 2, n. 2415, 4), est probablement de
Macaire d'Égypte (voir sa notice, t. 10, col. 11-13).
2) Versions anciennes. — Nous ne traiterons ici que des plus importantes; on en trouvera la présen- tation générale dans GPG 2, n. 2420-2427.
a) Syriaque. Assez court, mais bien représenté (18 mss), le corpus syriaque est d’une haute antiquité, deux de ses mss remontant au 6e siècle, dont un daté de 534. Il comprend sept « Homélies » et dix-sept « Lettres », dont huit sont très pro- bablement inauthentiques (cf H. Dôrries, Symeon von Meso- potamien, p. 378-389, 415-419, 476-478). La traduction va d’un rendu assez libre du texte à la paraphrase franche. La Lettre 5 (= 11, 8) est éditée par R. Draguet (Parallèles maca- riens syriaques des Logoi 1 et 111 de l'Ascéticon Isaïen syriaque, dans Le Muséon, t. 83, 1970, p. 491-496). Une version beau- coup plus fidèle des Homélies 11, 3 et 19 est donnée comme Logoi 1 et 111 d’Isaïe {R. Draguet, Les cinq recensions de l’Ascé- icon syriaque d’abba Isaïe, CSCO 289, 14968, p. 2-8, 14-19; 298, 1-5, 9-12). Un nouveau manuscrit du Sinaï, qui contien- drait l’Ascéticon messalien, est signalé par W. Strothmann (Makarios und die Makariosschriften in der syrischen Literatur, dans Oriens christianus, t. 54, 1970, p. 96-105).
b} Arabe. Lia collection 1v est transmise par un manuscrit du 11e siècle; six autres mss contiennent une importante collection (sigle TV) perdue en grec, divisée en homélies, fragments brefs et questions-réponses, et dont le matériel recoupe les trois collections 1-11. Cf W. Strothmann, Die arabische Makariustradition, Güttingen, 1934; Dôrries, Symeon von Mesopotamien, p. 337-377, 410-415, 471-476 et passim.
c) Géorgien. En plus de quelques fragments, parfois inconnus (cf G. Garitte, Les feuillets géorgiens de la collection Mingana, dans Le Muséon, t. 73, 1960, p. 246-249), la collection 1v, traduite du grec par saint Euthyme l’Athonite + 1028, est transmise par 3 manuscrits (cf R. P. Blake, Catalogue des manuscrits géorgiens de la bibliothèque de la Laure d’Iviron au Mont Athos, dans Revue de l'Orient chrétien, t. 29, 1933-1934, p. 131-134).
d) Latin. Le franciscain Ange Clareno + 1337 traduisit les Opuscules et la Grande Lettre {cf J. Gribomont, La Scala Paradisi. Jean de Raïthou et Ange Clareno, dans Studia monas- tica, t. 2, 1960, p. 349-351). Cette traduction se répandit dans l'Italie centrale, mais ne fut pas imprimée.
e) Slavon. R. A. Klostermann (Die slavische Ueberlieferung der Makariusschrifien, Gôteborg, 1950) a recensé onze manus- crits allant du 16e au 19e siècle, et contenant diverses tra- ductions de la collection 11, dont on ignore les bases textuelles. D'autres manuscrits contiennent des extraits de la même collection.
20 TRADUCTIONS IMPRIMÉES. — Il s’agit là unique- ment des 50 Homélies (collection 11) et des Opuscules. Voir M. Kroeger, Introduction à la collection x, P. XLIII-XLVI, XLVIII-LI.
a) Latin. La version latine de Jean Pic (contemporaine de la première édition, Paris, 1559) fut rééditée séparément six fois jusqu’en 18438; toutes les éditions grecques publiées en Occi- dent comportent une version latine, dérivée de celle de Pic ou de celle de Palthenius.
b) Slavon. Quinze éditions complètes ou partielles des cinquante Homélies semblent avoir vu le jour entre 1627 et 1904, autant que nous pouvons le savoir (les indications de M. Kroeger, p. zr, complètent celles de R. A. Klostermann). Les Dobrotoljubie (Philocalie russe) comprennent (t. 1, 3° éd., Moscou, 1895, p. 155-276) « une systématisation des idées de Macaire », sans doute un florilège. Les Opuscules ont également connu deux traductions partielles (cf C. Kern, Les traductions russes de textes patristiques, Chevetogne, 1957, p. 39 et 48).
c} Europe occidentale. Dix éditions de traductions allemandes ont paru de 1696 à 1913 (dans la 2° éd. de la Bibliothek der Kirchenväter, par D. Stiefenhofer); trois hollandaïses, de 1580 à 1788; sept anglaises, de 1721 à 1974 (éd. J. Mason, Willitz, États-Unis). Mais les pays latins et catholiques n’ont connu Macaire que par le texte grec et la version latine; deux traductions françaises du 16° siècle sont r. i
23 PSEUDO-MACAIRE (SYMÉON) 24
Quelques traductions partielles seront signalées dans la biblio- graphie.
d}) Arabe. Une traduction faite sur langlais est parue à Londres en 1846.
e}) Il faut enfin signaler les nombreuses (22) copies grecques des Homélies dépendant des éditions imprimées, et qui attes- tent le succès de Macaire dans les monastères grecs à partir du 45° siècle.
80 ANALYSE SOMMAIRE DES COLLECTIONS (cf Dôrries, Symeon von Mesopotamien, p. 392-424). — Il est très difficile de retrouver une édition primitive en partant des collections qui nous sont parvenues. Celles-ci ont dû en effet se constituer au moment de la renaissance mystique à Byzance (10e-11e siècles), en utilisant libre- ment le matériel disponible, suivant le goût contem- porain. La collection r, la plus tardive, trop lourde pour s'être beaucoup répandue, réunit le maximum de
textes, ordonne et juxtapose son matériel en en retou- chant assez gravement la teneur; la collection 11 (50 Homélies) est une sélection intelligente, ordonnée à l’édification spirituelle, qui regroupe certains fragments et les transforme en homélies à l’aide de sutures et de doxologies, tout en respectant son texte; la collection rrr transmet en général les morceaux tels qu’elle les reçoit, avec un bon texte. La collection rv, la plus ancienne des recensions grecques, regroupe les principales des grandes homélies et mériterait d’être mise en valeur. La collection arabe TV conserve les pièces et les grou- pements les plus originaux et les plus discutables, qui ont été filtrés ou démembrés par les collections grecques.
Dans son désordre et son incohérence, le corpus maca- rien transmet l’expérience d’un milieu ascétique fervent (perceptible à travers les questions des disciples) et l’enseignement d’un authentique spirituel. Les redites et l’absence de mise en ordre littéraire portent la trace de la vie à l’état natif. =
2. Milieu. — L'attribution à Macaire d'Égypte, fondée sur la tradition grecque et la majorité des ver- sions, à commencer par la syriaque, ne peut plus être retenue depuis que L. Villecourt découvrit en 1920 des similitudes entre certains textes de Macaire-Syméon et des propositions messaliennes condamnées. On tend à localiser l’œuvre macarienne en Mésopotamie ou au sud de l'Asie Mineure. |
19 ÉLÉMENTS DE LOCALISATION. — l’Euphrate est le seul fleuve mentionné (1, 8, &, 2; 44, 26). L’auteur signale des guerres contre les Perses et les Goths (1, 34, 11; 11, 15, 46; 27, 22), des invasions par les Indiens ou les Sarrasins (1, 34, 8). La langue, qui est le grec, présente des aramaïsmes. Son christianisme est de type encra- tite et syriaque (cf G. Quispel, Makarius, das Thomas- evangelium und das Lied von der Perle, p. 9-64, et les articles signalés dans la bibliographie, col. 41); des contacts existent avec le Livre des Degrés (cf DS, t. 9, col. 749-754).
Mais ces indices ne doivent pas être majorés; l’auteur appar- tient au monde grec (11, 8, 6; 17, 10, 15), à l’empire romain (ur, 45, 42; nt, &, 1; 21, 8). Ses latinismes sont notables; les données institutionnelles de ses comparaisons, tout impré- ‘cises qu’elles soient, s'accordent avec la civilisation du bas
* Empire romain. Le radicalisme de son ascèse s’explique aussi.
bien par ses contacts avec le monachisme basilien que par une origine syrienne; sa christologie et son exégèse, plutôt alexan- drines qu’antiochiennes, le rapprochent également des cappa- dociens.
20 RAPPORTS AVEC LE MESSALIANISME (Cf Messa- LIANISME, DS, t. 10). — A la fin du 43° siècle, un glossa-
teur avait signalé plusieurs passages messaliens dans le manuscrit b de la collection 1; au 18e siècle, Néophyte le Kausokalyvite refusa l’attribution des Homélies et Opuscules à Macaire d'Égypte, pour cette même rai- son (J. Darrouzès, Notes sur les Homélies du Pseudo- Macaire, dans Le Muséon, t. 67, 1954, p. 297-309). En 1920, L. Villecourt identifia tout ou partie des Homélies avec l’Ascéticon des messaliens (La date et l’origine des « Homélies spirituelles » attribuées à Macaire, dans Comptes rendus de l’Académie des Inscriptions et Belles- Lettres, 1920, p. 250-258). L’appartenance de Macaire au mouvement messalien a été contestée, maïs les coïncidences textuelles sont indéniables (voir l’art. de Villecourt, et H. Dôrries, Symeon von Mesopotamien, p. 425-441).
Les plus littérales sont les suivantes : 2e proposition de Jean Damascène (PG 94, 729a) avec Macaire, 11, 27, 19; 9e (732a) avec 1, 5,3, 2-3; 14e (732b) avec 1, 7, 2; 15e et 16° avec H. 52, 8.5; 18° (ibidem) avec 11, 8, 3. Il est donc certain que tout ou partie des œuvres de Macaire furent condamnées à Éiphèse en 431; mais elles y furent lues à travers les condamnations précédentes du mouvement messalien aux conciles de Sidè (380-393) et de Constantinople (426), et sous l'influence des excès des messaliens, contre lesquels Macaire lui-même prenait position (cf H. Dôürries, Urteil und Verurteilung. Kirche und Messalianer : Zum Umgang der Alten Kirche mit Hüretikern, dans Wort und Stunde, t. 1, Gôttingen, 1966, p. 334-351).
Les listes conciliaires ont censuré les points suivants : possibilité ou nécessité d’expérimenter sensiblement le Christ ou l'Esprit Saint (Jean Damascène, propositions 6, 10, 12, 16-18); emprise invincible du mal sur l’homme (1-3, 13; les textes sont forcés ou faussés, mais le cen- seur relève une pensée marquée par le dualisme, quoique affirmant très vigoureusement la liberté, cf infra, col. 31); peu de relief donné à l’économie sacramen- taire (4-6; la proposition 4, sur l’inefficacité du baptême, vise les premiers messaliens et non Macaire, mais la 5e, sur la persistance du péché après le baptême, corres- pond à certaines de ses affirmations); la proposition 11 («le feu est créateur ») tombe à faux; la 44€ et la 15€ cri- tiquent des affirmations contestables, quoique durcies par la rédaction du concile. La 6€, sur la cohabitation de Satan et de l’Esprit Saint dans l’homme, ne se trouve que chez Jean Damascène, et vise manifeste- ment Macaire lui-même et non les messaliens vulgaires; c’est précisément le point par lequel Macaire combat ces derniers en niant que la grâce sensible soit donnée une fois pour toutes.
Macaire ne présente pas les déviations manifestes de la secte, et l’étude doctrinale montrera l’équilibre de son enseignement. La trace des controverses messa- liennes est perceptible dans les questions de ses disciples, qui portent en majorité sur la conscience de la grâce; lui-même critique les messaliens grossiers (11, 6, 1-3; 33, 1); il fait état de difficultés avec l’Église hiérar- chique, sans détails précis (1, 52, 1; 11, 15, 12; 17, 14; 26, 23; cf 1, 34, 44, 16; 11, 15, 14-15). Le climat de l’œuvre, surtout des homélies où Macaire est libre de son sujet, est irénique; l’auteur y parle simplement des réalités de la vie spirituelle, et la communauté ne semble pas avoir été troublée de façon durable, pen- dant la période que reflètent les Homélies.
Le fait que l’Ascéticon messalien ait été apporté à Éphèse par l’évêque Valérien d’Iconium, successeur d’Amphiloque, qui présida le premier concile de Sidè, peut conduire à cher- cher une activité notable de Macaire et de sa communauté en Lycaonie-Pamphylie, même s’ils viennent d'Orient. Les
25 MILIEU | 26
données relatives à une vie d’exil seraient ainsi compréhensi- bles. Sur la relation plus précise de « Macaire » avec les groupes messaliens décrits par Théodoret et les hérésiologues, cf infra, col. 27.
39 RELATIONS AVEC SAINT BasiLe. — Ce qui vient d’être dit ne doit pas empêcher de reconnaître les points de contact de Macaire et sa communauté avec le monachisme basilien. Le nom d’Ascéticon peut le suggérer (cf H. Dôrries, Symeon von Mesopotamien, P. 451-465); des rencontres textuelles existent; quel- ques points particuliers doivent être signalés. C£ J. Gri- bomont, Le monachisme au 4® siècle en Asie Mineure: de Gangres au messalianisme, dans Studia patristica, t. 2, TU 64, Berlin, 1957, p. 400-415; Le monachisme au sein de l’Église en Syrie et en Cappadoce, dans Studia monastica, t. 7, 1965, p. 7-24.
1} Jnstitutions et ascèse. — Les remarques de W. Jaeger (Two Rediscovered Works, p. 83-85) sur les rapports entre le De instituto christiano et les Règles de Basile, valent dans une large mesure pour la Grande Lettre. Le mot uoveyéc n'apparaît pas, uovéluv est rare, les ascètes sont appelés soit « frères », ce qui est universel, soit « chrétiens » en un sens prégnant comme chez Basile {Grandes Règles 17, 2, PG 31, 964c; 20, 1-2, 972c-973a; 22, 1-8, 977ab, 980b; 40, 1020b; 55, 2, 10&5b). Toutefois la doctrine basilienne de la complé- mentarité des charismes dans la fraternité (Grande Règle 7, 2, 929c; 24, 98%a; Petite Règle 225, 1232bd) est interprétée dans le sens d’une spécialisation entre orants et travailleurs, alors que Basile encourageait chacun à prier et à travailler aux heures convenables (Grande Règle 37, PG 31, 1009c-1016c, dirigée préci- sément contre des tendances messaliennes). Le jeûne et la veille sont supposés, mais relativisés par Macaire comme par Basile, quoique pour des raisons différentes. Sur ces questions, cf infra, col. 29.
2) Obéissance aux « commandements ». — Le désir d’ « être agréable à Dieu » (ebxpéornotc), typique de Basile, caractérise aussi Macaire; de même pour son intransigeance évangélique et son volontarisme (cf infra, col. 31-34). :
3) Prière et expérience. — L'enseignement de Macaire sur la prière sans divagations (&péu8xotos, 11, 31, 2) évoque l'absence de distractions (rù duetemptorov) que prône Basile (Grandes Règles 5, 920bd; 6, 1, 925a; 37, 3-4, 1012d-1013a, 1016c; Petites Règles 201-202, 1216bc; 306, 1300c-1301b}). Le « souvenir de Dieu », un des fondements de la prière basilienne (Grandes Règles 5, 2-3, 921b, 924a; 6, 2, 928a), est recommandé par Macaire (ainsi GL, 263, 11. 21 ; 264, 4. 7; 265, 9. 49; 11, 19, 2, 43, 8; H. 53, 16); c’est d’ailleurs un thème favori de l’anachorétisme égyptien, cf DS, t. 2, col. 1858-1862.
Le vocabulaire de l’expérience se trouve chez Basile, notamment rAnpopopia et nAnpopopetofou, qu’il est le premier à employer massivement; il serait fort inté- ressant de voir comment on est passé de la «conviction » de foi en la présence de Dieu (Basile) à la « plénitude » .de la conscience de la grâce (Macaire et les messaliens; cf J. Leroy, Expérience de Dieu et cénobitisme primitif, dans L'expérience de Dieu dans la vie monastique, La Pierre-qui-Vire, 1973, p. 117-123). Le mot atoônots et ses dérivés signifient chez Basile le sens moral, la conscience d’un état moral, non la perception du divin; la doctrine origénienne des sens spirituels a pu aider, là aussi, à un changement de registre (cf K. Rahner, Le début d’une doctrine des cing sens spirituels chez Orti-
gène, RAM, t. 13, 1932, p. 142-144). Les moines aux- quels Basile s’adresse sont préoccupés de prière et d’expérience, et certaines de leurs questions sont de saveur messalienne (voir les questions des Petites Règles 10, 16, 21, 75, 80, 192-194, 201-202, 204, 230, 239, 249, 261); lui-même canalise leurs aspirations vers la pratique des commandements, mais laisse transpa- raître l’ardeur de son propre amour de Dieu (30, 32, 84, 174, 180, 206) et la douceur qu’il trouve à ses com- mandements {Grandes Règles 6,2; 8,2; Petites Règles 30, 1784, 180, 281). Inversement, chez Macaire, discipline et expérience sont très profondément mêlées.
&) La place prépondérante de l'Esprit Saint dans la lutte spirituelle et la sanctification rappelle la doctrine basilienne {et origénienne) de l'Esprit participé par les âmes qui en sont dignes (Traité du Saint-Esprit 9, PG 32, 108c, SC 17 bis, p. 324-326; 16, 141bc, SC, p. 388-390). Le chapitre 9 du Traité est recueilli parmi la collection 111 de Macaire; même si son entrée dans le corpus peut être tardive, le compilateur a pu y trouver un enseignement sur l'Esprit qui fondait ou complétait celui de Macaire.
49 RAPPORTS AVEC GRÉGOIRE DE Nysse. — Le fait majeur, quoique d'interprétation difficile, est le paral- lélisme existant entre la Grande Lettre de Macaire et le De instituto christiano transmis parmi les œuvres de Grégoire (Gregorii Nysseni opera, vol. 8, 1, Leyde, 1952, p. 40-89).
L’état de la question en 1967 avec la bibliographie afférente est présenté par M. Canévet dans l’article GRÉGOIRE DE Nysse (DS, t. 6, col. 4006 et 1011). Les rapports entre Gré- goire de Nysse et le messalianisme sont exposés col. 1005- 1006. Depuis lors, R. Staats a voulu démontrer que le De Enstituto christiano dépend de la Grande Leitre (Gregor von Nyssa und die Messalianer, coll. Patristische Texte und Studien 8, Berlin, 1968}, ce qui a été généralement accepté {cf J. Daniélou, RSR, t. 57, 4969, p. 123-126); mais l’authen- ticité du De instituto christiano a été mise en doute par M. Cané- vet (Le « De Instituto christiano » est-il de Grégoire de Nysse?, dans Revue des études grecques, t. 82, 1969, p. 404-428; cf J. Daniélou, RSR, t. 56, 1968, p 146-147; D. Balas, Metouala @coÿ, dans Siudia anselmiana, t. 55, Rome, 1966, p. 160-161). J. Gribomont n’est pas convaincu de l'inauthenticité du De instituto (Le Dossier des origines du messalianisme, dans Epektasis, Paris, 1972, p. 622-625, cf RAM, t. 43, 1967, p. 249- 260). La question ne peut être encore considérée comme résolue.
H. Dôrries (Die Messalianer im Zeugnis ihrer Bestreiter, dans Saeculum, t. 21, 1970, p. 217-218) et R. Staats -(Die Asketen aus Mesopotamien in der Rede des Gregor von Nyssa « In suam ordinationem », dans Vigiliae christianae, t. 21, 1967, p. 167-179; cf t. 23, 1969, p. 58-59; Gregor von Nyssa und das Bischofsamt, dans Zeütschrift für Kirchengeschichte, t. 84, 1973, p. 149-173) ont cherché à mettre en évidence les sympathies et le rôle modérateur de Grégoire vis-à-vis du mouvement messalien, ce qu’accepte J. Gribomont (art. cités supra) en le comparant à l’action de Basile vis-à-vis du mou- vement eustathien. Dans cette perspective, le De instituto christiano s'explique comme un remaniement de la Grande Lettre estompant ses traits messaliens pour la corriger, mais présentant de façon orthodoxe ses thèmes spirituels à l’adresse de l’Église officielle.
Si le De instituto n’est pas de Grégoire, quel est son milieu d’origine? Signalons par exemple que le rejet de la rAnpogoptx par ce traité là où la Grande Lettre l’emploie (cf R. Staats, Gregor von Nyssa und die Messalianer, note 91, p. 39-40) rappelle la méfiance de Grégoire vis-à-vis de cette notion chère aux messaliens, dans la 5° homélie sur le Cantique (PG 44, 860b; Gregorii Nysseni opera, t. 6, Leyde, 1960, p. 139, 5). L'auteur du De instituto est donc assez éloigné du mouvement messalien; mais ce pourrait être un disciple ou un imitateur de Grégoire.
27 PSEUDO-MACAIRE (SYMÉON) 28
Indépendamment de ces points particuliers, on pourra trouver une certaine analogie entre plusieurs thèmes grégoriens et macariens; Macaire est en général plus proche du langage biblique et ne s’aventure pas sur le terrain philosophique. La question est à peine étudiée (voir quelques éléments dans W. Jaeger, Two Rediscovered Works, p. 208-231, et dans l’anno- tation de H. Dôrries aux 50 Homélies).
8. L'auteur. — L'étude précédente a montré que l’auteur du corpus macarien ne pouvait être Macaire d'Égypte, mais vivait en Mésopotamie-Asie Mineure. Or la collection arabe TV, proche par sa composition de l’Ascéticon messalien, est attribuée à Syméon Stylite, ce qui n’est pas plus vraisemblable. Quelques pièces isolées sont attribuées dans la tradition manuscrite à « Syméon »;, une version longue de l’homélie 11, 22 {éditée par A. Mai, Patrum nova bibliotheca, vol. 8, 8, Rome, 1871, p. 1-3), mais d'authenticité très douteuse, est attribuée à « Syméon de Mésopotamie », nom qui est aussi associé à l’homélie 51, dans un de ses manuscrits. Sur la base de ces indices, H. Dôrries a proposé (Symeon von Mesopotamien, p. 7-8) comme auteur du corpus macarien Syméon, l’un des chefs messaliens mentionnés par les hérésiologues vers 400 {cf M. Kmosko, Liber Graduum, dans Patrologia syriaca, t. 1/3, surtout col. cxcxr, cxcix, ccLiv). Cette hypothèse est plausible; mais ce Syméon fait pâle figure parmi les messaliens, alors que l’auteur de l’Ascéticon, qui reste anonyine, y occupe une place de tout premier rang. On peut au moins en retenir que Macaire semble, comme les messa- liens, s'être déplacé d'Orient vers l’Asie Mineure; l'anonymat où reste l’auteur de «l’Ascéticon des messa- liens » (cette dénomination vient de leurs adversaires; c’est le seul ouvrage qu’ils aient pu saisir) doit témoigner d’un certain décalage entre Macaire-Syméon et les autres groupes. Nous adopterions pour limites de son activité les années 270-350 et 420-450.
La « pseudonymie » n’est pas intentionnelle de la part de l’auteur, comme dans le cas du pseudo-Denys. Elle peut s'expliquer de deux manières : 1) Le recueil des œuvres, anonyme comme le Livre des Degrés, était simplement attribué à un « bienheurcux », uaxdptoc; l’adjectif a été ensuite pris pour un nom propre et Pauteur identifié avec Macaire d'Égypte ou d’Alexan- drie.
Cf A. Wilmart, L'origine véritable des Homélies pneumatiques, RAM, t. 1, 1920, p. 375-376. — A. J. M. Davids, Von der Anonymität zur Pseudonymität, Der Liber Graduum und das Corpus Macarianum, dans Zeitschrift der Deutschen morgen- ländischen Gesellschaft, Suppl. r, 17 (Deutscher Orientalistentag, 1968, Würzburg), Wiesbaden, 1969, Teil 2, p. 375-379.
2) L'œuvre, condamnée, n’a pu se transmettre que sous le patronage rassurant de l’ascète égyptien, puis de Syméon Stylite pour la collection arabe; le cas de « Macaire » serait analogue à celui d'Évagre dont cer- tains ouvrages n’ont survécu aux condamnations anti- origénistes que sous le nom de saint Nil, ou dans des versions syriaques et arméniennes.
Nous adoptons le nom de Macaire-Syméon comme réunissant les deux vocables de la tradition manus- crite.
Vincent DESPREZ. IL DOCTRINE
: Les homélies macariennes délivrent leur enseigne- ment spirituel en grande partie sous la forme d’un
échange de questions et réponses entré maîtres et disciples. Elles n’offrent pas d’exposé doctrinal suivi et se livrent, au gré des questions, à bien des redites : c’est qu’elles sont délibérément l’écho d’une pédagogie monastique pratique. À travers elles se dégagent quel- ques traits typiques d’un genre de vie ascétique et communautaire. L'auteur n’en présente pas moins une doctrine personnelle dont le présent chapitre déga- gera les traits principaux : une place prépondérante accordée au combat spirituel, une certaine intériori- sation de la vie spirituelle qui met l’accent sur lexpé- rience personnelle et intime des réalités divines, un rôle éminent donné à l’action de l’Esprit, l'importance enfin de la prière comme voie de perfection.
1. Le cadre monastique. — Les homélies sont pauvres en enseignements concrets sur l’organisation de la vie monastique; il s’agit d’une forme de vie céno- bitique : les frères y sont invités à vivre en accord et harmonie les uns avec les autres en toute charité. Mais l’organisation en semble diversifiée selon chaque moine : « Que celui qui prie ne dise pas à celui qui tra- vaille : pourquoi ne pries-tu pas? Et que celui qui tra- vaille ne juge pas celui qui prie en disant : il ne fait rien et moi je travaille » {r1,.8, 2). Il n’est pas question de prières à heures fixes, mais seulement d’attitudes adoptées (cris, silences, génuflexions); insuffisantes en soi, elles sont même blâômées en leurs excès (ri, 6, 1; 33, 1-2; r, 17, 3, etc). On rencontre le mot de psalmodie; le plus souvent la prière est une oraison (concentration des pensées en Dieu). La pauvreté est stricte, il ne faut posséder que le vêtement que l’on porte, afin d’être sans souci, et se contenter d’une vie fruste. « En entrai- nant vos corps à coucher sur la dure, aux génuflexions, à la prière, vous êtes beaucoup plus dignes d’estime que ceux qui ne servent pas le Seigneur, alors que vous, avec votre austérilé et votre nourriture grossière, vous venez adorer et glorifier Dieu » (111, Proem. 7).
L'homme qui a choisi d’embrasser la vie monastique est désigné sous le nom de « frère », ou de « chrétien », car il prend la vie chrétienne au sérieux et essaie de la mener en perfection. fl renonce à prendre femme pour mettre en pratique le commandement de A1. 10, 37. Renoncer à la parenté est un élément d’une renon- ciation plus générale aux biens de ce monde, parce que ce monde passe, et surtout parce qu’il disperse les pensées, détourne de Dieu et ne permet pas l’unifi- cation de l’âme dans la prière. Souvent sont unies chez le pseudo-Macaire les deux expressions « se séparer du mariage » et « se séparer du monde » {(vg Grande Lettre, éd. Jaeger, p. 240, 20-21). L'idée est d'accomplir le précepte de 1 Cor. 7, 84, et aussi de renoncer à l’union charnelle, ce qui permet de se donner à l’union spiri- tuelle : « L’Ââme qui a renoncé à l’union charnelle s’est séparée du monde, s’est exercée à la chasteté et s’est donnée à l’union et à la communion avec l’Époux incorruptible » (GL, p. 241, 14-16). Mais ce premier , renoncement est insuffisant parce qu’il est encore «extérieur »; le moine doit aussi apprendre à « renoncer à son âme »: .
« Il faut donc mépriser en toute pureté ce qui paraît respec- table en cette vie, renoncer à ses parents, renoncer à toute gloire d'ici-bas, avoir les yeux fixés sur ce qui est en honneur au ciel, s’attacher spirituellement aux frères selon Dieu et renoncer, en plus de cette vie, aussi à sa propre âme. Qu'est-ce que renoncer à sa propre âme? C’est ne plus chercher sa volonté propre et faire ce que veut le Verbe de Dieu qui est là » (Ep. 2, PG 34, 421d). La Grande Lettre dit encore plus clairement :
29 DOCTRINE 30
« Qu'est-ce que renoncer à sa propre âme, sinon se livrer soi- même complètement à la fraternité, et ne jamais accomplir, absolument, ses volontés propres, mais être suspendu au Verbe de Dieu » (GL, 256, 21 à 257, 8).
I faut se livrer complètement à Dieu (#xSoroc), se comporter comme un esclave acheté par Dieu, se consacrer à Lui, faire de son corps un sacrifice vivant agréable à Dieu. C’est par l’obéissance qu’il doit à ses frères que le moïne apprend à se renoncer soi-même; le devoir de charité est le critère de la voie droite, et le moine est essentiellement là pour assurer le service (Stxxoviæ) des frères :
« Gomme un esclave acheté, (il faut) être plein de bons senti- ments à l’égard des frères, surtout à l’égard de céux qui sont à la tête et penser en tout qu’ils sont à cause du Christ des seigneurs et des maîtres, selon le mot du Christ lui-même : « Celui qui veut être le premier et le plus grand, qu’il soit le dernier de tous », le serviteur de tous, l’esclave de tous; qu’il ne poursuive pas, autant qu’il lui est possible, la gloire, Fhonneur ou la louange de la part des frères eux-mêmes à travers son service et sa manière de vivre. 11 se procure lui-même un grand salut s’il persévère jusqu’à la fin avec patience et endurance dans cette belle servitude utile à l’âme, voyant comme dans un miroir en ses maîtres des parents du Christ et des héritiers du Royaume, plein d’une soumission totale à l'égard de chacun, et surtout à égard des ascètes qui sont à la tête et qui se sont chargés des lourds soucis de Ja vertu, s’estimant lui-même sans relâche redevable du service des frères qu’il doit accomplir avec cha- rité et simplicité, selon qu’il est dit, « à cause de la charité, soyez serviteurs les uns des autres » (GL, p. 257, 17 à 258, 7).
Comme le premier des commandements est l’amour de Dieu, la première des vertus monastiques est l’assi- duité dans la prière. Toutes les observances risquent toujours de rester des actes extérieurs. « Le dénuement, le jeûne, la psalmodie, la veille et la visite de la grâce sont de bonnes choses, mais tant qu’on n’a pas pris de la peine rien n’est encore assuré » (1, 8, 3, 1). C’est dans la prière que l’âme ne fait qu'un avec l'Esprit du Sei- gneur'et qu’elle obtient le concours actif de la grâce. I1 faut donc tendre à prier sans cesse : « Nous devons mener ce combat caché, cette méditation du Seigneur, cette peine jour et nuit pour accomplir parfaitement les commandements, que nous priions, servions, man- gions, buvions ou fassions quoi que ce soit, afin que tout accomplissement droit de. la vertu soit fait pour la gloire de Dieu, et non pour notre gloire propre. Car l’enchaînement tout entier des commandements est ainsi sanctifié et nous l’accomplissons de manière pure grâce au souvenir incessant du Seigneur » (GL, p. 265, 2-10). La prière semble tenir une place de plus en plus grande dans la vie du moine qui progresse, même dans son emploi du temps quotidien. C’est ce qui amène à distinguer dans la communauté « ceux qui prient » et « ceux qui travaillent ». « Si donc l’un des frères désire se charger du combat qui se mène par la prière, par la foi et par la conversion, dans son amour des biens célestes, on doit l’approuver, et il est digne de louange pour les hommes et pour Dieu. C’est pourquoi la fra- ternité des membres qui sont ses frères doit le laisser
et lui porter aide avec joie pour qu’il reste assidu dans-
la prière afin que les frères aussi reçoivent le salaire de la part de Dieu à cause de leur concours spirituel
et actif apporté à ce frère » (GL, p. 270, 24 à 271, 6).: Le pseudo-Macaire exige des critères précis pour auto- | riser un frère à se consacrer exclusivement à la prière :
que cette prière ne cesse pas d’être une lutte contre le mal, en particulier les pensées mauvaises, que les fruits de cette persévérance soient visibles pour tous. Ainsi
de la communauté se détachent peu à peu des moiïnes- priants.
A ce groupe se rattachent, semble-t-il, les « ascètes », chefs de la communauté. Ceux-ci assurent l’ordre et la . cohésion de la communauté : « Conservez le rang de chef, par exemple : assigner à chacun sa place, donner des ordres, donner des conseils à ceux qui sont plus éprouvés; châtier, blâmer quand il le faut, consoler quand il en est besoin selon la consolation apostolique, afin que sous prétexte d’humilité, de douceur, le monas- tère ne tombe pas dans la confusion par ignorance, lorsque ceux qui commandent et ceux qui sont soumis ne gardent pas le rapport de leur rang » (GL, p. 258, 22 à 253, 4).
La direction spiritialle est assurée par des hommes déjà éprouvés, qui ont l’expérience du combat spirituel, des pièges et tentations du démon, ainsi que des réalités divines. Dans ce monde déjà la sagesse demande qu’on l’apprenne et qu’on ait des maîtres avant d’être maître soi-même, à plus forte raison la sagesse indicible et infinie de Dieu. Ces hommes expérimentés doivent posséder des trésors spirituels pour pouvoir les donner sans que leur propre source vienne à tarir (cf r, 21, 15- 19; 33,3, 6). Enfin, par l'exemple des fruits qu’ils portent, ils doivent provoquer au combat ceux que leur jeune âge empêche d’être encore assidus à la prière (GL, p. 274, & svv).
Il semble que le jeune moine puisse choisir son directeur spirituel :
« Chacun doit s’éprouver toujours et en toutes choses, et examiner s’il se conduit selon la parole de vérité et suit les traces du Seigneur. Ou bien il pourra préférer être examiné par les hommes spirituels : il lui faudra toujours rechercher ceux qui prêchent la parole de vérité et possèdent le christianisme en œuvre et en vérité... Aussi faut-il ouvrir une enquête et, comme nous le disions, rechercher ces hommes qui parlent d’un cœur vivant, dans l'Esprit, puis s'attacher à ceux dont on peut retirer le profit véritable » (ir, 7, 2).
Cf art. Direction spirituelle en Orient, DS, t. 3, col. 1008 svv.
Dans cette communauté dont les membres sont diffé- rents les uns des autres en âge, en expérience, en charismes aussi, la concorde et l’harmonie sont la marque de l’accomplissement de la charité. Tous les frères concourent, chacun selon son talent, à la gloire de la communauté entière, et inversement chaque frère participe de la gloire de n’importe lequel d’entre eux. Il n’y a donc pas lieu de s’enorgueillir ni de s’arré- ter. Le modèle de la communauté ce sont Marthe et Marie. L'œuvre de Marthe n’est pas sans importance, sans quoi le Seigneur n’eût pas lavé les pieds de ses disciples, mais l’œuvre de la prière et de la parole est supérieure, comme en témoignent les apôtres qui se déchargèrent du service des tables (GL, p. 287, 16 svv).
2. Le combat spirituel. — La perfection ne s’atteint pas en un jour, et la vie chrétienne se définit ici-bas comme un combat spirituel jamais achevé. L'origine de ce combat est le péché originel, c’est-à-dire le péché du premier homme dont nous vivons les consé- quences. Le pseudo-Macaire parle d'Adam ou de chaque individu à peu près dans les mêmes termes, moins inté- ressé à bâtir une théologie qu’à analyser la situation concrète du pécheur. Satan de plus avait péché avant Adam (cf 1, 2, 2), et celui-ci se trouve déjà comme nous au milieu du champ d’affrontement de deux puissances opposées : Dieu et ses anges, Satan et les puissances du mal. L’âme est l’enjeu envié de ce combat en raison de sa propre dignité. L'âme déchue de sa condition
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- première a perdu sa qualité d’image de Dieu; elle s’est trouvée dépouillée de la gloire de Dieu qui la revêtait; elle a honte d’être nue de la puissance divine. L’âme dépouillée maintenant de la puissance du Christ a plus de sujet de honte encore qu'Adam. Elle aide d’ailleurs Pennemi en sécrétant un vêtement de mauvaises pensées dont elle s’imagine qu’il va la couvrir et la Sauver (11, 20, 3). Adam lorsqu'il s’est fermé aux biens Célestes s’est mis à loucher vers les biens terrestres; il a ainsi permis au mal de venir habiter en lui. Les homélies macariennes sont riches en comparaisons qui illustrent l’insinuation pénétrante du mal à l’inté- rieur de l’âme : le mal est comme un serpent qui rampe et s’insinue à l’intérieur de l’homme; il s’y cache et devient comme une seconde âme ajoutée à la première. Les ténèbres du mal recouvrent toute la création et chaque âme humaine comme un brouillard recouvre la Surface de la terre. Comme un arbre planté dans le cœur de l’homme, le mal y pousse des racines et des branches : les mauvaises pensées. Satan a semé l’ivraie Ou les épines dans le jardin de Dieu qu'est l’âme, aussi Adam est-il condamné à le cultiver à la sueur de son front.
Dépouillé de son vêtement de gloire, l’homme est resté nu, réduit à ses seules forces, à sa propre nature (pô). En lui vivent désormais deux puissances qui lui sont étrangères : la grâce et le mal; selon son libre choix, il penche vers l’une ou vers l’autre et se trouve alors mêlé (ui£ic, xpäou) à elle; avec elle, il ne fait plus qu’un seul esprit (£v rveüux, bon ou mauvais). Les deux puissances ont des desseins antithétiques; celui du diable est de faire périr tout le monde, celui de Dieu que tous soient sauvés. Satan n’a pas été Condamné dès l’origine, car Dieu l’a laïssé pour une autre « économie » (vg 1, 2, 3), c’est-à-dire pour que Sorte du mal qu’il a fait un bien, pour que l’homme Puisse exercer son libre choix. Même après le baptême Qui fait entrer dans l’âme la force agissante (évépyetx) de la grâce de l'Esprit, le péché survit; en l’Ââme habi- tent deux facteurs (rpéownx) agissants : la grâce et le mal. Cette doctrine, condamnée par la suite comme messalienne (cf Jean Damascène, De haeresibus 80, 2-8, PG 94, 729a; éd. M. Kmosko, Patr. syriaque, t. 8, P. cexxxu; Cf DS, t. 9, col. 752-753), était en fait très largement répandue dans les milieux syriens. En réalité, l’auteur veut expliquer pourquoi les baptisés ne sont pas d'emblée parfaits. [1 condamne tout autant Ceux qui disent que le mal est un géant et l’homme un Petit enfant (vg 1, 7, 16); le mal est vaincu par la grâce à condition que l’homme y mette le prix.
Un tel enseignement permet à l’auteur de souligner très fortement le rôle de la liberté humaïne. La puis- Sanc de Satan est « protreptique » de la liberté et non contraignante. Mais la grâce divine est tout autant Protreptique et tout aussi peu contraignante. De sorte Que si un homme commet le mal, ce n’est pas Satan Qui est jugé, mais cet homme, et de même pour le bien. Les apôtres eux-mêmes gardaient leur libre arbitre : « Ils ne pouvaient pas pécher car ils ne le choisissaient pas, Puisqu’ils étaient dans une pareille lumière et une pareille grâce. Nous ne disons pas que la grâce en eux était
faibl, mais qu’elle permet même aux parfaits pneuma- |
tiques d’avoir une volonté et. une puissance de faire Ce qu’ils veulent » (1, 6, 5). Cette liberté n’a pas été détruite par le péché originel, ni par les fautes occasion- nelles de chacun. Il reste toujours la possibilité de
Crier vers Dieu : un nourrisson ne peut pas marcher:
PSEUDO-MACAIRE (SYMÉON)
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vers sa mère, mais il pleure et crie et sa mère est heureuse de le prendre dans ses bras. De même Zachée et l’aveu- gle-né ont crié vers le Christ : le modèle le plus souvent évoqué est celui de l’hémorroïsse qui a pu marcher et s’avancer jusqu’à toucher Jésus. Par ce cri que l’homme pousse et par la préparation qu’il fait de lui-même à la venue de l'Esprit, il est occasion (rpépaous; 111, 26, 38) de son propre salut, et seulement en cela, car l'Esprit accomplit en lui le reste.
L'homme est affronté aux tribulations (Abe) et aux détresses (orevoxwpiat) afin d’être éprouvé (5owt- u&Co, Soxmuxoix) pour devenir plus parfait et recevoir une gloire que n’espérait pas pour lui le diable. Toutes les épreuves contribuent au bien des âmes, car elles per- mettent de distinguer ceux qui aiment réellement Dieu de ceux qui ne font que le paraître (1, 2, 3). À travers elles l’âme grandit et progresse : elle ressemble au chanvre qui est d'autant plus fin qu’on l’a davantage battu (vg 111, 28, 8). Seul celui qui persévère jusqu’au bout sera sauvé. L'épreuve permet aussi à l’homme de discerner en lui-même si ses pensées sont attachées à Dieu ou au mal, de savoir s’il a oublié ou non le Sei- gneur, s’il croit vraiment en Dieu. Dans ce but, la liberté de chacun, même de ceux qui sont avancés dans la vie spirituelle, est mise à l’épreuve de temps en temps (xpévoic nat xaupoïc, vg 111, 24, 6). Sans combat spirituel, il n’y aurait pas de foi (11, 27, 21), la voie ne serait pas étroite, et il n’y aurait pas de récompenses. Les tribulations ont encore le mérite de chasser l’orgueil et d'empêcher de se croire arrivé; elles évitent au moins de devenir insouciant (@uepuvéc).
Pour mener à bien cette lutte, le moine a besoin avant tout de discernement (dtéxptoic), vertu par laquelle il scrute son âme intérieure et en chasse ce qui est mau- vais. L’homme originellement était capable de äiscerner ses passions (Stæxprrixdc ral&v) et cette vertu, au même titre que la connaissance, la prudence, la foi et la cha- rité, fait partie des attributs de «l’image selon l'Esprit». Le discernement n’a pas complètement disparu après la chute. Il est défini comme un devoir d’examen de conscience d’autant plus subtil que, dans la prière ou dans les rêves, Satan peut se déguiser en bon ange et introduire l'illusion. Le critère essentiel est alors celui des fruits : l’amour de Dieu et l’amour des frères que le diable est incapable de provoquer {r, 2, 10). II ÿ a aussi des critères quirelèvent du sens spirituel (ctofnotc voep&). Satan provoque le trouble et ne suscite pas le désir de Dieu; il rend le corps et l’âme lourds {1, 5, 4); les voies de la grâce comportent joie, paix, charité et forcent l’homme à chercher la vérité (r, 4, 20).
L'homme peut aussi se faire illusion à soi-même parce que la grâce a œuvré dans une partie de lui-même,
un de ses « membres », et il se croit tout entier dans sa.
lumière. Ou encore parce que Satan s’abstient volon- tairement d’agir afin de lui faire croire qu’il est entière- ment pur, et endormir sa vigilance : les tentations, la lutte sont un signe de vérité de la vie spirituelle. Bien plus, elles font du moine l’égal des grands martyrs (cf r, 2), elles lui offrent le moyen d’imiter le Christ jusqu'au bout, en particulier dans les détails de sa Passion souffrante et humiliée.
« Alors ils lui crachèrent au visage, lui mirent une couronne d’épines, le flagellèrent. Il est écrit en effet : « J’ai offert mon dos au fouét; je n’ai pas détourné mon visage des crachats; j'ai tendu la joue aux flagellations ». Si Dieu est descendu jusqu’à de tels outrages, de telles souffrances, un tel abaissement, toi qui es par nature un bourbier, par nature un être mortel, tu ne
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fais rien d’égal à ton maître, même lorsque tu es abaissé. Dieu s’est abaissé pour toi, et toi tu t’enfleras d’orgueil sans t’abaisser pour lui? Il est venu prendre sur lui fardeaux et tribu- . lations pour te donner le repos, et toi tu ne veux pas supporter peines et souffrances pour obtenir la guérison de ta blessure? » (x, 6, 2}. « Regarde comment le maître des prophètes et des apôtres, oubliant pour ainsi dire sa gloire divine, a traversé la vie en devenant pour nous un modèle (rôroc); dans les outrages, ils lui mirent une couronne d’épines sur la tête, lui imposèrent les crachats, la flagellation, la croix » {r, 7, 47}.
Dans ce combat spirituel, le moine acquiert des vertus, affronte des vices, alliés et ennemis de sa lutte. Le pseudo-Macaire énumère souvent des listes de vertus et de vices qui sont parentes de celles qui traînent dans la littérature monastique de l’époque :
« Le vieil homme porte le vêtement du royaume des ténèbres, vêtement de blasphème, d’incroyance, d'absence de crainte, de vaine gloire, d’orgueil, d’avarice, de désir, et de même toutes les autres guenilles impures et souillées du royaume des ténè- bres » (11, 2, 4). « Toutes les vertus sont liées les unes aux autres comme une chaîne spirituelle; l’une est suspendue à l’autre : la prière à la charité, la charité à la grâce, la grâce à la douceur, la douceur à l’humilité, l'humilité au service, le service à l’espé- rance, l’espérance à la foi, la foi à l’obéissance, l’obéissance à la simplicité; et de même, du côté opposé, les maux sont liés l’un à l’autre : la haïne à la colère, la colère à l’orgueil, l'orgueil à la vaine gloire, la vaine gloire à l'absence de foi, l’absence de foi à la dureté de cœur, la dureté de cœur à l’absence de soin, l'absence de soin à la vanité, la vanité à l’acédie, l’acédie au manque d’endurance, le manque d’endurance à l'amour des plaisirs; tous les autres membres du mal sont aussi dépendants les uns des autres» {rr, 40, 1; cf GL, p. 268, 11).
Toutes ces passions sont les armes de Satan, chaque « esprit » met en branle la passion qui lui est propre. Certaines tentations cependant sont plus constantes ct plus typiques que d’autres; elles ont aussi plus de chance de ruiner le progrès spirituel. Satan essaie de décourager les âmes et de leur faire abandonner la lutte par désespoir (&vemioriæ). Il faut répondre par deux vertus contraires : l’espérance et la persévérance. L’espérance se nourrit de la certitude que Dieu est venu pour les pécheurs : « Le Mauvais cherche volon- tairement à introduire le désespoir dans l’âme pour la perdre, en lui rappelant ses fautes ou ses mauvaises pensées passées. Il ne faut pas faire cas de telles pensées, mais les mépriser et leur résister par la foi et l'espérance dans le Seigneur puisqu'il a promis de justifier l’impie » (r, 47, 4). Il faut « fuir » vers le Seigneur, « crier » vers lui. Le moine doit aussi toujours s’encou- rager de l’idée que « s’il n’est pas lavé aujourd’hui, demain il le sera » (1, 7, 6, 5); sans elle il ne pourrait pas résister.
L’obstacle le plus difficile à vaincre cependant est celui de lorgueil; c’est lui qui finit par avoir raison de l’ascète. La forme particulière qu’il prend dans le déroulement du progrès spirituel est celui de la présomp- tion (oïnox), le fait de croire qu’on est déjà arrivé, ou seulement qu’on est déjà quelqu'un. Déjà dans le Paradis, au moment de la chute, Adam a cédé à une première forme de présomption; nu, il s’est forgé un vêtement imaginaire de pensées, une présomption de justice (otnors Stxatoobvnc, 11, 20). Divers chemins conduisent à cette faute : l’homme se livre aux puis- sances de ce monde auprès desquelles il cherche soutien, et finit par surprendre son esprit en train de tourbil- lonner dans les pensées mauvaises loin de Dieu (r, 45, 4). L’acédie distrait l’âme dans les songes : « L’âme qui est dans l’acédie est gardée par le manque de foi;
elle remet de jour en jour et n’accueille pas le Verbe car elle est loin de lui, si bien que sous l’effet de l’acédie elle n’écoute plus la voix de Dieu. Alors elle s'envole dans les songes et se repose dans les rêves, ignorant la guerre qui se livre à l’intérieur; elle en vient à la présomption et à l’orgueil de ses songes » (1, 3, 3).
L'âme se développe comme un arbre avec racines et branches, le mal s’est étendu en elle des racines aux rameaux, tandis que la grâce commence à toucher les branches une à une : les profondeurs de l’âme sont difficiles à explorer, et le moine risque de s’imaginer, à partir de quelques branches, que l’arbre tout entier est sauvé. C’est le danger qui guette à plus forte raison les hommes qui refusent de croire que le-péché peut encore cohabiter avec la grâce présente dans l’âme. Le diable enfin se sert des mouvements et besoins natu- rels de l’homme pour le tenter; aussi l’homme risque- t-ilinversement de prendre pour naturelles ses habitudes mauvaises. Plus subtilement encore le moine peut se laisser prendre au piège des paroles édifiantes qu’il se permet de prononcer, il ne voit pas qu’il parle des vertus sans les pratiquer en acte et en vérité, car selon l’auteur c’est une chose d’expliquer des Écritures, autre chose d’avoir la grâce en soi. Contre ces diverses formes d’orgueil et de présomption les remèdes sont la crainte et le tremblement : « Les chrétiens maintenant sont éminemment riches et pleins de désirs pour la divinité, et pourtant avec une telle joie et une telle consolation, ils demeurent sous l’empire de la crainte et du tremble- ment. — Question : de quelle crainte et de quel trem- blement? — Réponse : de glisser en quoi que ce soit au lieu d’être en accord avec la grâce ». Le moine doit considérer chaque fois qu’il n’a encore rien fait, «se tenir lui-même pour rien » {vx Eyn éÉoudevouévou Éavrév). C’est la définition de la pauvreté en esprit : « Lorsqu'un homme qui est juste et élu de Dieu ne pense pas qu’il est digne d’honneur, mais tient son âme pour indigne ct réduite à néant, ne sachant rien, ne possédant rien » (1, 7, 17}. Il est comme un sac grossier dont l'intérieur serait rempli de perles. Ainsi la vertu pri- mordiale de la vie monastique est l’humilité.
Le combat spirituel par définition ne s’arrête jamais. Les épines poussent jusqu’au jour de la moisson, et l'âme passe par des heures de paix et de tentations. Les apôtres eux-mêmes n’ont pas été exemptés de la lutte, et saint Paul dit qu’il lui restait une écharde dans la chair. Le pseudo-Macaire rapporte souvent qu’il a connu des ascètes doués de tous les charismes et participant de l'Esprit qui sont tombés quand ils n’étaient pas encore parvenus à la charité parfaite. Seuls les ascètes qui désirent ardemment et d’une manière insatiable la communion parfaite avec l'Esprit Saint peuvent espérer devenir, à la rigueur, à la fin de leur vie, dignes de la délivrance parfaite. Même alors, ils demeurent dans la crainte, et la grâce elle- même leur enseigne l’humilité. Ils deviennent des « chrétiens parfaits ».
8. La prière. — Toutes les vertus s’enchaînent les unes aux autres; mais elles sont suspendues, comme à une chaîne spirituelle, à la première d’entre elles, la prière : « Le sommet de tout zèle vers le bien et la cime des pratiques vertueuses, c’est l’assiduité dans la prière grâce à laquelle nous pouvons obtenir chaque jour le reste des vertus en les demandant à Dieu » (GL, p. 268, 49 à 269, 3). En effet, l’homme ne peut rien de lui-même sinon crier vers Dieu et demander
35 PSEUDO-MACAIRE (SYMÉON) 36
le secours de la grâce {en quoi consiste le fondement de la prière). L'Esprit vient alors en réponse accomplir en l’homme les vertus :
« La prière produit chez ceux qui en sont dignes une certaine communion (xowwviæ) mystique de sainteté avec Dieu, grâce à lPaction de FEsprit, et une certaine union (ouvépetx) avec le Seigneur de l'esprit disposé dans une charité indicible; et chaque jour celui qui se contraint à persévérer dans la prière est attiré par la charité de l'Esprit à un amour et un désir plein de feu pour Dieu; chacun reçoit la grâce de l'Esprit de perfec- tion d’une volonté libre, et c’est Dieu qui la donne » (1, 4,1, 4).
L'homme déchu est habité par la puissance « étran- gère » du mal : il a donc besoin de la présence conti- nuelle de l’autre puissance « étrangère », la grâce, l'Esprit; aussi la prière doit-elle tendre à ne jamais cesser. Pour cela il faut que la formule en soit brève : « Conteste sans cesse le péché qui habite en toi, puisque tu as une volonté, et prie Dieu sans cesse. Quand tu le pries, que dis-tu? Je te prie, Seigneur, je te prie. Répète cela quand tu marches, quand tu manges, quand tu bois et quand tu ne fais rien » (1, 6, 8, 3). Le précepte de la prière perpétuelle est un trait messa- lien; la formulation n’est pas sans annoncer celle de la « prière de Jésus » (cf DS, t. 8, col. 1130 svv).
La prière, pour les commençants au moins, est pré- sentée comme un exercice ascétique : il faut se contrain- dre (&vayxateuv), se forcer (Biéteoôa) à prier. Cet exer- cice consiste essentiellement à rassembler les pensées de l’esprit, dispersées dans les préoccupations terrestres, pour unir à Dieu un esprit purifié et concentré dans VPattente de la grâce. L’homélie 1/29 offre aussi une véritable méthode d’oraison :
« Efforçons-nous de préparer avec soin notre prière dans la foi et la crainte de Dieu, sans nous laisser combler par les habi- tudes corporelles, habitudes de cris, de silence ou de génu- flexions, alors que l’effet d’une négligence volontaire maintient lesprit dans le bouleversement, le trouble, l’insouciance ou Poubli de l'ignorance. Efforçons-nous de faire pratiquer à notre esprit la recherche et l'attention, en tout temps et surtout au temps de la prière, avec grande sobriété, attention et souci du bien. Efforçons-nous de nous rendre étrangers à toute pensée terrestre, détournons-nous de toutes les pensées matérielles, tenons l'esprit de notre âme tout entier dans l’attente du Seigneur avec foi et espérance. Nous recevons à toute heure la visite de la grâce elle-même par laquelle nous pouvons acquérir la prière vraie et sans distraction de l’esprit, en maintenant l’attente de l'Esprit à toutes les issues et sur tous les sentiers
de nos pensées, voyant par avance le Seigneur en face de nous,
partout, dans la foi et la crainte, non pas corporellement, dans un lieu, à l'extérieur, mais par la puissance invisible de la divinité ».
Tandis que le calme (ñouxix) et la pratique des vertus favorisent la prière, le démon s’ingénie à distraire l’âme de Dieu par le moyen des mauvaises pensées. Maïs ce procédé se retourne contre lui, car, au cœur de la prière, l’Esprit Saint brûle les mauvaises pensées comme un feu purifiant : « De même que les broussailles jetées au feu. se consument aussitôt, de même les démons ignés qui veulent combattre l’homme brülent et sont consumés par la puissance divine et son feu... Et même si les démons sont forts comme une montagne d’airain, ils sont brûlés par la prière comme cire au feu» (1,18, 5). Au cours de cette lutte intérieure, l’homme apprend à discerner d’où viennent ses pensées : de l'esprit du bien ou de celui du mal; c’est en priant qu’il voit clair en lui : « Que chacun s'approche de la prière et y apprenne d’où viennent les pensées de son cœur
et les opérations de sa pensée, de l’esprit du monde ou de l'esprit de Dieu, et qui des créatures d’en haut ou de celles de ce monde lui apporte de la nourriture pour son cœur » {1rr, 24). C’est le lieu d’exercice du discernement (Gi&xptois), la mise à l’épreuve (Soxwxolx) des pensées intérieures. Mais notre cœur ne peut être purifié sans qu’il y ait intervention claire de l'Esprit. Au-delà, notre esprit peut crier « comme il lui semble bon », « comme cela lui plaît ». On accède alors à un autre degré de la prière, que l’auteur appelle la prière « vraie », en la distinguant de la prière « naturelle ». C’est l’Esprit Saint lui-même qui enseigne la prière « vraie », en laquelle les mystères de Dieu sont enseignés directement à l’âme (pour une analyse des notions de cœur, âme et esprit comme lieux de l’action de la grâce, voir A. Guillaumont, art. Cor et Cordis affectus, DS, t. 2, col. 2281-2288). L'âme connaît alors le goût, l’expérience spirituelle, la joie et diverses formes d’ex- tases (cf DS, art. ExTASsE, t. 4, col. 2107-2108).
&. Théologie spirituelle. — La spiritualité du pseudo-Macaire est commandée par l’idée que la grâce et les efforts de l’homme doivent coopérer au salut de chacun. Sans l'effort de l’homme pour accueillir la grâce, celle-ci demeure inefficace. C’est pourquoi l’au- teur adopte la thèse messalienne selon laquelle le baptême ne déracine pas (éxpt@6w) entièrement le mal du cœur de l’homme : il y faudra le combat spirituel de toute une vie (GL, p. 286, 6 svv; rx, 1, 23 28, 3; 1, 25, 2, 3-5; 43, 1, 2-6; 52, 1, 4). C’est le centre d’intérêt des homé- lies qui appliquent en ce sens tous les versets dans lesquels Paul parlait de la situation des hommes avant la venue du Christ, aux chrétiens qui ne sont pas encore venus à bout de la lutte (cf V. Desprez, Les citations de Rom. 1-8 dans les « Homélies » macariennes, dans Parole d'Orient, t. 8, 1972, p. 75-103 et 197-240). Non seule- ment les sacrements pourraient être vains mais aussi les efforts humains tant qu’ils restent extérieurs les génuflexions, les cris dans la prière, une lecture de la Bible qui s’en tient à la lettre : « Que personne d’entre vous n’aille connaître Dieu seulement en paroles, mais qu’il l'ait dans son cœur en tout sentiment et toute connaissance » (1, 5, 2, 7). Il faut aller au-delà des simples pensées (vofuar«) sur Dieu ou les Écri- tures, jusqu’à la réalité effective (odoix, bréotaotc). Cette réalité s’accomplit dans l’âme au cours du combat spirituel, c’est pourquoi la notion d’expérience (reipa) prend une importance capitale. Cette expérience porte sur les « merveilles » (Oxvuæoix) de Dieu, sur le monde de là-bas ou la gloire de là-bas. Elle n’est pas accessible à ceux qui ont l’esprit de ce monde-ci et sa présence met en lumière la réelle conversion du cœur. Aussi l'expression « en expérience et en plénitude » peut-elle équivalemment s’employer pour « en expérience et en sentiment », « en sentiment et en vérité », etc. Sans Pexpérience on reste sous l’influence combinée de la grâce et de l'esprit du mal; dans l’expérience, on chasse le mal au profit du bien. !
Or c’est « l'Esprit Saint », « l'Esprit de Dieu», «l’Es- prit du Christ », « la grâce » qui accomplit cela en nous. La venue (Ëkevaic, értÔnuix) du Seigneur renouvelle en nous l’image céleste, en nous unissant à son propre Esprit de sainteté. Le pseudo-Macaire entend par « venue du Seigneur » aussi bien l’Incarnation que la venue de la grâce dans n'importe quelle âme, à n’im- porte quel moment, la seconde étant évidemment ren- due possible par la première. De même, le mot « puis-
37 DOCTRINE 38
sance », que la théologie contemporaine du pseudo- Macaire emploie surtout à propos du « Christ puissance de Dieu », s’applique chez lui au Christ, mais aussi à l'Esprit qui effectue en chacun de nous les « mystères » de Dieu. La puissance de Dieu nous donne des « charis- mes » {yxolouaæra). Ces charismes sont nombreux et variés prophétie, de révélation, de guérison. Ils attestent la présence de l’Esprit et sont confiés à chacun dans la mesure où il est capable de les gérer (oixoSouïoæ) et de les faire fructifier. Ils ne sont que des cadeaux de fiançailles (&pp«B@v), ne doivent donner aucun conten- tement de soi, ni faire oublier la présence du mal qui n'est pas encore vaincu. D'ailleurs, à de multiples reprises, les homélies soulignent qu’on peut « pendant quarante ans » ne pas « recevoir la puissance divine »;
si l’on meurt alors, le jugement de Dieu tient compte |
de l’ardeur avec laquelle le moine a lutté.
Par l'intervention de l'Esprit le but que visent les efforts de l’homme s’accomplit réellement en l’âme, le moine accède à la « vraie prière », celle qui est « en esprit et en vérité », il connaît le baptême « de feu et d’Esprit »; par cette expression un peu ambigué, l’auteur désigne soit le vrai baptême du nouveau Testa- ment dont l’ancienne Alliance ne connaissait que la figure sous la forme du baptême d’eau, soit le baptême chrétien qui a réellement produit ses fruits dans l’âme du parfait. En ce second sens les « chrétiens baptisés dans l'Esprit Saint n’ont plus l'expérience du mal » et s’opposent à ceux qui « ayant la grâce sont encore mêlés au péché » (cf 11, 43, 3).
L’accent mis sur la nécessité de l’expérience, du combat où se joue la partie de la liberté humaine entre la grâce et le mal, entraîne les homélies à donner plus d'importance aux critères personnels de présence de FEsprit qu’à des actes ccclésiaux (lecture de la Bible, commentaires des Écritures, sacrements, comme chez les alexandrins et les cappadociens). Aussi reviennent très souvent les critères de sentiment (xïo9no1c), plé- nitude (rAnpopopix), joie (xapt}), goût (yedoic). pseudo-Macaire donne une définition très caractéris- tique du goût spirituel : « C’est la puissance de l'Esprit qui agit en plénitude, en accomplissant son service (Staxovoücx) dans le cœur » {rr, 15, 20). Il ne s’agit donc pas d’impressions subjectives et fantaisistes, mais de ce par quoi la grâce est sentie comme réellement présente et efficace. Souvent aussi l’auteur avertit ses moines que s’ils ne remplacent pas le goût des choses d’en-bas par un goût réel dès maintenant des choses d’en-haut, c’est qu’ils n’ont pas réellement renoncé au monde et qu’ils ne sont qu’un sel affadi : s’ils quittent les . affaires de ce monde, ils trouveront que la peine et la
tribulation sont pleines de joie (xapt) et de repos (ävéraœvotc) (11, 49, 5).
Le repos désigne, en effet, un état de libre mais totale dépendance d’un obligé à l’égard de son bienfaiteur. Macaire l’illustre par l’exemple de l’homme pauvre accueilli avec amitié par un homme riche qui lui accor- derait libre accès à son cœur comme à ses biens. Recon- naissant et comblé, l’homme pauvre « se repose » en celui dont il reçoit tout et n’a plus souci de rien (1, 31, 2). Mais il peut y avoir un mauvais repos, si l’on se trompe de bienfaiteur : on peut se complaire et se reposer dans les choses de ce monde (1, 4, 28; 8, 17; 11, 45, 3). Aussi les. âmes qui attendent le repos de la grâce
: charisme de la parole, du discernement, de’
refusent-elles de se reposer dans le monde (1, 31, 1). Le vrai repos est libération des pensées mauvaises qui assaïllent l’âme (11, 85, 1; 82, 7). C’est pourquoi il se rencontre dans la prière (11, 40, 6). Libérant l’âme de ce qui la trouble, il lui donne « des entraïlles. pour s'occuper de ses frères et pour surveiller sa propre maison » (1, &, 4). Le démon ne peut pas procurer cette vraie délivrance, et dans la mesure où celle-ci s’oppose au trouble des mauvaises pensées, le repos peut être un critère dans le domaine des révélations. C’est le Christ qui est venu nous enlever le fardeau de nos péchés : en échange, il nous accorde son repos, ou le repos qu’il est en lui-même {r, 6, 2; cf At. 11, 28). Il se repose en nous comme nous nous reposons en lui. Macaire évoque, comme le faisait déjà la tradition, la béatitude des élus sous la couleur d’un repos indicible, d’une joie et d’une allégresse parfaites (passim). Mais il met souvent en garde contre la tentation de s’y croire déjà parvenu, et peint le plus souvent le repos d’ici- bas, état passager qui alterne avec les moments de lutte contre le mal (1, 4, 5; 8, 7, etc).
Le même besoin de mettre en garde les moïnes contre la présomption, la tentation de se croire trop.vite dans la Jérusalem céleste, pousse le pseudo-Macaire à rejeter dans l’avenir ce qui est la condition déjà présente du chrétien; nous l’avons dit du baptême de feu et d’Es- prit : c’est vrai aussi de l’acception du mot église qui: désigne quelquefois l’Église « visible », mais bien plus souvent l'âme individuelle en tant qu’elle est « église » (= assemblée, rassemblement) de ses pensées autrefois dispersées et maintenant unies à Dieu, ou plus fréquem- ment encore « l'assemblée des saints », l’Église d'Israël, la Jérusalem céleste en laquelle tous sont revêtus de la gloire de l'Esprit. Dès ici-bas, l'âme progressivement unie à l'Esprit s’habitue de plus en plus à vivre (roïureboua) dans la cité céleste. Comme un oiseau apprend à voler à ses pelits, les enfants de Dieu reçoi- vent d’abord le lait de l'Esprit, puis doivent progresser par le combat et les bonnes œuvres. Ensuite l'Esprit apprend à s'envoler du nid du cœur ou des pensées, c’est-à-dire à prier sans tourbillonner. Puis l’âme s’en- vole de plus en plus haut et l'esprit humain peut quitter ce monde sous les ailes de Esprit, dans un complet repos et une complète absence de soucis; il reçoit alors visions et révélations (1117, 16, 2). À la Résurrection finale, les corps seront appelés à revêtir la gloire de l'Esprit que seule l’âme peut posséder ici-bas.
L'Esprit est donc invoqué aux différents stades de la vie spirituelle : sans sa puissance (Süveuc), son intervention efficace (évepyeix), l’âme, dès le début, ne pourrait pas changer. Lui seul peut rendre efficaces les efforts pourtant indispensables que la liberté humaine engage dans le combat spirituel. Mais c’est encore Lui qui triomphe lorsque l’âme, à la fin, mêlée à Lui, devient elle-même un « esprit-porteur-du-corps » (nrveüux Gapxépopov, 1, 11, 4). L'importance accordée à la théo- logie de l’Esprit rejette quelquefois un peu dans l’ombre les données plus classiques de la christologie; cet effa- cement provient du but que se proposent les homélies spirituelles : apprendre au moine, déjà chrétien et déjà baptisé, à vivre enfin sa vocation chrétienne « en vérité », à la mener à travers tribulations et joies, dans la persévérance, la lutte et la prière, jusqu’à la récom-
pense finale qui est aussi le don suprême de Dieu. Mariette CANÉVET.
39 PSEUDO-MACAIRE (SYMÉON) 40
NL INFLUENCE
Macaire-Syméon a eu sur la spiritualité orientale une influence parallèle à celle d’Évagre, dont il a contre- balancé l’intellectualisme par sa mystique plus sentie; Évagre fixe les cadres, Macaire et les auteurs semblables fournissent le contenu émotif; leurs influences se cor- rigent et se complètent. L'un et l’autre représentent d’ailleurs la « mystique de lumière » issue d’Origène, mieux accordée avec la sensibilité orientale que la mystique de ténèbre du pseudo-Denys (cf J. Lemaître = I. Hausherr, art. ConrEmPLATION, DS, t. 2, col. 1791- 1792, 1848-1849, 1851-1854).
Il faut remarquer que, parmi ceux qui ont subi son influence, Joseph Hazzaya et Jean de Dalyatha, Syméon le Nouveau Théologien et Grégoire Palamas ont été accusés de messalianisme (à tort en général, l'accusation de messalianisme étant devenue une arme passe-partout dans l’Église orientale), mais sans rapport explicite avec leur utilisation des écrits macariens. Ce fait indique au moins la continuité d’un courant spirituel.
Une étude d’ensemble manque encore; nous signalerons les monographies; on trouvera des éléments dans les contributions
de L. Bouyer à l'Histoire de la spiritualité chrétienne, t. 1 La.
spiritualité du Nouveau Testament et des Pères, Paris, 1960, p. 511-513 (Diadoque), 516, 521; t. 2 La spiritualité du moyen âge, 1961, p. 668 (Syméon le Nouveau Théologien}), 683 (la prière de Jésus), 693 (Palamas); t. 3/2 La spiritualité orthodoxe et la spiritualité protestante et anglicane, Paris, 1965, p. 36 (Nil Sorsky), 72-75 (Séraphim de Sarov), 139-141 (Johann Gebhard).
49 JEAN Cassie. — La thèse de A. Kemmer (Cha- risma Maximum. Untersuchung zu Cassians Vollkom- menheitslehre und seiner Stellung zum Messalianismus, Louvain, 1958), suivant laquelle Cassien dévendait du messalianisme (Liber Graduum et Macaire) dans son enseignement sur la perfection, n’a pas été admise dans son ensemble, mais la question imérite d’être reprise en ce qui concerne Macaire.
A. Kemmer, Gregorius Nyssenus estne inter fontes Joannis Cassiani numerandus?, OCP, t. 21, 1955, p. 451-466 (et les deux articles cités infra). — P. Deseille, À propos de l'épilogue du
” ch. ? de la Règle, dans Collectanea ord. cisterciensium reformato- rum, t. 21, 1959, 289-301.
20 Vire D’Hyparios. — Les catéchèses que Callinicos met dans la bouche d’'Hypatios s’inspirent des homélies de Macaire m1, 5, 8; 26, 7-11; 27, 4; 30, 7; 40, 8; tx, 10, 2.
C? G.J. M. Bartelink, Texts parallels between the Vita Hypatii of Callinicus and the Pseudo-Macariana, dans Vigiliae chris- tianae, t. 22, 1968, p. 128-136; Introduction à la Vie d’Hypa- tios par Callinicos, SC 117, 1971, p. 38-41. La Vie d'Hypatios étant antérieure à 450, l'œuvre de Macaire doit lui être anté- rieure. Les textes macariens ont pu être apportés au monastère de Rouphinianes par Alexandre l’Acémète, ou par Callinicos lui-même. |
839 Drapoque DE Pnoricé. — H. Dôürries a montré que Diadoque corrigeait Macaire plus qu’il ne le réfu- tait. Diadoque passait jusqu'alors pour un adversaire des messaliens. Macaire est l’une des sources principales de Diadoque, qui en prolonge le climat et le vocabulaire, en ordonnant ses intuitions foisonnantes mais en rétré- cissant ses perspectives. Diadoque doit cependant être plus éloigné de Macaire et surtout du mouvement messalien que ne le pense Dôrries, car Diadoque ne réfute chez ses adversaires que la cohabitation du péché et de la grâce, qui est déjà chez Macaire une note
antimessalienne. Par ailleurs, les textes de Diadoque sur le baptême (ch. 76-79) et le discernement dés esprits (ch. 39-40) se trouvent déjà plus qu’en germe chez Macaire (baptême : GL 234, 18-20; 236, 1-23; 1, 25, 2, 3-5; 43, 1.2.6; 52, 1, 4-5; 1x1, 28, 8; songes et visions : 1, 2, 10, 2.4-5; 5, 4, 2-4; 11, 7, 8).
H. Dôrries, Diadochos und Symeon. Das Verhaltnis der Kepdhaix yvworixé zum Messalianismus, dans Wort und Stunde, t. 1, Gôttingen, 1966, p. 352-422. — F. Dürr, Diadochos von Photike und die Messalianer. Ein Kampf zwischen wahrer und falscher Mystik im fünften Jahrhundert, Fribourg-en- Brisgau, 1937. — É. des Places, Introduction à Diadoque de Photicé, Œuvres spirituelles, SC 5 ter, 1966; art. DIADOQUE DE Paoricé, DS, t. 3, col. 817-834.
40 MYSTIQUES NESTORIENS DES 7€-8e SsIÈCLES. — Dadisho‘ de Qatar et Isaac de Ninive (7e siècle; cf DS, t. 3, col. 2-3; t. 7, col. 2041-2054) citent Macaire; au 8e siècle, Joseph Hazzaya et surtout Jean de Dalya- tha (DS, t. 8, col. 1341-1349, 449-452) subissent son influence.
Voir A. Guillaumont, Sources de la doctrine de Joseph Hazzaya, dans L'Orient syrien, t. 3, 1958, p. 3-24 (surtout 19- 24); R. Beulay, L'enseignement spirituel de Jean de Dalyatha, thèse de l'École pratique des Hautes Études, Paris, 1974 (dactylographiée), t. 1, p. 122-169. C’est le corpus macarien syriâque qui est généralement utilisé, parfois des pièces grecques.
59 SymÉonN LE NOUVEAU THÉOLOGIEN. — Il n'existe pas d'étude d’ensemble.
La Catéchèse 34 de Syméon est rapprochée de la Grande Lettre par B. Krivochéine {Introduction aux Catéchèses, SC 96, 1963, p. 39, note 3); le climat de la mystique de Syméon est profondément dans la ligne de Macaire (cf. J. Darrouzès, Introduction aux Traités théologiques et éthiques, SG 122, 1966, p. 28; H. G. Beck, Kirche und theologische Literatur im byzan- tinischen Reich, Munich, 1959, p. 360-362).
6° Grécorre PALAMAS cite explicitement le « Grand Macaire » et utilise deux points de sa doctrine, qu’il comprend à sa manière :
1) Participation du corps à la vie surnaturelle par l’intermé- diaire du cœur, qui est le lieu du voës (cf Macaire, Homélie nr, 45, 20); 2) Caractère non intellectuel de la lumière céleste qui se communique à la substance de l’âme (cf opuscule De libertate mentis 22 et 24, PG 84, 956d et 957b, paraphrase du discours r, 58, 1-2), ce qui lui permet d'affirmer que les énergies divines sont substantielles.
Voir Pétude précise de J. Meyendorff dans Grégoire Palamas, Défense des saints hésychastes, coll. Spicilegium sacrum lova- niense 31, Louvain, 1959, t. 4, p. xxxvi-xxxix, et l'index, t. 2, p. 743, Introduction à l’étude de Grégoire Palamas, coll. Patristica Sorbonensia 8, Paris, 1959, surtout p. 198-200, 206- 208, 210-213.
70 ORDRES RELIGIEUX CATHOLIQUES. — Les homé- lies de Macaire figurent parmi les lectures conseillées aux maîtres des novices de la compagnie de Jésus (7ns- titutum Societatis Jesu, t. 3, Florence, 1893, p. 121; la liste des auteurs fut imprimée pour la première fois dans l'édition des Règles de Mercurian en 1580). Les homélies sont conseillées aux moines par L. d’Achery, Asceticorum… Indiculus…, 2e éd., Paris, 1671, p. 4. ‘
89 SPIRITUELS RUSSES. — Nil Sorsky (1435-1508), Séraphim de Sarov (1758-1833) et Théophane le Reclus (1815-1894) ont profondément assimilé l’enseignement de Macaire. Voir, en plus des études en russe signalées dans la bibliographie, I. Smolitsch, Moines de la sainte Russie, Paris, 1967, p. 28-29, 59, 72, 78 et surtout 203;
41 INFLUENCE 42
Th. Spidlik, La doctrine spirituelle de Théophane le Reclus, OCA 172, Rome, 1965.
90 PIrÉTISME LUTHÉRIEN. — « Macaire est devenu le grand saint du piétisme » (G. Quispel, Makarius, das Thomasevangelium.., p. 2).
Pour l'influence de Macaire sur le protestantisme en général, voir E. Benz, Die protestantische Thebais. Zur Nachwirkung Makarius des Aegypters im Protestantismus des 17. und 18. Jahrhunderts in Europa und Amerika, Mayence, 1963; compte rendu par J. Kirchmeyer, RAM, t. 43, 1967, p. 229-231. Sur G. Arnold, premier traducteur allemand de Macaire, cf H. Dôrries, Geist und Geschichte bei Gotifried Arnold, Gôttingen, 1968.
10° Métaopisme. — John Wesley traduisit en anglais cer- taines homélies; il s’en inspire pour la composition de ses hymnes. Le centre de sa doctrine est le thème bien macarien de la « nouvelle naissance » (cf M. Piette, La réaction wesleyenne dans l’évolution protestante, Bruxelles, 1925, p. 597-603 sans allusion à Macaire}). Le thème des sens spirituels y est conjoint (p. 600-601).
149 PENTECÔTISME CATHOLIQUE américain. Ce mouvement serait en relation directe avec les 50 homélies (cf J. Raasch, art. cité infra, n. 107, p. 29).
On trouvera la bibliographie relative à Macaire-Syméon, à jour aux dates de parutions respectives, dans B. Altaner, Précis de Patrologie, Mulhouse, 1961, p. 379-880; J. Quasten, Initia- tion aux Pères de l'Eglise, t. 3, Paris, 4963, p. 237, 241-245, 892; et surtout E. A. Davids, Das Bild vom Neuen Menschen, coll. Salzburger Patristische Studien 2, Salzbourg et Munich, 1968, l'étude récente la plus importante sur Macaire {liste des sources et études, p. 115-127; nombreux matériel bibliogra- ‘phique dans tout l’ouvrage). Nous reprendrons ici les princi- pales études qui n’ont pas été mentionnées dans le cours du présent article, quelques indications absentes des bibliographies citées, et les ouvrages parus depuis 1968. Pour les études qui traitent davantage du messalianisme, cf art. MESSALIANISME, DS, t, 10.
19 Texte. — L'étude fondamentale reste H. Dôürries, Symeon pon Mesopotamien. Die Ueberlieferung der messalianischen « Makarios »-Schriften, TÜ 55, 1, Leipzig, 1941. Cet ouvrage ignore la collection 111, mais ses études sur les autres recensions restent en grande partie valables. — E. Klostermann, Symeon und Macarius. Bemerkungen zur Textgestalt zweier divergieren- der Ueberlieferungen, Berlin, 1944. — U. Schulze, Das Verhältnis der « geistlichen Homilien » des Ps. - Makarios zu den übrigen Schriften Symeons von Mesopotamien, thèse dactylographiée, Gôttingen, 1962. — E. A. Davids, Eine Illustration zur Tezxt- überlieferung des Corpus Macarianum, dans Byzantinische Zeitschrift, t. 61, 1968, p. 10-18. — J. Kirchmeyer, Les 60 Homélies spirituelles de Macaire, RAM, t. 41, 1965, p. 491- 195.
Les homélies 11, 31, 33, 46 et 49 sont traduites par F. Quéré- Jeaulmes dans Les chemins vers Dieu, coll. Ichtys 11, Paris, 1967, p. 147-165; les homélies 52, 56, 8, 21 et 18 par P. Deseille dans L’Évangile au Désert, coll. Chrétiens de tous les temps 10, Paris, 1965, p. 184-157; les discours 1, 43 et 25 par M. Knie- wasser, Deux homélies inédites du Pseudo-Macaire sur la « subti-
‘ lité » physiaue de l'Esprit, dans Istina, t. 19, 1974, p. 343-349. Les homélies 11, 3, 56 et 18 (celle-ci par T. Moreno) sont tra- duites en espagnol dans Cuadernos Mondsticos, 1969, fasc. 8, p. 157-174 et fasc. 9, p. 101-111; les homélies 2, 21, 81 et 49, dans Cistercium, t. 24, 1972, p. 53-69.
29 Milieu. — Sur les éléments syriaques de l’œuvre maca- rienne.— À. Baker, Pseudo-Macarius and the Gospel of Thomas, dans Vigüiliae christianae, t. 18, 1964, p. 215-225. — G. Quispel, The Syrian Thomas and the Syrian Macartus, ibidem, p. 226- 235; Makarius, das Thomasevangelium und das Lied von der Perle, coll. Supplements to Novum Testamentum 15, Leyde, 4967. — A. F. J. Klijn, Some Remarks on the Quotations of the Gospels in Gregory of Nyssa’s « de Instituto christiano » and Macarius’ « Epistula Magna », dans Vigiliae christianae, t. 19, 1965, p. 164-168. — A. Baker, Syriac and the scriptural quota-
tions of Pseudo-Macarius, dans Journal of T'heological Studies, t. 20, 1969, p. 133-149.
Sur le messalianisme : A. Kemmer, Gregor von Nyssa und Ps. Makarius. Der Messalianismus im Lichte ôstlicher Herzens- mystik, dans Antonius Magnus Ereriita, coll. Studia ansel- miana 38, Rome, 1956, p. 268-282. — J. Meyendorif, Messalia-. nism or antimessalianism? À fresh look atthe Macarian problem, dans Xyriakon, Festschrift J. Quasten, t. 2, Münster, 1971, P- 585-590.
Sur les rapports avec Grégoire de Nysse, outre les études utilisées dans l’article, nous signalons les travaux postérieurs à W. Jaeger, Two Rediscovered Works of Ancient Christian Literature : Gregory of Nyssa and Macarius, Leyde, 1954. — H. Dôrries, Chrisilicher Humanismus und Mônchische Geist- Ethik, dans Theologische Literaturzeitung, t. 79, 1954, p. 643- 656. — J. Gribomont, Le De Instituto Christiano et le messa- lianisme de Grégoire de Nysse, dans Studia patristica v, TU 80, Berlin, 1962, p. 312-322. — KR. Staats, Der Traktat Gregors von Nyssa « De Instituto Christiano » und der Grosse Brief Symeons, dans Studia theologica, t. 17, 1962, p. 120-128. — À. Baker, The Great Letier of Pseudo-Macarius and Gregory of Nyssa, dans Studia monastica, t. 6, 1964, p. 381-387; Pseudo- Macarius and Gregory of Nyssa, dans Vigiliae christianae, t. 20, 1966, p. 227-284. —— A. Kemmer, Messalianismus bei Gregor von Nyssa und Pseudo-Makarius, dans Revue bénédic- tine, t. 72, 1962, p. 278-306. — A. J. M. Davids, Der Grosse Brief des Makarius. Analyse einer Griechischen Kontrovers- schrift, dans Heuresis. Festschrift Andreas Rohracher, Salz- bourg, 1969, p. 78-90.
L’annotation des 50 Homélies (Collection 11) par H. Dôürries : donne de nombreuses références aux apocryphes, aux auteurs ecclésiastiques etaux textes gnostiques et manichéens. R. Staats, Die tôrichten Jungfrauer von Mt 25 in gnostischer und antignos- tischer Literatur, dans Christentum und Gnosis, éd. par W. Eltes- ter, Berlin, 1969, p. 98-115.
80 Doctrine. — J. Stoffels, Die mystische Theologie Maka- rius des Aegypters und die ältesten Ansätze christlicher Mystik, Bonn, 1908. — J. Stiglmayr, Sachliches und Sprachliches bei Makarius von Aegypten, Wissenschafiliche Deilage zum 21. Jahresberichte des Privatgymnasiums Stella Matutina in Feldkirch, Innsbruck, 1912. — K. Dyobouniotes, Koloi reel rüv ovyypaudrov…., dans ‘’Enernpis ‘Eravpelas B. ZX, t. 1, 1924, p. 86-92. — H. C. Graef, La doctrine spirituelle des homé- lies attribuées à Macaire, VSS, t. 1, 1948, p. 455-468. — H. Ürs von Balthasar, La gloire et la croix, t. 4, coll. Théologie 61, Paris, 1965, p. 223-239. — H. Dôrries, Wort und Stunde, t. 1, Gôttingen, 1966 (quatre études sur Macaire, p. 225-250, 802- &29). — P. Miquel, Les caractères de l'expérience spirituelle selon le Pseudo-Macaire, dans Irénikon, t. 39, 1966, p. 497- 513. — B. St. Pseutogkas, ‘H ymotémç tTüv ouyypauérov.…, dans OsoAoyixèv Euuréauov, Salonique, 1967, p. 191-214. — A. Levasti, La Dottrina dello Pseudo-Macario nelle sue cin- quanta Omilie spirituali, dans Rivista di ascetica e mistica, t. 38, 1969, p. 141-159. — J. Raasch, The monastic concept of purity of heart and its sources : V. Symeon-Macarius, the school of Evagrius Ponticus and the Apophihegmata Patrum, dans Studia monastica, t. 12, 1970, p. 7-41 {cf DS, t. 8, col. 1680). — K. T. Ware, The Sacrament of.baptism and the ascetic life in the teaching of Mark the Monk, dans Studia patristica, t. 10 = TÜ 107, Berlin, 1970, p. 449-451. — M. Requena, El sentido de la « Conversatio morum » en el Pseudo-Macario, dans Cistercium, t. 24, 4972, p. 7-22. — V. Desprez, Les citations de Rom. 1-8 dans les « Homélies » macariennes, dans Parole de l'Orient, t. 3, 1972, p. 75-103, 197-240. — M.-J. Le Guillou, Remarques sur la notion macarienne de «a subtilité », dans Istina, t. 19, 4974, p. 339-842. — J.-Ph. Houdret, L'expérience de l'Esprit Saint dans les Homélies de Macaire, dans Carmel, n. 23, 1975, p. 43-58.
R. A. Klostermann, Die slavische Ueberlieferung der Maka- rios-Schrifien, Gôteborg, 1950, p. 56, signale les études en russe de N. J. Barsov, Charkov, 1889; Ieromonach Grigorij, Sergiev Posad, 1892; A. Bronzov, Saint Macaire d'Égypte, sa vie, Son œuvre, sa doctrine morale, Saint-Pétersbourg, 1899, et dans Christianskoe ëtenie, 1900; A. L. Katanskij, ébidem, 1901;
43 PSEUDO-MACAIRE (SYMÉON) — MCAULEY 44
T. V. Popov, dans Bogolslovskij Vestenik, 1904; Ierom. Onufrij,
Académie de Kiev, 1914. Vincent DEsPrez.
MOCAULEY (CATHERINE), fondatrice, 1778-1841.
— 1. Jeunesse et formation spirituelle. — 2, Origine de la fondation. — 3. Esprit de la fondation. 1. Jeunesse et formation spirituelle. — Catherine
McAuley naquit près de Dublin le 29 septembre 1778; ses parents appartenaient au petit nombre d’Irlandais catholiques aisés. L'Église catholique sortait à peine de la dure persécution que lui avaient fait subir les lois d'exception. Enfant, Catherine fut témoin du dévoue- ment de son père envers les pauvres et, sur la fin de son adolescence, de la peur de mourir qu’éprouvait sa mère. Elle rencontra le prêtre Andrew Lubé qui fut pendant dix ans son confesseur et son guide. A la mort de ses parents et la famille de son oncle étant réduite à la pauvreté, Catherine vécut dans une famille pro- testante qui la laissa libre d’aider les pauvres, d’instruire les domestiques et de visiter les malades, mais ne lui permit pas les pratiques extérieures de la dévotion catholique. Au déclin de leur vie, Catherine obtint leur conversion. En butte à la contradiction du milieu pro- testant, elle demanda lumière et conseil au vicaire général Thomas Betagh, qui lui donna des livres spiri- tuels et développa son talent d’énoncer simplement et nettement les données essentielles de la foi. Durant ces années, elle nourrit sa prière à laide de la Bible, de l’Imitation de Jésus-Christ, du Jesus Psalter qu’elle savait par cœur et de l’Universal Prayer. Les vendredis et durant le carême, elle jeûnait. Son exemplaire très usé de The Devotion to the Sacred Heart of Jesus (1° éd., Bruges, 1765) du jésuite Thomas Lawson témoigne de sa dévotion au Christ.
2. Origine de la fondation. — A la mort de ses bien- faiteurs, Catherine hérita d’une fortune considérable qui lui permit de mettre à exécution ses projets chari- tables.
Elle établit à Dublin un centre aux finalités multiples : refuge, formation professionnelle, évangélisation des femmes dans la misère, accueil des orphelins et des enfants pauvres; elle-même et les femmes qui l’aidaient y habitaient, tout en visitant les hôpitaux et les malades pauvres à domicile. La première pierre fut posée en 1824 par son fidèle ami Michael Blake et la House of Mercy fut ouverte le 24 septembre 1827. La communauté accueillante avait des prières en privé et des lectures et prières en commun; durant les premières années, elle suivait la messe quotidienne à l’église des carmes. Le prieur Francis L’Estrange et le confesseur Redmond O’Hanlon lui transmirent l’esprit du Carmei.
Les œuvres se développèrent au-delà de l’attente de Catherine, entraînant un nombre croissant de femmes à s’unir à elle pour soulager les besoins du peuple. Malgré les objections que soulevaient les coutumes, en parti- culier la clôture, de la vie religieuse telle qu’elle était alors vécue en [Irlande et qui paraissaient incompatibles avec ses intentions, Catherine présenta une demande expresse pour que le groupe devint communauté reli- gieuse. Encouragée et conseillée par l'archevêque Daniel Murray, elle examina diverses règles et choisit celle des Sœurs de la Présentation, fondée par Nano Nagle. Après qu’elle-même et deux de ses compagnes eurent accompli leur noviciat, elles prononcèrent leurs vœux simples le 12 décembre 1831, fondant ainsi les Sisters of Mercy.
8. Esprit de la fondation. — Catherine a laissé peu d’écrits : des lettres, quelques courts entretiens d’ordre
apologétique et un bref document Spirit of the Institute où elle souligne l’union de l’action et de la contempla- tion comme « appartenant à la grâce propre de l’ordre ». Ses sœurs ont consigné par écrit ses instructions sur la règle, ses conférences préparatoires aux professions ét quelques souvenirs sur sa jeunesse. Ces sources ne per- mettent pas de ranger Catherine dans une école parti-
culière de spiritualité, mais on ne peut pas non plus la.
dire éclectique. C’est l’esprit de charité qui constitue le principe unifiant à la fois sa vie personnelle et l’institut qui se développait autour d’elle. Elle avait un sens très vif de la Providence aimante du Père des miséricordes et un profond amour du Christ rédempteur. Notons aussi un accent particulier sur l’intercession des saints. Dans la règle originelle, elle écrit : « La miséricorde { Mercy)... a poussé les fidèles tout au long de l’histoire de l'Église. à instruire et soulager les malades pauvres et en danger de mort, voyant en eux la Personne de notre Divin Maître... Que ceux à qui Jésus-Christ, par sa pure grâce, a permis de l’assister en la personne de ses pauvres souffrants, aient leur cœur imprégné de gratitude et d’amour ». |
La communauté religieuse nouvellement formée utilisa le chapitre sur « l’union et la charité » comme base de sa vie religieuse jusqu’à ce que fût achevée l'adaptation de la Règle de la Présentation, sous la direction de Miles Gaffney. L'esprit de charité qui animait Catherine devint aussi la marque de sa communauté, au point qu’elle put écrire plus tard : « Il y a une chose remarquable : jamais un accroc à la charité n’est survenu parmi NOUS ».
La structure du nouvel institut permit de déborder les limites du diocèse de Dublin pour subvenir aux besoins réels, tout en maintenant des relations solides et cordiales entre les sœurs; chaque fondation était autonome, mais toutes suivaient la même règle, le même coutumier et demeu- raient étroitement unies par l’amitié et un esprit commun. Après les Sœurs de charité de Mary Aïkenhead (1815), les Sisters of Mercy furent le second institut féminin à vivre hors du cloître.
En un temps où le jansénisme gardait son influence en Irlande, Catherine se tourna vers les saints et les auteurs spirituels classiques qui mettent l’accent sur l’amour du Christ : Bernard, Marie-Madeleine de Pazzi, Thérèse d’Avila, François de Sales, Surin, Grou, les jésuites ayant écrit sur le Sacré-Cœur, les petits traités de vulgarisation de Barthélemy Baudrand (DS, t. 1, col. 1287-1289). |
L'institut fut confirmé par Rome en 1841. À sa mort, survenue le 11 novembre 1841, Catherine laissait douze couvents en Irlande et deux en Angleterre; elle préparait une fondation en Amérique. Actuellement, l'institut compte plus de vingt mille sœurs réparties surtout dans les pays de langue anglaise. La cause de béatification de la fondatrice est en préparation.
Œuvres : Letters of Catherine McAuley, avec le Spirit of the Institute, éd. par M. I. Neumann, Baltimore, 1969, — Familiar Instructions, Saint-Louis, 1927. — Retreat Instruc- tions, Westminster, 1952.
Vie : M. V. Hartnett, Popular Life of C. McAuley, Dublin, 1863. — M. T. Austin Carroll, Life of C. McAuley, St Louis, 1866. — R. Burke-Savage, C. McAuley, First Sister of Mercy, Dublin, 1949. — M. B. Degnan, Mercy Unto Thousands, Westminster, 1957. — ÆE. A. Ryan, The Sisters of Mercy, dans Theological Studies, t. 18, 1957, p. 254-270. — M. J. Regan prépare une étude sur le charisme de C. McAuley, à paraître en 1978.
New catholic encyclopedia, t. 9, 1967, p. 4-5 (fondation) et p- 674-676 (histoire). | Mary Celeste ROULEAU.
45 | MC CANN — MAC CARTHY 46
MC CANN (Puicippe-JusTin), bénédictin, 1882- 1959. — Philippe-Justin Mc Cann, né à Manchester le 18 juin 1882, reçut sa première formation à Ampleforth College et entra au monastère en 1900. Il étudia à Oxford à Hunster-Blair’s Hall (aujourd’hui St. Benet’s Hall) de 1903 à 1907 et fut, au terme de ses études, classé sur la liste des « First Class Honours ». Ordonné prêtre en 1909, il fut prieur d’Ampleforth de 1916 à 1919, et de 4920 à 1947 professeur à St. Benet’s Hall; en 1935, il fut nommé prieur titulaire de Chester et en 1949 abbé titulaire de Westminster. II mourut le 19 février 1959.
Il est difficile de donner à Mc Cann le titre d’auteur spirituel; il n’a rien écrit pour exposer ses vues person- nelles en la matière. Ce grand ami’et admirateur de André Wilmart + 1941 a néanmoins contribué grande- ment à l’étude de la littérature spirituelle; même si ses conditions de vie ne lui permirent pas d’entre- prendre de grands ouvrages de pure érudition, il fut un spécialiste de l’étude des textes.
Avec une préférence marquée pour la spiritualité d’avant la contre-réforme, il mit à la disposition des lecteurs modernes des textes, pour la plupart inacces- sibles, en les traduisant et en les annotant. C’est dans ce travail où il excellait qu’il manifestait son sens de la mesure, le souci de l’exactitude et qu’il éclairait les textes par d’heureux rapprochements historiques et littéräires. Il publia ainsi The Cloud of Unknowing (Londres, 1924, 1952), en en modernisant l’anglais médiéval, The Ladder of Four Rungs (Londres, 1926; Stanbrook, 1953) d’un chartreux anonyme du 12€ siècle (à partir d’une traduction anglaise du 144€), The golden Epistle (1930) de Guillaume de Saint-Thierry et The Secret Path of Divine Love (1928) du capucin Cons- tantin de Barbanson. |
Son travail le plus important concerne l’œuvre du bénédictin anglais Augustin Baker + 1641 (cf DS, t. À, col. 1205-1206, notice rédigée par Mc Cann). Ii dénombra environ deux cents manuscrits de Baker, qui ne compre- naient pas moins de soixante-huit traités, certains très courts, d’autres fort longs. S. Cressy n’en avait utilisé qu'une quarantaine en compilant la Sancta Sophia (1657). Mc Cann publia en 1933 une autobiographie inachevée de Baker (The Life of F.A.B.) et des Memo- rials (coll. Catholic Records Society 33}, qui intéres- saient l’histoire des bénédictins anglais du 17e siècle.
Il s’intéressa beaucoup aussi au texte de la Règle de saint Benoît. Il avait une connaissance approfondie de l’histoire du texte. En publiant le texte et une traduction de la Règle (The Rule of St. Benedict, Londres, 1952),
il ne prétendait pas offrir une édition critique, mais.
tenir compte des exigences de la critique. Il l’accompa- gna d’une excellente introduction et de notes abondantes d’un grand intérêt linguistique.
Dans son St. Benedict. The Story of the Man and his Work (1937, 1958), il utilise judicieusement un savoir considérable. Effacé par tempérament, il n’en avait pas moins des positions très fermes qui se manifes-
tent dans le choix des sujets et la manière de les traiter.
On notera par exemple que, dans son « Saint Benoît », il évite de distinguer vie active et vie contemplative, car pour lui le cœur de la vie bénédictine c’est de repro- duire entièrement la vie chrétienne d’humilité et de charité.
Signalons encore quelques autres traductions de Mc Cann : la traduction d’un ouvrage de Eugène Roulin ? 1939 : Vestments
and Vesture. À Manual of liturgical Art (Londres et St. Louis, 1931), la traduction du Dialogue 2 de Grégoire le Grand consa- cré à saint Benoît (Oxford, 1941, 1951), le Commentary on the Rule of St. Benedict (1921) de P. Delatte (cf DS, t. 3, col. 121- 123), The Imitation of Christ (1952) et trois ouvrages de Karl Adam : The Spirit of Catholicism (1929), Christ our Brother (1931, 1940) et St. Augustine. The Odyssey on his Soul (1932). Enfin il présida à la publication du volume jubilaire Ampie- forth and its Origins (Londres, 1952} auquel il apporta une large contribution.
O. L. Kapsner, À Benedictine Bibliography, Collegeville, 1962, p. 355-356.
Gérard SITWELL.
MAC CARTHY (Nicozas TuiTe de), jésuite, 1769-1833. — Issu d’une noble maison irlandaise, Nicolas de Mac Carthy naquit à Dublin le 49 mai 1769, alors que son père projetait d’émigrer sur le continent pour fuir l'intolérance dont pâtissaient les catholiques. La famille s’installa en 1773 à Toulouse et Nicolas fit à Paris d'excellentes études; se destinant à l’état ecclé- siastique, il fut interrompu dans sa théologie par les événements de 1789 et revint à Toulouse où il mena une vie de prière, de travail et d’action charitable. Ordonné prêtre à Chambéry en 1814, il commença tout de suite une brillante carrière de prédicateur; pressenti en 4817 pour l’évêché de Montauban, il refuse et entre en 1818 au noviciat des jésuites de Montrouge. Après une brève formation, il est de nouveau appliqué à la prédication en de nombreuses villes de France; il donne aux Tuileries l’avent de 1819 et le carême de 4826. Appelé à Rome après la révolution de 1830, il séjourne en 1833 dans l'Italie septentrionale; une courte maladie l'emporte peu après le carême prêché à Annecy (3 mai 1833).
On compte, de 1833 à 1868, une dizaine d'éditions de ses Sermons (8 ou 4 vol., Lyon et Paris); il y eut des traductions allemande, anglaise, espagnole, italienne.
Les textes publiés ne représentent qu’une infime partie de ce qu’a prononcé Mac Carthy; mais peut-être rassemblient-ils tout ce qu’il avait écrit, car il éprouvait une peine extrême à composer. Sa vaste culture, sa mémoire, ses dons d’orateur et lardeur de son zèle, qui attiraient un large public, justi- fiaient une préparation n’allant pas jusqu’à l’ultime rédaction; celle-ci lui fut tout de même imposée, en certains cas, par ses supérieurs. Les sermons contenus dans le quatrième volume proviennent de notes d'auditeurs; cependant il est possible que l’on ait arrangé aussi quelque peu, dans les volumes précé- dents, les papiers de Mac Carthy. En tout cas ses écrits donnent une idée approximative seulement des sermons prononcés {cf J. Burnichon, Histoire d'un siècle, 1814-1914, t. 1, p. 214- 216). Les éditeurs ne se soucient pas souvent de dater et de situer ces pièces qu’ils répartissent assez arbitrairement, les références de Rivière à l’ Ami de la religion et du roi permettent de rectifier certaines dates et localisations.
Ces sermons se caractérisent par une visée apologé- tique presque continuelle : réfuter les sophismes des philosophes du 18e siècle, fauteurs véritables d’une révolution politique, morale et religieuse dont il s’agit d’exorciser les méfaits. Cette apologétique, tout en s’efforçant de rabaiïsser les prétentions de la raison au profit d’un certain fidéisme, prend volontiers une colo- ration politique; elle développe souvent une argumen- tation facilement simplificatrice. L'usage de l’Écriture sainte est assez heureux, quoique nullement critique et souvent accommodatice. Comme la plupart des pré- dicateurs de son;temps, Mac Carthy brosse un tableau sombre de la déprävation morale et lui oppose un rigo- risme austère. :
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L’Ami de la religion analyse les Sermons; on peut consulter : t. 23 (1820), p. 113-120; t. 26 (1820), p. 353-361; t. 30 (1822), p. 257-264, 381-384; t. 48 (1826), p. 1-4, 32-37, 129-134, 257-263, etc.
En tête de l'édition des Sermons, importante notice biogra- phique de Mac Carthy par Ch. Deplace (DS, t. 3, col. 454).
Sommervogel, t. 5, col. 238-241; t. 12 (Rivière), n. 1653. — P. Delattre, Les établissements des jésuités en France, Enghien, t. 1, 1949, col. 481, 1266; t. 3, 1955, col. 615; t. 4,1956, col. 1188, 4363. — J. Crétineau-Joly, Histoire religieuse, politique et littéraire de la compagnie de Jésus, t. 6, Paris, 1846, p. 455 svv, 576. — J. Burnichon, Histoire d’un siècle, 1814-1914, Paris, t. 1, 19144, p. 156, 213-217, 268, 291, 503; t. 2, 1916, p. 163, 362. — The catholic Encyclopedia, t. 9, 1910, p. 485. — Hurter, t. 5, 1911,.col. 1073-1074. — LE. Koch, Jesuiten-Lexikon, Paderborn, 1934, col. 1135-1137. — Dictionary of National Biography, t. 12, 1921, p. 41. — LTK, t. 6, 1961, col. 1256.
Henri de GENSsac.
4. MACÉ (Trançois), prêtre, 1640-1721. — Fran- çois Macé est né à Paris en 1640 d’une famille qui s’était distinguée au service du roi. Nous savons qu’il était clerc, possédait le baccalauréat en théologie, et était pourvu d’une charge de secrétaire du conseil des domai- nes et finances de la reine Marie-Thérèse, quand nous le retrouvons diacre en 1685. Le 15 novembre 1685, il devint curé de l’église collégiale et royale de Sainte- Opportune, à Paris; il le reste jusqu’à sa mort, le 5 février 1721. II laissait une œuvre pastorale importante, principalement consacrée à l’Écriture sainte, qui fut largement diffusée.
1) L’Abrégé historique, chronologique et moral de l’Ancien et du Nouveau Testament (2 vol. in-4°, Paris, 1704) est une tentative de vulgarisation sérieuse: il s’efforce de présenter les aspects essentiels de l’histoire du peuple de Dieu, et d'offrir une introduction à la lecture spirituelle de la Bible {voir Journal des Savants, 1705, 1° éd., p. 97; 2e éd., p. 79 svv). — 2) Ce travail fut présenté en tableaux synoptiques dans La science de l’Écriture sainte, divisée en quatre tables (Paris, 1708; Journal des Savants, 1708, 1€ éd., p. 190; 2e éd., p. 171 svv}). — 3) Ces études scripturaires furent com- plétées par Les Douze Testaments des Patriarches traduit de l'original hébreu en grec puis en latin (1242) par Robert (Grossetête).… et du latin en français par Fr. Macé (Paris, 1713), qu’il accompagne d’une dissertation s’efforçant d'identifier l’auteur des Testaments (Journal
des Savants, 1713, 12 éd., p. 296; 2e éd., p. 252 svv). —.
4) Macé tira de l’Écriture Sainte un ouvrage de piété : Les prières de l’Écriture Sainte, avec l’office de l’Église (Paris, 1688), et diverses traductions de textes ou d’ouvrages de paraphrase. — 5) D'abord une traduc- tion des Psaumes de David et des cantiques de l’Église (Paris, 1677, réimprimée en 1696 avec une version * française), à l’usage des nouveaux convertis, de la para- phrase latine de Louis Ferrand + 1699 (Journal des Savanis, 1686, 1e éd., p. 189; 2e éd., p. 152 svv). — 6) Il publia encore une traduction des Épiîtres et Évan- giles qui se disent les dimanches et fêtes de l’année et tous les jours de carême, avec des arguments et de courtes réflexions et des oraisons (2 vol., Paris, 1715), une traduc- tion des Méditations pour l’Avent, le Carême…. et tous les autres jours de l’année (Paris, 1684) du jésuite Jean Busée (Enchiridion piarum meditationum, Mayence, 1608). |
7) Ses préoccupations pastorales amenèrent Macé à publier une traduction de l’Imitation de Jésus-Christ (Paris, 1698) qui compta une vingtaine d'éditions, et 8) une « histoire morale », Afélanie (l’ancienne, &€
MAC CARTHY — MACH
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siècle) ou la veuve charitable (Paris, 1729), quelquefois attribuée à l’abbé F.-T. de Choisy. |
Macé laissait trois ouvrages manuscrits : 1) L'esprit de saint Augustin, ou analyse de tous les ouvrages de ce Père, avec des préfaces, des arguments et des notes, 5107 pages; 2) Explication des prophéties de l'Ancien et du Nouveau Testa- ment, qui prouvent que Jésus-Christ est le Fils de Dieu, le véritable Messie et que la religion chrétienne est la vraie et seule religion, contre les athées..; 3) Enfin, il avait entrepris une histoire critique des papes.
L. Moreri, t. 7, 1759, p. 9-10. — Ch.-L. Richard, Dictionnaire universel, t. 3, Paris, 1760, p. 744. — G. Michaud, Biographie universelle, t. 27, Paris, 1820, p. 33-34. — A. Cioranescu, Bibliographie de la litiérature française du 17° siècle, t. 2, Paris, 1966, p. 1316-1317.
Raymond Danrricau.
2. MACÉ (JEAN), carme, 4600-1671. Voir LÉON DE SaINT-JEAN, DS, t. 9, col. 626-629.
MACH Y ESCRIU (Joserx), jésuite, 1810- 4885. — 1. Vie. — 2. Œuvres.
1. Vie. — José Mach y Escriu, né à Barcelone le 3 mai 1810, fut admis le 3 mars 1825 au noviciat des jésuites à Madrid. Il étudia la rhétorique au collège d’Alcala et, à partir de 1830, la philosophie au collège impérial de Madrid. Professeur au collège des nobles en cette ville, il s’y trouvait quand des jésuites y furent assassinés, le 17 juillet 1834. II fit sa théologie en exil, à Vals-près-Le Puy, en France, où il fut ordonné prêtre. A partir de 1840, il est professeur au séminaire des jésuites espagnols à Nivelles, en Belgique, où il fait profession le 15 août 1843, tout en s’exerçant à la prédication des missions et des retraites. De retour en Espagne en 1849, sa prédication contribue au rétablis- sement des jésuites dans son pays et son succès est même comparé à celui suscité par Antoine-M. Ciaret + 1870 {cf DS, t. 2, col. 932-937). De 1851 à 1859, Mach est tout ensemble supérieur et missionnaire : il prêche désormais constamment les Exercices en Catalogne et en Aragon, à Valence, en Galice et jusqu’aux espagnols d'Oran. Il mourut à Saragosse le 26 juillet 1885.
2. Œuvres. — Apôtre zélé, entreprenant, conscient des limites de la réalité et de sa situation dans l’Église, homme d'expérience et de sens pratique, prêtre humble et craignant Dieu, tel il apparaît dans ses nombreux écrits de dévotion comme dans sa vie. Adressés aux prêtres ou au peuple fidèle, ses livres connaissent une grande vogue aussi bien en Espagne qu’en dehors de l'Espagne et diffusent d’excellents conseils de vie chrétienne, des méditations et de solides pratiques dévo- tionnelles adaptés aux temps et aux circonstances.
4° Après avoir successivement édité, à Namur, un Schema vttae sacerdotalis (devenu à Gérone en 1860 Specimen…), des Practicas cristianas (1851, en catalan), une Via Crucis (1852, en catalan) et une Norma de vida cristiana (Barcelone, 1853, en catalan; 7e éd., 1866), Mach publie à Barcelone, en 1854, une première grande œuvre, l’Ancora de salvaciôn o devo- cionario… (88° éd., 1955; trad. portugaise; basque, Toulouse, 1883; française par A. Gaveau : L’ancre du salut ou nouveau manuel de piété, Paris, 1876). L'ouvrage groupe des prières, des pratiques de piété et des can- tiques; des remaniements interviendront par la suite (vg à la 80€ éd., en 1926, par J.M. Mas) concernant la communion fréquente, les dévotions à saint Joseph ou
au Saïnt-Esprit. La dernière partie de l’Ancora, consa-
crée aux âmes du Purgatoire, fut reprise peu après dans
49 MACH — MACHAULT 50
Novena de dnimas (1855, en catalan, puis en castillan; nombreuses rééditions). |
29 Le Tesoro del sacerdote o repertorio de las princi- Pales cosas. para santificarse a si y santificar a los demés (Barcelone, 1861) est l’ouvrage le plus important de Mach. C’est une sorte d’encyclopédie sacerdotale sur la vie personnelle et pastorale du prêtre, présentée de façon très pratique, pleine de bon sens et accompagnée de méditations morales et religieuses. Ce livre fut pendant un demi-siècle le vademecum de beaucoup de prêtres en Espagne et hors d’Espagne (trad. italienne, 1871; française par À. Gaveau, 1874; portugaise, 1876; polonaise, 1886; etc). Le Mand del sacerdote o colecciôn de oraciones, eramenes, meditaciones. (Barcelone, 1863, etc) puise abondamment dans le Tesoro.
30 Mach publia encore plusieurs autres livres de dévotion pour les jeunes gens (neuvaine à saint Louis de Gonzague notamment, manuels pour les premiers communiants), pour les auditeurs des missions popu- laires (Libro de la Misiôn, Barcelone, 1882, des Chemins de croix}, ou pour les pasteurs, telle l’adaptation du Tesoro del catequista (Porto, 1878) de M. Pratmans, évêque de Tortosa, et enfin pour tous, des manuels de piété, Comme Jd & José o sea devocionario. (Barcelone, 1875, etc).
Les ouvrages de Mach, adaptés à la vie du peuple fidèle et pleins de sens évangélique, ont aidé de nombreux chrétiens à vivre leur foi et de nombreux prêtres à être d’authentiques pasteurs.
Archives romaines S.J. : Prov. Hisp. Catalog. Prim. 1824- 1862; Hisp. Catalogi 1819-1834, 1840-1857; Catalogi Prov. Aragoniae, 1864 svv; Prov. Hispan. Litterae annuae hist. dom. (1816-1862), p. 204-221, 291-357, 543-564, 606-610, 617-620, 759-772, 903-905; Prov. Castellana 5-11, n. 21, 26, 43, 56, 66- 67 bis; viri, n. 46-50.
Sommervogel, t. 5, col. 248-251; t. 9, col. 625-626. — M. Sa- derra Mata, El P. José Mach y los Ejercicios al clero, dans Manresa, t. 3, 1927, p. 251-262. — L. Frias, Historia de la Compañia de Jesis en su Asistencia moderna de España, t. 2, vol. 4, Madrid, 1944, p. 195-212, 463-476, 493-498 et passim. — J. de Guibert, La spiritualité de la compagnie de Jésus, Rome, 1953, p. 507.
Manuel Ruiz Jurapo.
MACHADO (Pierre), mercédaire, f 1609. — Pedro Machado, né à Zafra (Badajoz, Espagne), porte aussi le double nom de Nuñez Machado. Il dut recevoir l'habit des mercédaires à Salamanque des mains de maître, Zumel. Il occupa à l’université de la ville, à titre de remplaçant, la chaire de « Philosophie naturelle » (1583-1585); il reçut dans son ordre les charges de com- mandeur à Ségovie et à Madrid (1588), de provincial de Castille (1591-1594), de commandeur à Tolède et à Burgos. C’est là qu’il mourut, le 22 décembre 1609. TH fut un théologien remarquable, fort versé dans les langues grecque et hébraïque, comme aussi dans les sciences mathématiques. Zurbaran l’a immortalisé par Fun de ses portraits magistraux, conservé à l’Académie de San Fernando à Madrid.
Machado a composé une Expositio litteralis et moralis omnium evangeliorum quae ab Ecclesia proponuntur; sur onze tomes prévus, seul le premier (évangiles de l'Avent) parut (Burgos, 1604; Mayence, 1608; Cologne, 1612). Le second, prêt pour la publication, commente les évangiles de la sexagésime et de la septuagésime.
L’opuscule (manuscrit) de Machado, Comuniôn diaria, mérite d’être signalé ici pour ses vues très moder- nes : sur la communion permise le Vendredi saint, par
exemple, selon la pratique des mercédaires et des bénédictins de Madrid. Cet ouvrage, cité par les contem- porains, est aujourd’hui introuvable. Cette question de la communion fréquente était alors un problème brû- lant. On signale aussi un autre manuscrit, Tractatus de puritate Deiparae Virginis Mariae.
Fr. Zumel, De vitis patrum et magistrorum.…., Salamanque, 1588. — M. Salmeron, Recuerdos histéricos y politicos.., Valence, 1646, p. 395. — E. Gomez, Fr. Juan Falconi de Bustamänte, Madrid, 1956, p. 223-225. — G. Vasquez Nuñez, Mercedarios ilustres, Madrid, 1966, p. 369-374. — G. Placer Lopez, Bibliografia mercedaria, Madrid, 1968, p. 237-238. — V. Muñoz Delgado, Fr. P. Machado y su comentario al primer libro < De generatione et corruptione » de Aristételes {ms 80, collégiale de San Isidoro de Leôn, f. 52-76), dans Estudios, 4. 27, 14974, p. 127-189. — Diccionario de historia eclesiéstica de España, t. 2, Madrid, 1972, p. 1376.
Ricardo SANLÉS.
MACHAULT (Jacques DE), jésuite, 1599-1676. — Né à Paris le 28 avril 1599 d’une famille connue de magistrats, Jacques de Machauli fit ses études chez les jésuites du collège parisien de Clermont. A la fin de sa philosophie, il fut reçu en leur noviciat le 2 septembre 1617. Après sa régence au collège d'Orléans, sa théologie et son troisième an, il enseigna la philosophie à Rouen, puis à Paris, prêcha durant quatre ans, fut deux ans socius du provincial, gouverna les collèges d'Alençon : (1637-1642), d'Orléans (1645-1648) et de Caen (1650- 1655) et fut enfin donné comme père spirituel à la communauté du collège de Clermont, où il mourut le 1er juin 1676. Il fut quelque temps le directeur spirituel de Bourdaloue.
Il est l’auteur de huit précieuses Relations sur l’apos- tolat missionnaire de la compagnie de Jésus en Amé- rique du sud, en Aïfrique et en Asie, mais sa piété et sa dévotion à l’Eucharistie, dont il fit l’objet d’un vœu spécial, lui ont inspiré d’abondantes méditations : Le Trésor des grands biens de la Très Sairte Eucharistie (3 vol., Paris, 1661-1662). Proposées pour les dimanches et fêtes de l’année et comptant chacune sept points, elles font dériver &e tous les évangiles sans exception des réflexions, et surtout des colloques affectifs inspirés par la présence et l’action du Christ dans la communion. Ces volumes, bourrés de citations, témoignent d’une profonde connaissance de l’Écriture et de la patristique et conduisent à vivre des grâces de la communion fréquente.
Après une publication très librement inspirée de l'ouvrage par Jean Sagette en 1856, F.-R. Blot a fait une réédition fidèle en 1861. I y a joint La Semaine dédiée à l'honneur de la T. $. Eucharistie…. (1667) dont la présence au tome 8 du Trésor semble avoir échappé à Sommervogel. C’est un recueil de dévotions et de prières au Saint-Sacrement. Le titre d’un Traité de la dévotion de visiter Notre Seigneur au T. S. Sacrement {1671) exprime bien sa finalité.
Sommervogel, t. 5, col. 253-256. — É. de Guilhermy, Ménologe de la compagnie de Jésus. Assistance de France, t.1, Paris, 1899, p. 695-696. — A. Hamy, Le collège d'Alençon, Paris, 14899, p. 25-26: — R. Daeschler, La spiritualité de Bourdaloue, Louvain, 1927, p. 192-194.
Jean-Baptiste (1591-1640), frère de - Jacques, également jésuite, est l’auteur d’une Histoire du Bx Jean de Montmirel, cistercien de Longpont (Paris, 1641). Ï1 a traduit de l'italien plusieurs Relations relatives aux Missions et édité le De felicitate sanctorum de saint Anselme de Cantorbéry (1639). Cf Sommervogel, t. 5, col. 258-260.
I1 semble très vraisemblable qu’il faille distinguer ce jésuite de « M. Jean-Baptiste de Machault, sieur de la Mothe Romain-
51 MACHAULT — MACKENZIE 52
court, conseiller du roy » et traducteur de la Théologie mystique d'Henri Harphius, Paris, 14617 (cf DS, t. 7, col. 350). Hugues BEyLAaRD.
MACHILONI (BERNARDIN), frère mineur conven- tuel, + 1674. — Rattaché au couvent des mineurs conventuels de Monterotondo (Eretum, d’où son surnom d’Eretinus), Bernardino Machiloni, ses études de philo- sophie et de théologie terminées, fut en 1631 admis par concours au Collegium S. Bonaventurae in Urbe, le cen- tre universitaire le plus élevé des conventuels; il y obtint la « laurea » en 1634. Il débuta comme « lector dogmatum » au couvent des Saints-Apôtres, à Rome, puis fut successivement gardien des couvents de Bologne en 1636 et de Rome en 1638, visiteur de la province de Toscane, provincial de Transylvanie, assistant général en 1641, procureur général auprès du Saint-Siège en 1644, « socius ordinis », ou compagnon du ministre général en 14659. II mourut à Rome le 15 octobre 1674.
Ses rapports familiers avec saint Joseph de Cupertino le marquèrent. Le saint, par ordre du Saint-Office, se trouvait alors relégué à Assise (1639-1653) et Machiloni, procureur de l’ordre, s’efforça de le réconforter : il l’'invita à Monterotondo et lui fit don d’une Madone de La Grottella (Copertino). Prudent dans le gouverne- ment, Machiloni était en même temps un prêtre pieux, pauvre et modeste. Assidu aux pratiques conventuelles et aux « pieux exercices » de la confrérie des Stigmates, il visitait aussi les malades, les prisonniers. Il fut égale- ment le directeur spirituel de monastères féminins.
C'est au temps de son professorat que remonte son De oirtutibus moralibus, demeuré manuscrit et considéré comme perdu. À la période suivante se rattachent d’autres opuscules, que G. Franchini présente ainsi : Dell’huomo interiore, Motivi di compunzione, Modi d’accendersi nel Divino Amore, Incammi- namenti per la via purgativa e illuminativa ed unitiva et quelques autres brochures.
Machiloni publia : Æsercizi spirituali per le monache de monastero dell’ Incarnazione (Gênes, 1660); Methodus visttandi sanctimonialium monasteria (Naples, 1661, à la Bibl. Vat., Chigi vi, 826); Breviarium virtutum cardinalium (Rome, 1670). Les Regesta ordinis lui accordent, le 42° mars 1661, autorisation de publier les Exercitia spiritualia in tribus otis ex SS. Patri- bus deprompta (RO 43, f. 162v); peut-être s’agit-il des Incamminamenti mentionnés ci-dessus.
Ce relevé d'ouvrages, à peu près introuvables, témoi- gne de l’activité spirituelle de Machiloni, mais ne permet pas de préjuger de leur valeur doctrinale. Au bénéfice des monastères de femmes ou des confréries, on y peut discerner un maître soucieux, dans la direction spiri- tuelle, de maintenir l’exacte observance, de conduire vers la perfection par le chemin classique des trois voies, d’insister sur le thème de l’amour, tout en se gardant de l'influence diffuse du quiétisme naissant.
Archivum generale OFM Conv., Rome, Regesta ordinis 33, 1.237; 34, f. 180; 35, f. 37, 187, 180; 43, £. 162. —_ B. Theuli, Triumphus seraphicus. Epüitome historica collegit S. Bonaven- turae in Urbe, Velletri, 1655. — G. Franchini, Brbliosofia… di scrittori francescani conventuali, Modène, 1693, p. 105-107. — Sbaralea, Supplementum.., t. 3, 1936, p. 198. — G. Paris- ciani, San Giuseppe da Copertino alla luce dei nuovi documenui, Osimo, 1964, p. 280, 281, 289. — B. Theuli et A. Coccia, La provincia romana OFM Conv., Rome, 1967, p. 93, 546, 597, 599, 6138.
Gustavo PARISCIANI.
MACHON (VincenrT}), minime, 1594-1662. — Né à Rouen en 1594, Vincent Machon entre chez les mini- mes en 14616. En 1625 il est premier correcteur du
couvent de Decize (Nièvre), en 1640 il le sera au couvent de Vincennes. Par la suite, il est appelé à la direction spirituelle des moniales d’Abbeville, puis de Soissons. Il publia un Traité de la vie des vrais chrétiens selon les divers états de ceux qui vivent de cette vie (Rouen, 1640; exemplaire à la bibl. munic. d'Amiens). D’une manière assez curieuse et en ne se référant que rarement aux auteurs spirituels, l’auteur calque le progrès spirituel sur les hiérarchies des anges. Il n’en donne pas moins un traité de la méditation, de l’« oraison amoureuse » et de la contemplation. L’oraison amoureuse se confond pratiquement avec l’oraison de recueillement. La contemplation est un « regard simple, clair, vif et pénétrant de l’intellect par lequel il comprend en un instant les choses de Dieu. selon l’union qu’il a avec l'esprit de Dieu » (p. 70). Elle s’élève jusqu’au « silence spirituel », au « mariage spirituel » dans le « fond de l'âme », au « sommeil contemplatif », et devient enfin « séraphique ». Machon disserte alors des phénomènes extraordinaires (extases, ravissements, révélations, visions) et donne des conseils de discernement aux directeurs. Il promet enfin des « sujets de contempla- tion » (p. 173), qui sont sans doute les Entretiens d’un vrai chrétien durant la vie présente, où l’on fournit tous les jours de l’année de nouveaux sujets de contemplation sur les secrets. adorables de la vie de l’Homme-Dieu (Rouen, 1652).
G. M. Roberti, Disegno storico dell'Ordine dei Minimi, t. 2, Rome, 1909, p. 133 et 590. — P. S. S. Whitmore, The Order of Minims in 17th Century France, La Haye, 1967, p. 294.
Raymond DARRIGAU.
MACGINAIT (Louis), jésuite, 1856-1929. — Ludovico Macinai, né à Figline Valdarno (Florence) le 3 décembre 1856, entra le 8 décembre 1877 dans la province romaine de la compagnie de Jésus (noviciat à Cossé-Le-Vivien en France, en raison de l’expulsion des jésuites d’Italie). II étudia les lettres à l’université de Naples et se spécia- lisa dans le grec, qu’il enseigna pendant vingt-trois ans au coliège Mondragone, de Frascati. Il prêcha aussi assidûment et il publia une vingtaine d’opuscules apologétiques; les plus connus concernent la franc- maçonnerie, la magie et le Credo. De 1912 à 1918, il séjourna à Livourne, puis à Bologne, comme aumônier des étudiants. Il mourut à Ariccia (Rome) Le 3 juillet 4929.
Il mit en chantier une œuvre ascétique, dont trois parties furent publiées : 1° Le Devozioni: considerazionti e documenti. Devozioni a Dio Padre, al Figlio e allo Spirito Santo (Rome, 1902). L'ouvrage regroupe sous l’angle commun de la vie tri- nitaire diverses dévotions d’ordinaire considérées séparément et plus souvent guidées par le sentiment que par la doctrine. — 2° Un opuscule sur la Vierge (Rome, 1908); la dévotion mariale est présentée sur la base de l’Écriture; la présentation du Rosaire dénote une grande expérience et une connaissance pratique de la psychologie de groupe. — 3° Un petit ouvrage sur la dévotion au Sacré-Cœur (Rome, 1911) est peut-être d'inspiration trop exclusivement parodienne et dévotionnelle. Macinai souffrit de la tension qui existait en son temps entre les exigences de la critique et le mystère de la foi. |
Archivio Provincia romana S.J. — Moniteur ecclésiastique, 1903-1911, tables. — Notizie edificanti della provincia romana, 1929, p. 146-147.
Giuseppe MELLINATO.
MACKENZIE (AzrexaAnDre), jésuite, 1730-1800. — Né en Écosse en février 1730 (le 23 mars selon J. Kirk, cité infra), Alexander Mackenzie entra au noviciat anglais de la compagnie de Jésus, à Watten, près de
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Dunkerque (France), le 7 septembre 1749, sous le nom de Clinton qu’il utilisa toute sa vie. Après ses études de théologie, il fut envoyé à Londres en 1756. II fit profes- sion des quatre vœux en 1767. En 1781, il devient chape- lain de Thomas Weld, à Lulworth Castle (Dorset).
Ceci suivait de près les émeutes de Gordon, durant.
lesquelles presque toutes les chapelles catholiques de la capitale furent détruites. Mackenzie était bien connu comme missionnaire dévoué aux plus pauvres, en par- ticulier aux prisonniers. Dans une lettre, il parle de retourner auprès de « mon petit troupeau » (citée par J. Berkeley, p. 195). Il resta où il était jusqu'aux envi- rons de 1795, date à laquelle des différends entre son hôte et Mackenzie devinrent insurmontables : Weld désirait voir durer leur amitié, mais cela n’était possible que si Clinton partait. Jean-Nicolas Grou (DS, t. 6, col. 1059- 4083), contraint de quitter la France à cause de la Révolution, devint chapelain privé à Lulworth grâce aux bons offices de Mackenzie à partir de décembre 1792.
Mackenzie se retira en Irlande en passant par Sto- nyhurst College (Lancashire), où il séjourna pendant une courte période. Il mourut le 5 juin 1800 « dans une famille de la noblesse au voisinage de Dublin... omnibus rite munitus » (William Strickland à M. Stone, 12 juin 4800). Quoi que puisse suggérer le différend avec Thomas Weld, Mackenzie semble avoir été .yraiment estimé non seulement pour son zèle religieux, mais aussi pour sa sociabilité. L’évêque Richard Challoner (DS, t. 2, col. 449-454) était « son ami intime », peut-être pour les deux raisons.
Mackenzie a écrit, bien que sans grande originalité, sur des sujets doctrinaux, ascétiques et de dévotion. — Spiritual Guide. anthologie d’extraits des « meilleurs auteurs », Londres, 1778. — Frequent Communion, montrant « les avantages et la nécessité de celle-ci... d’après l’Écriture, l'autorité et la tradition », Londres, 4780; Dublin, 1833; À Guide to the Altar… sur le même sujet, Dublin, 1823. — The Catechism' or Christian Doctrine, by Way of Question and Answer, adaptation de l'ouvrage d’Andrew Donlevy, directeur de la com- munauté irlandaise de Paris, Londres, 1796. — Hidden Treasures in the Hands of the lower Classes of Chris- tians, Liverpool, 1797.
Les autres publications de Mackenzie sont des traductions des ouvrages de Grou : The Characiers of real Devotion et Morality extracted from the Confessions of St. Austin paraissent à Londres en 1791; — Moral Instructions from Saint Augus- tine, 1792; — The School of Christ. Translated from an original French MS of L’Abbé Grou.., Dublin, 1801; Londres, 1807.
Cette traduction ne comprend que le premier volume de l'ouvrage. L’ensemble fut publié en anglais par R. Stawell en 1932. L’original français l’avait été par F. Doyotte en 1885. La traduction de Mackenzie fut critiquée comme trop étroitement dépendante de la lettre du texte français. Le fait que plusieurs des ouvrages de Grou traduits par Mackenzie aient eu plus d’une édition laisse entendre qu’ils satisfaisaient une certaine demande.
Pour les éd. ultérieures des ouvrages de Mackenzie, voir E. F. Sutcliffe, Bibliography of the English Province S. J., 1773-1958, Londres, 1957, n. 277, p. 111-112.
John Kirk, Biographies of English Catholics…, Londres, 1909, p. 49. — J. Gillow, Bibliographical Dictionary of the English Catholics, t. &, Londres, 1895, p. 388-389.
. H. Foley, Records of the English Province of the Society of Jesus, t. 7 Collectanea, Londres, 1882, p. 141 et 472. — J. Ber- keley, Lulivorth and the Welds, Gillingham, 1971. — H. Chad- wick, Notes and Extracts on Scottish Jesuits, ms, English Pro- vince Archives, 46/22/5.
Francis Enwanps.
MACKEY (HEennr-Benoîr), bénédictin, 1846-1906. — Henry Mackey naquit à ÆErdington (Angleterre) le 26 septembre 1846. Trois des quatre enfants de la famille se firent religieux, un de ses frères aînés, Pierre- Paul, fut dominicain. En 1860, Henry fut envoyé à St. Edmund’s College, établissement des bénédictins anglais à Douai. En septembre 1864, il entra dans l’ordre de saint Benoît et prit le nom de Benedict. Durant ses études sacerdotales, il découvre l’œuvre de François de Sales et s’éprend de sa pensée et de son exemple; il ne cessera plus de l’étudier. Après sept années passées au collège de Douai comme professeur et préfet, Mackey rentre en Angleterre (1875). En 1880, il est nommé curé de la petite paroisse rurale de Woebley, qui compte plus de protestants que de catholiques; il traduit quel- ques œuvres de François de Sales, publie sur lui plu- sieurs brochures et articles; il est nommé chanoïne de l’église cathédrale de Newport, seul chapitre de cha- noines bénédictins dans le monde.
Mackey est déjà connu comme spécialiste de François de Sales lorsqu’en 1888 il visite Annecy et entre en relations avec l’équipe de visitandines qui prépare
| l'édition des Œuvres complètes. Pendant trois ans, il
prodigue aux sœurs ses conseils par lettres ou lors de ses : visites. En 1891, avec l’autorisation de ses supérieurs, il s’installe à Annecy et se consacre tout entier à l’édition des Œuvres. Sa présence fut décisive; il communique aux visitandines sa formation de chercheur, multiplie correspondances, voyages, démarches dans les grandes bibliothèques, les archives, etc, pour retrouver les manuscrits, contrôler les sources, identifier les person- nages; enfin il rédige en anglais l’Introduction générale et les Préfaces des quatre premiers volumes (textes publiés en français), il fournit notes et directives pour les Préfaces et Avant-Propos des tomes 6 à 11. En 1908, malheureusement, cette coilaboration cesse. Mackey regagne l'Angleterre et bientôt va remplir à Rome les fonctions de procureur général de la congrégation des bénédictins anglais; il avait tenté d’assumer cette charge de 1896 à 4901 à partir d'Annecy, mais avait dû y renoncer à cause de ses travaux d'édition. Il vécut à l’abbaye de Saint-Anselme, aidant encore,- comme il pouvait, les éditrices des Œuvres. Il mourut le 8 janvier 1906, laissant inachevée une biographie anglaise de François de Sales. « Sans la collaboration de Dom Mackey, reconnaissent les visitandines, nous n’aurions jamais pu mener à bien l’œuvre commencée ».
Éd. des Œuvres complètes de François de Sales, 27 vol. Annecy, 1892-1932 (cf DS, t. 5, col. 1094).
Traductions anglaises de textes salésiens, parues à Lon- dres : Théotime en 1884, Controverses en 1886 (d’après le ms original du palais Chigi communiqué à Mackey par son frère dominicain}), des choix de lettres « aux personnes du monde » et « aux personnes vivant en religion » (1888).
Études : Four Essays on the Life and Writings of S. Fr. de Sales, Londres, 1882, 1883; — The Land and the Works of.., Londres, 1889; — S. Fr. de Sales as a Preacher, Londres, 1898 {très utilisé dans la Préface du 4° vol. des Sermons de Péd. d'Annecy); tous ces ouvrages parurent d’abord en articles dans The Dublin Review (de 1882 à 1898). — S. Fr. de Sales as a spiritual Director, dans The American ecclesiastical Review, juin 4898; — S. Fr. de Sales and the Formation of the Clergy, tbidem, novembre 1898.
J.-M. Lavorel, Le R.P. Henri Benedict Dom Mackey, Annecy, 1906 (dépend de la notice nécrologique inédite rédigée par la Visitation d'Annecy). — Dossiers de lettres, notes, etc, aux archives de la Visitation d'Annecy. — Sur la contribution de Mackey à l’éd. d'Annecy, cf A. Ravier et A. Mirot, S. Fran-
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çois de Sales et ses faussaires, coll. Bibliothèque salésienne 2, Annecy, 1971. André RaAvier.
MACONI (ÉTIENNE), chartreux, 1846-1424. — Né à Sienne d’une famille noble, Étienne Maconi reçut une formation de juriste, qui n’empêcha ni une jeunesse orageuse ni un goût vif pour les armes. En 1376, en difficulté dans une lutte de factions, il a recours à l’in- tercession de sainte Catherine de Sienne et il se conver- tit. Malgré ses parents, il se voue entièrement à son service. En 1380, à son lit de mort, la sainte lui ordonne d'entrer chez les chartreux, ce qu’il exécute l’année suivante à la chartreuse de Pontiniano, près de Sienne. Il est élu prieur en 1383, puis devient successivement visiteur de la province d'Italie en 1385, prieur de la chartreuse de Milan en 1389, de celle de Seitz et général des-chartreux urbanistes en 1398; il abdique en faveur de la réunification de l’ordre en 1410 et redevient aussitôt visiteur et prieur de Pontiniano, puis de Pavie en 1414. En 1421, il demande à être déchargé à cause de son âge et meurt à Pavie le 7 août 1424.
Son œuvre écrite, tout entière composée de lettres et de traductions, se répartit sous deux chefs. 4° La réunification de l’ordre cartusien fait l’objet de deux longues lettres de 4401 et 1409 aux généraux clémentins Guillaume Raynaldi et Boniface Ferrier (B. Scala, cité infra, p. 148-155 et 185-188; rééd. Le Couteulx, t. 7, p. 412-413, et Tromby, t. 7, p. GLXVII-CLXIX et CLXXXI- cLxXxu1); de l’une à l’autre, l’urbaniste convaincu, sommant son correspondant de venir implorer l’abso- lution, se transforme en partisan de la théorie conci- liaire, refusant son obédience aux deux papes pour l’accorder au concile de Pise, tactique d’ailleurs couron- née de succès.
29 La glorification de Catherine de Sienne. C’est près d'elle qu’il avait puisé sa ferveur urbaniste, thème entre 1379 et 1391 de certaines de ses quatorze lettres à divers disciples de la sainte (F. Grottanelli, Legenda minore di S. Caterina da Siena e lettere dei suot discepoli, Bologne, 1868; ces dernières ont été rééditées par P. Misciattelli, Le Leticre di S. Caterina da Siena, Florence, 1970, t. 3), mais on y remarque la disparition progressive du vocabulaire spécifiquement catherinien, malgré la permanence de l’attachement affectif. Celui-ci se manifestait par l’organisation de « mystères » à Sienne et Venise en l’honneur de Catherine, par une biographie latine et italienne, par une traduction ita- lienne de la première version de la Legende Mineure de Thomas Caffarini, toutes œuvres perdues. Subsistent au contraire la collection de lettres de la sainte réunies par ses soins (ms. Brera A.D.xrr1-84), la traduction latine du Dialogue (mss Marseille 448 et Mazarine 922 (1142); éditions : Brescia, 1496; Ingolstadt, 1583; Cologne, 1601; Vienne, 1611, etc) et surtout une longue lettre à Caffarini, du 26 octobre 1411 (en appendice au Dialogue, Brescia, 1496; puis Acta sanctorum, Anvers, 1675, avril, t. 3, p. 968-975; E. Martène et U. Durand, Veterum scriptorum et monumentorum amplissima col- lectio, t. 6, Paris, 1729, col. 1369-1381), qui constitue son témoignage au procès de canonisation.
Sobre et précis, il y réduit à sa juste mesure le rôle politique de Catherine dans le retour de la papauté à Rome {« ipsa solummodo confirmante…. », Acta, p. 970), réfute par son silence certaines légendes, telle celle selon laquelle la sainte aurait su lire par science infuse et dont son secrétaire habituel aurait dû parler, enfin s’oppose aux exagérations des hagio- graphes par une solennelle protestation contre le mensonge
{(p. 975). Mais immédiatement avant, il ratifie les dires de la Legende Majeure de Raymond de Capoue, que lui-même s’occupa de faire traduire en italien (éditions incunables : Ripoli, 1477; Naples, 1478; Milan, 1488 et 1489).
Barthélemy Scala de Sienne, De vita et moribus beati Ste- phari Maconi, Sienne, 1626; L. Le Vasseur, Ephemerides ordinis cartusiensis, t. 3, Montreuil, 1891, p. 27-43; Ch. Le Couteulx, Annales ordinis cartusiensis, t. 7, Montreuil, 1890, passim; B. Tromby, Storia… del patriarca S. Bruno, t. 7, Naples, 1777, passim. — C. Magenta, I Visconti e gli Sforza nel castello di Pavia, Milan, 1883. — L. Beltrami, Historia documentaria della certosa di Pavia, Milan, 1896. — L. Ferreti, Nel 5° centenario dalla morte del B. Stefano Maconi, dans Bollettino di studi cateriniani, Sienne, 1925, 13 p. — Tous les biographes de Catherine de Sienne consacrent quelques para- graphes à Maconi; seul présente une valeur scientifique : R. Fawtier, Sainte Catherine de Sienne. Essai de critique des sources, 2 vol., Paris, 1927-1930, corrigé par R. Fawtier et L. Canet, La double expérience de Catherine Benincasa, Paris, 1948.
Augustin DEvVAUXx.
MACROBIUS, évêque donatiste, f après 365. — D’après Gennade (De viris illustribus 5, éd. E.C. Richard- son, TU 14, 1, 1896, p. 63), avant de quitter l’Église catholique pour devenir « évêque clandestin » des donatistes à Rome, Macrobius aurait écrit un livre Ad confessores et virgines « bien fourni en sentences très utiles pour garder la chasteté ». Après G. Morin (Revue bénédictine, t. 8, 18914, p. 286-237, cf t. 29, 1912, p. 82-84), A. von Harnack a voulu identifier cet écrit avec un apocryphe de saint Cyprien (Der Pseudo- cyprianische Traktat de singularitate clericorum, TU 14, 3, 1903); cette opinion a été réfutée par H. Koch (Cyprianische Untersuchungen, Bonn, 1926, p. 426-472); voir à ce sujet J. Quasten, Patrology, t. 2, Utrecht- Anvers, 1953, p. 369; trad. franç., p. 436-437; CPL, n. 62, p. 12-18. |
Le seul écrit conservé de Macrobius est une lettre aux donatistes de Carthage où il raconte le martyre de deux laïcs de la secte (août 347) : Epistula beatissimi martyris Macrobii de passione martyrum Isaaci et Mazximiani (d’après l’explict) = BHL 4473; elle est éditée en PL 8, 767-774 (autre édition partielle, reprise des Fetera analecta de Mabillon, PL 8, 778-784 = BAL 4474). Cette Passio fut rédigée une quinzaine d’années après les événements, au temps de l’épiscopat romain de Macrobius. On y trouve les éléments habituels des passions africaines (visions prémonitoires, récit réaliste des supplices, etc), avec en plus des invectives contre les traditores (les catholiques), soupçonnés d’être les instigateurs du procès.
D’après Gennade et certaines allusions de la Passio, on peut ainsi tracer les grandes lignes de la vie de Macrobius : né en Afrique et d'abord membre de l’Église catholique, il passa au donatisme et s’exila à Rome, sans doute à la suite de la persécution de Macarius dont il fut le témoin (cf PL 8, 774b : secessio nostra); évêque donatiste de Rome (ce que confirme Optat de Milève, Contra Parmenianum 11, 4, CSEL 26, 1893, p. 38), il mourut peu après 365, car il fut remplacé par Lucia- nus, puis par Claudianus qui, en 378, était déjà évêque depuis quelque temps (cf Mansi, t. 3, p. 626a). Malgré l’explicit de la Passio, rien ne prouve que Macrobius soit mort martyr.
Bibliographie ancienne dans UÜ. Chevalier, Répertoire. Bio-bibliographie, t. 2, Paris, 1907, col. 2943. — Étude de la Passio et des circonstances historiques dans P. Monceaux, Histoire littéraire de l'Afrique chrétienne, t. 5, Paris, 1920, p. 82-98. — W. H. C. Frend, The Donatist Church, Oxford, 1952, p. 185-187.
LTK, t. 6, 1961, col. 1261-1262 (H. Braunert). — CPL, n. 721, p. 164.
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Un autre Macrobius fut évêque donatiste d’Hippone : il est le destinataire des lettres 106 et 108 d’Augustin, qui parle encore de lui dans la lettre 139.
Aimé SoLicnac.
MADELAINE (Gonerroib), prémontré, 1842. 1932. — Né le 14 novembre 1842, à Le Tourneur (diocèse de Bayeux), Godefroid Madelaine entra chez les prémontrés de l’abbaye de Mondaye le 3 novembre 1861 et y prononça ses vœux le 6 février 1864. Prêtre l’année suivante, Madelaine fut prieur de l’abbaye pendant de longues années avant d’être élu prélat de celle de Frigolet le 10 octobre 1899. Expulsée de France, cette communauté trouva asile en Belgique dans la vieille abbaye de Leffe-lez-Dinant. Madelaine remplit sa charge jusqu’en 1919, rentra à Mondaye en 1921 ‘et mourut le 22 septembre 1932.
Outre divers articles historiques, des sermons, discours, etc, imprimés ou manuscrits, Madelaine a édité un Essai historique sur l’abbaye de Mondaye (Caen, 1874), un Manuel du Tiers-Ordre de saint Norbert (Caen, 1876, 1888) et une Histoire de saint Norbert. d’après les documents originaux (Lille, 1886; 3e éd., Tongerloo, 1928).
Madelaine intéresse l’histoire de la spiritualité parce que, prédicateur de nombreuses retraites, il assura celles du carmel de Lisieux en 1890 et 1896; il y connut Thérèse de l’Enfant-Jésus et l’aida à combattre ses tentations contre la foi. Après la mort de la sainte, il révisa les textes qu'elle laissait dans la copie que lui soumirent les carmélites de Lisieux (les omissions et les retouches apportées aux originaux ne sont pas
‘ de son fait). Madelaine obtint de son ami l’évêque de Bayeux, F. Hugonin, l’Imprimatur que celui-ci d’abord ne voulait pas donner. L’Histoire d’une âme parut précédée d’une lettre de Madelaine, où ce dernier se montre plus sensible à la beauté du style et à la «suave histoire » de Thérèse qu’à ses épreuves crucifiantes (Bar-le-Duc, 1898).
L. Goovaerts, Étcrivains... de l’ordre de Prémoniré, t. 1, Bruxelles, 1899, p. 549-550; £. 4, 1909, p. 181-182. — Annales de Sainte-Thérèse de Lisieux, janvier et février 1926, novem- bre 1932. — Analecta praemontratensia, t. 8, 1932, p. 872- 873; t. 51, 1975, p. 118-117 (J.-J. André, La petite Thérèse de Lisieux et l’ordre de Prémontré). — Courrier de Mondaye, n. 68-69, 1961-1962. — Thérèse de Lisieux, Correspondance générale, t. 1, Paris, 1972, p. 27, 223; t. 2, 1973, p. 623-624, 883, 1205, 1229, 1235.
Michel BIrGoNNEAU.
4. MADELEINE DE SAINT-JOSEPH, car- mélite déchaussée, 1578-1637. — 1. Vie et œuvres. — 2. Doctrine. | |
1. Vie. — Née le 17 mai 1578, à Paris, Madeleine du Bois de Fontaines-Marans vint à six ou sept ans, avec ses parents, habiter en Touraine, d’abord au Plessis-Barbe, puis au château de Fontaines, près de Rouziers. Au cours de l’hiver 1603-1604, elle fit connais- sance à Tours de Pierre de Bérulle, qui travaillait alors
à introduire en France les carmélites thérésiennes. Ses. désirs de vie religieuse, encore assez imprécis, se concré- :
tisèrent et, malgré l’opposition de ses parents, elle décida de se joindre aux carmélites espagnoles arrivées à Paris le 45 octobre 1604 et qui la reçurent au noviciat le 11 novembre. Elle fit profession le 12 novembre 1605 ‘et fut ausitôt maîtresse des novices.
Son père, désirant fonder un carmel à Tours, exigeait qu’il fût gouverné par Anne de Saint-Barthélemy (cf DS, t. 1, col. 676-677), prieure du « grand couvent »
de Paris. Madeleine de Saint-Joseph fut élue prieure à Paris le 20 avril 1608. Réélue en 1611, déchargée en 1614, elle passe alors à Tours quelques mois, pendant lesquels elle décide son père, qui a soixante-quatorze ans, à se faire oratorien (f 1627).
Le 9 octobre 1616, elle fonda le carmel de Lyon, d’où elle fut rappelée, en 1617, pour établir, rue Chapon, le deuxième carmel de la capitale. Elle en fut prieure pendant six ans, puis, rentrée dans son couvent de profession et élue prieure le 17 juillet 1624, elle le gouverna pendant onze ans, qui furent marqués de bien des afflictions : mort du cardinal de Bérulle (2 octo- bre 1629), de Jacques Gallemant (24 décembre 1630; cf DS, t. 6, col. 75-79), de Michel de Marillac (7 août 4632), etc. Madeleine de Saint-Joseph mourut au « grand couvent », le 30 avril 4637. On lui attribua de nombreux miracles et sa cause de béatification fut introduite dès 1645. L’héroïcité de ses vertus a été proclamée par Pie vi le 16 juillet 1789.
Madeleine a publié en 1625 La vie de sœur Catherine de Jésus (de Nicolas, + 1623), dont elle avait été mai- tresse des novices et prieure, et qu’elle avait emmenée à la fondation de la rue Chapon, avec un recueil de ses lettres et pieux écrits. Cette biographie, publiée sans nom d'auteur, a été plusieurs fois rééditée (Paris, 1626, 1628, 1631, 1656, et 1929 par J.-B. Ériau : Une mystique du 17e siècle, Sœur Catherine de Jésus). Les carmélites de Paris éditèrent les Avis de la Vénérable Mère Madeleine de Saint-Joseph pour la conduite des novices, Paris, 1672, et, récemment, quelques textes sur L’oraison à l’école de la Vénérable.., Clamart, 1937. Enfin ce que nous avons pu retrouver de sa correspon- dance, qui contient peu d’autographes, a été édité sous le titre Madeleine de Saint-Joseph. Leitres spirituelles. Paris-Bruges, 1965.
2. Doctrine. — Madeleine était, depuis 1604, la fille spirituelle de Pierre de Bérulle, dont elle assimila parfaitement la doctrine et dont elle se fit l’écho fidèle auprès des carmélites de France. Réciproquement elle exerça sur le futur cardinal une certaine influence. Car en dehors des auteurs du temps, qu’elle recommande à ses filles, Louis de Grenade, François Arias,-Jean d’Avila, Louis Dupont, Robert Bellarmin, etc, elle avait une expérience personnelle des voies mystiques. Elle écrivait dans une Relation spirituelle qu’elle rédigea vers la fin de son premier priorat à l’Incarnation : « L’état de mon âme est une union avec Dieu si totale, si puissante et si transformante, que, n’ayant point de termes pour l’exprimer, je m’abstiens le plus souvent d’en parler » (Vie, 1935, p. 119). Bérulle écrivait à son sujet : « Dieu est présent en elie d’une sorte de présence très particulière qui l’élève par-dessus son intelligence, sans que son âme voie d’élévation. Car les effets de Dieu en elle sont d’une qualité si simple que l'esprit, qui est habitué à des choses plus palpables, ne les comprend pas » (ibidem, p. 124).
La spiritualité de Madeleine, comme celle de Bérulle, est nettement théocentrique.
« Nous sommes nés en ce monde, non pour le monde ni pour tout ce qui est au monde. ni pour nous-mêmes, mais pour Dieu et pour Jésus-Christ, son Fils unique, pour connaître, pour aimer et pour servir le Père en son Fils et le Fils pour l'amour de son Père » (Lettre 138). Il faut donc « élever son esprit à Dieu et lui laisser conduire la terre comme il lui plaît » (62), adorer les desseins de Dieu en les ignorant (215), « accom- plir l’ordre de Dieu sur nous » (181), « faire tout ce qui dépend de nous pour nous mettre en l’état où nous devons désirer que
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Dieu nous trouve lorsqu'il lui plaira de nous appeler, et puis laisser le reste à sa grande miséricorde » (199). Reprenant un terme cher à Bérulle, elle recommande à ses filles « l’adhérence intérieure » à Dieu (76). « Je parle d’une adhérence de volonté, ou simple ou plus forte, selon la facilité, le don de Dieu et la liberté d’esprit; je parle d’une adhérence de tout soi-même au Fils de Dieu » (76).
Elle fait au « bon Jésus », comme disait Thérèse d’Avila, au Verbe incarné comme disait le fondateur de l’Oratoire, la plus grande place dans sa spiritualité. « Après que Dieu a donné à une âme quelque application à la divinité, il lui plaît en un moment de la remettre aux pieds de Jésus-Christ, ne l’appliquant plus qu’à son humanité sainte. Tous ceux qui vivent en Jésus- Christ vivent avec lui en son Père » (252). « Adorer Dieu en esprit, c’est l’adorer avec Jésus-Christ et en son esprit, et personne ne peut adorer avec Jésus- Christ, si déjà il n’est vivant avec Jésus-Christ. Il faut être dans sa vie pour être dans son adoration » (143).
D'où la nécessité « d’entrer parfaitement dans la personne sainte de Jésus-Christ » (82). Il faut « aller » à lui, « recourir » à lui, « se lier » à lui, «.se rendre » à lui, « s’unir », « s’abandonner » (passim}. « Nous ne devrions respirer que pour Notre-Seigneur Jésus-Christ et nous ne devrions pas être un seul moment sans le chercher » (137).
Elle recommande aux carmélites en charge d'élever leur «esprit à Jésus-Christ en parlant et en traitant avec les âmes » et de se donner « à lui pour parler selon lui et selon ses voies mortes et anéanties » (14). Elle aime donner à Jésus-Christ les personnes qui se confient à elle : « Je vous écris ce mot pour vous donner au Fils de Dieu et pour le supplier de vous lier à lui et à ses voies, à l'amour de ses mystères et à tout ce qu’il est » (87). Elle leur recommande de s’appliquer aux mystères de Jésus (131, 225, etc), particulièrement de contempler ses abaissements et ses souffrances (41, 77, etc). Elle insiste aussi sur les mystères de l’enfance, auxquels Bérulle « avait une mer- veilleuse dévotion en ses derniers jours » (Lettre 47; Avis, p. 14}.
Très remarquable est aussi sa dévotion au Saint- Sacrement. Elle aurait voulu « que l’on composât un traité du Saint-Sacrement et que, comme Jésus-Christ a inspiré plusieurs auteurs d'écrire des excellences de sa très säinte Mère, il en inspirât quelqu'un d’écrire de ce grand et adorable mystère ». Elle aurait voulu qu’on «fît voir que dans ce Sacrement se trouve l’abrégé de tous ses états et de tous ses mystères, et la grâce qu'il nous a méritée par eux » (Lettre 122). Elle obtint des supérieurs du carmel de France que le Saint- Sacrement fût exposé jour et nuit, tous les jeudis, dans la chapelle du « grand couvent ». Maïs, car elle est de son temps, sa dévotion eucharistique est surtout centrée sur la contemplation et l’adoration de la divine
présence, beaucoup plus que sur les autres réalités
du mystère.
Ériau (La vénérable., p. 73 svv) attire à juste titre l'attention sur la perspicacité avec laquelle, combattant dans ses lettres certaines « dévotions subtiles » et fausses, elle semble avoir deviné les ravages qu’allait bientôt occasionner le quiétisme.
Par sa valeur personnelle, qui attirait au parloir du carmel beaucoup de grands personnages du royaume, par le rayonnement du « grand couvent », qui fournis- sait de prieures et de maîtresses des novices de nom- breux monastères de France, Madeleine de Saint-Joseph a exercé sur la vie spirituelle de son temps une remar- quable influence, prolongeant celle de Bérulle. Sans doute est-elle aujourd’hui trop oubliée.
G. Gibieuf (cf DS, t. 6, col. 356-363), Vie de la Mère Made- leine de Saint-Joseph, ms au carmel de Clamart. — F. Senault, La vie de la Mère Magdeleine…, Paris, 1645; à partir de Gibieuf. — J. Talon, La vie de la Mère, Paris, 1670, adapte et complète Senault. — H. Bremond, Histoire littéraire, À. 2, Paris, 1916, p. 323-343. — J.-B. Ériau, La vénérable Made- leine de Saint-Joseph. Essai sur sa pie et ses écrits, Paris, 1921; L'ancien carmel du faubourg Saint-Jacques, 1604-1792, Paris, 1929, surtout le ch. 16, p. 275-300. — Louise de Jésus, La vénérable Madeleine de Saint-Joseph, première prieure française du premier monastère des carmélites déchaussées en France, Paris, 1935. — Bibliotheca sanctorum, t. 8, 1967, col. &467- 469. — J. Roland-Gosselin, Le carmel de Beaune, 1619-1660, Rabat, 1969, passim.
Pierre SEROUET.
2. MADELEINE DU SAINT-SACRE- MENT, carmélite déchaussée, 1617-1697. — Made- leine de Lucat, née à Saint-Sever (Landes), le 6 avril 1617, était fille de-Christophe et de Marie-Madeleine de Marrein, appartenant tous deux à des familles catho- liques qui n’avaient pas subi l’attirance du protestan- tisme. Très tôt, elle fut favorisée de grâces élevées. Quand elle eut une quinzaine d’années, son directeur l’engagea vers la vie religieuse. Elle demanda son admission au carmel de l’Assomption de Bordeaux, dont sa tante maternelle, Anne de Saint-Joseph, était prieure. Sa famille, qui comptait de nombreux enfants, ne pouvant payer la dot demandée, Madeleine entra comme « sœur du voile blanc », en 1635. Bientôt sa santé chancela et elle dut rentrer momentanément dans sa famille. Pendant dix ans elle y mena une vie de carmélite; elle fut pendant ce temps-là éclairée sur sa vocation. Alors qu’elle était au carmel, l’oratorien Guillaume Gibieuf (cf DS, t. 6, col. 356-363), visiteur des carmélites, avait été frappé par la qualité de la postulante. Dans une visite ultérieure, il témoigna son étonnement de ne plus la voir et demanda qu’on la rappelät. Madeleine, à peine de retour, reçut l’habit, mais tint à demeurcr sœur converse, malgré les instances de la communauté.
Sa vie fut désormais partagée entre son office et la contemplation. Là participation aux travaux de la maison (cuisine, lessive, infirmerie, jardin) l’occupait beaucoup, elle et sa compagne, Marie de Sainte-Thérèse (voir sa notice). Tendre et compatissante avec toutes, elle assurait que «les moindres incommodités des sœurs lui paraissaient si considérables qu’elle eût voulu avoir de l’or potable pour les soulager ». Cette attention à ses responsabilités et à la vie de communauté ne la détournait pas de la vie contemplative. Elle avait, au témoignage des contemporains, un attrait sensible pour l’enfance de Jésus. Il semble qu’elle ait reçu des lumières spéciales sur l’état d’enfance. Ce genre de vie et de dévotion lui attira grande réputation dans la ville, mais lui valut aussi de dures contradictions au couvent et au dehors. Elle mourut le 17 janvier 1697. L’Aquitaine conserva pour elle une véritable dévotion. Le mauriste Jean Martianay (1647-1717), son parent, et quelque temps à l’abbaye bordelaise de Sainte- Croix, écrivit et publia sa vie, dont le texte vaut cer- tainement mieux que l’appréciation qu’en donna Bre- mond. La vie de Madeleine, comme celle de sa compa- gne, représente une page intéressante de l’histoire spi- rituelle du midi de la France au 17€ siècle.
Martianay a recueilli plusieurs lettres de la carmé-
‘lite, adressées soit à son oncle (Marrein), dominicain,
soit à d’autres personnes, et quelques-uns de ses petits écrits spirituels « touchant les vertus théologales » ou
61 MADELEINE DU S. SACREMENT — Ste MADELEINE-S. BARAT 62
la prière « dénuée et désappropriée de tout » {(p. 281).
C. de Villiers, Bibliotheca carmelitana, t. 2, Rome, 1927, col. 305-306. — J. Martianay, La vie de sœur Magdeleine du Saint-Sacrement, religieuse carmélite du voile blanc, avec des réflexions sur lercellence de ses vertus, Paris, 1711. — Les Chroniques de l’ordre des Carmélites de la réforme de sainte Thérèse, t. 3, Troyes, 1856, p. 261-268, reproduisent la notice nécrologique qui se trouve déjà dans Martianay. — H. Bre- mond, Histoire littéraire du sentiment religieux,